Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 23 janvier 2013 à 14h30
Débat sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaite saluer à mon tour l’initiative de Nicole Bonnefoy, qui s’est saisie de ce sujet avec pugnacité. Ce rapport d’information nous présente aujourd’hui des orientations dont chacun s’accorde à reconnaître la clarté et le courage. Félicitons aussi Sophie Primas d’avoir su animer le travail de cette mission commune d’information.

Il me semble important de souligner avant tout que le danger des pesticides pour leurs utilisateurs est largement sous-évalué ; nous risquons donc d’être confrontés à un problème de santé publique à long terme. La semaine dernière encore, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a publié un avis sévère sur trois pesticides parmi les plus utilisés au monde, qui affectent gravement les populations d’abeilles, ainsi que notre environnement.

L'ampleur de la tâche qu’elle avait à accomplir a empêché la mission commune d'information d’aborder ce volet. Comme l’a souligné Mme la rapporteur, ce n'est qu'un point de départ. Pour votre part, monsieur le ministre, vous avez montré votre détermination à prendre les mesures qui s'imposent.

Les agriculteurs et les salariés agricoles sont les premiers concernés par la manipulation des pesticides, or ils sont plus ou moins bien informés des risques liés à l’utilisation de ces produits. Il est reconnu que 20 % d’entre eux ne se protègent pas pour les manipuler. Il serait logique que les protections ad hoc soient fournies avec les produits !

Nombre d’accidents, comme des pertes de connaissance ou des malaises diffus, ne sont pas recensés, car ils passent inaperçus. Il n’existe pas de registre des produits utilisés et les études sur les effets des produits phytosanitaires sont insuffisantes.

On sait que certaines substances agissent pendant des dizaines d’années et que le lien n’est pas toujours établi entre des symptômes se déclarant tardivement et l’utilisation de ces produits. L’effet « cocktail » n’est pas non plus pris en compte, les études ne portant que sur un produit à la fois.

C’est pourquoi la mise en place d’un suivi post-fabrication sur le long terme, mené en toute indépendance, doit être l’une de nos priorités. En outre, les études en matière de santé doivent être étendues à tous les salariés saisonniers et aux personnes qui ne sont plus en activité. J’espère que cette recommandation figurera en bonne place dans le projet de loi qui nous est annoncé.

D’ores et déjà, certaines affections, telles que des dermatoses, des problèmes respiratoires, des troubles neurologiques et cognitifs, des cancers, apparaissent comme des effets de l’exposition aux pesticides. Toutefois, aujourd’hui, seulement une quarantaine de maladies chroniques liées à l’usage de ces produits sont reconnues comme maladies professionnelles.

La simplification de l’accès des victimes au système de réparation des maladies professionnelles est une urgence, de même que le contrôle scrupuleux des autorisations de mise sur le marché des pesticides.

Les agriculteurs ont fait beaucoup d’efforts, ces dernières années, pour réduire les apports en pesticides, mais comment tendre vers le risque zéro ? C’est peut-être trop demander dans le contexte actuel.

Outre la nécessité d’un véritable changement des mentalités, nos agriculteurs, qui subissent à la fois la pression de la concurrence économique et une forme de culpabilisation par rapport à des pratiques dont ils sont eux-mêmes victimes, se trouvent confrontés à une injonction paradoxale. Comment travailler autrement ? Vous l’avez souligné, des études explorant des solutions semblent avancer.

L’une des préconisations du rapport d’information est d’orienter les aides publiques vers l’agriculture biologique et de soutenir le développement de l’agro-écologie. C’est la proximité qui nous semble devoir être favorisée. Si le « bio » n’est pas toujours synonyme de qualité, surtout quand les produits sont importés, et si l’efficacité des systèmes de contrôle est souvent mise en cause, les règles qui s’appliquent en France à cette filière garantissent cependant un plus grand respect de l’environnement.

Bien sûr, des mesures doivent être prises rapidement en matière de protection des utilisateurs, de prévention des risques ou de gestion des déchets, mais il faut aussi entreprendre dès maintenant une réforme de structures. Ce changement prendra du temps, car nous devons tenir compte des contraintes des agriculteurs. Néanmoins, la mise en place des pôles régionaux de conversion à l’agriculture biologique peut constituer un premier pas. La modification des pratiques agricoles et agroalimentaires est urgente. Certaines mesures allant en ce sens n’entraînent aucune dépense pour l’État et peuvent donc être mises en œuvre rapidement.

Tous les problèmes soulevés par le rapport sont importants et méritent d’être pris en compte et traités par le biais d’actes forts ; nous avons aujourd’hui besoin de volontarisme et de transparence pour avancer !

Ce sont les mêmes constats, en termes de nécessité de renforcer la prévention et de modifier les pratiques actuelles, qui avaient motivé l’adoption du plan Écophyto 2018 lors du Grenelle de l’environnement.

Or, force est de constater que les résultats de ce plan sont encore largement insuffisants. Non seulement le recours aux produits chimiques n’a pas diminué, mais il a augmenté de 2, 6 % pour les traitements foliaires et de 7 % pour les traitements directement réalisés sur les semences.

Des pistes réalistes nous sont ici proposées : agissons, en donnant à l’information, à la formation et à la recherche des moyens qui permettent enfin de dépasser le stade des constats et d’œuvrer ensemble dans l’intérêt de tous.

Vous nous avez assuré, monsieur le ministre, que ces propositions, dont soixante-trois relèvent de votre compétence, seraient prises en compte. Nous voulons que des actes soient posés dès 2013, avec l’adoption de mesures efficaces. Bien sûr, le temps de la concertation est nécessaire. À cet égard, la méthode du Gouvernement me semble être judicieuse, mais nous devons aussi tenir compte des attentes, qui se font chaque jour plus grandes. Notre majorité doit y répondre.

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