Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier la présidente de la mission commune d’information, Sophie Primas, et son rapporteur, Nicole Bonnefoy, de la qualité des travaux menés et de la richesse des propositions formulées.
Les questions environnementales sont aujourd’hui au cœur de nos débats. Voilà trente ou quarante ans, peu de monde, à part les associations de défense de l’environnement et quelques scientifiques ou décideurs politiques, prêtait attention aux nombreux indices témoignant des atteintes portées à notre environnement.
Aujourd’hui, au contraire, la prise de conscience de ce problème est collective et partagée. Elle débouche sur une réflexion comportant diverses dimensions : développement durable, biodiversité, gestion des déchets, énergies renouvelables, principe de précaution…
La question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, de leur dissémination dans l’environnement, de leurs effets sur la santé humaine préoccupe beaucoup nos concitoyens. Il faut dire qu’elle est posée de façon récurrente par les médias, qui traitent abondamment du sujet en évoquant recherches scientifiques, publication de rapports, décisions de justice reconnaissant l’existence d’une relation de cause à effet entre exposition à un pesticide et survenue d’une maladie, pollutions du sol ou des eaux, dépassement des limites maximales en matière de résidus de pesticides…
Mais ce sujet dépasse le cadre purement scientifique. La décision des autorités compétentes, autorisant ou interdisant l’utilisation d’un pesticide, doit pouvoir s’appuyer sur une évaluation bénéfices-risques tenant compte de nombreux paramètres, tels que la santé, bien sûr, mais aussi l’environnement, la démographie, l’économie, l’éthique, la sécurité des approvisionnements alimentaires.
Il s’agit donc d’un domaine complexe, où interfèrent les réalités de la chimie biologique et la perception par le public des conséquences de l’usage des produits phytopharmaceutiques en agriculture.
On me permettra d’évoquer plus particulièrement, aujourd’hui, le cas des travailleurs exposés aux produits phytopharmaceutiques.
En effet, dans le cadre de l’évaluation des préparations phytopharmaceutiques, la réglementation prévoit notamment une évaluation des risques pour les utilisateurs.
Afin de permettre au gestionnaire du risque, en vue de la décision d’autorisation de mise sur le marché des produits, de préciser aux futurs utilisateurs quel type d’équipements employer, l’ANSES recommande, dans son avis du 29 octobre 2012, d’intégrer dans la réglementation l’exigence, pour le pétitionnaire, de fournir des résultats de tests d’équipements de protection individuelle permettant d’attester, sur la base d’essais normalisés et d’études d’exposition, le respect des objectifs de performance requis pour les équipements de protection concernant le produit en question. Cela me semble en effet indispensable.
Si les produits phytopharmaceutiques sont, par nature, des produits actifs pouvant se révéler nocifs pour l’environnement ou la santé, leurs modalités d’utilisation et d’évaluation sont très encadrées sur le plan législatif.
Depuis plusieurs années, ce cadre réglementaire, désormais européen, s’est considérablement resserré. Les préparations phytopharmaceutiques et les substances actives qui les composent sont régulièrement réévaluées, pour chacun de leurs usages, au regard de critères permettant d’assurer la sécurité d’une utilisation respectant les préconisations d’emploi.
Cependant, au regard des dangers présentés par ces produits, la question de leurs effets sanitaires, en particulier pour les travailleurs exposés, constitue un sujet essentiel, que n’a pas manqué de traiter la mission d’information.
Lors de l’évaluation des préparations phytopharmaceutiques par l’ANSES, la réglementation prévoit notamment une évaluation des risques pour les utilisateurs. Dans ce cadre, l’exposition des travailleurs agricoles est estimée en fonction de la pratique agricole, à l’aide de modèles qui permettent de mesurer l’exposition de l’applicateur du produit avec ou sans port d’équipements de protection. Ces modèles ont été élaborés à partir de données expérimentales issues d’études d’exposition en conditions réelles, jugées représentatives de la pratique.
Pour certaines préparations phytopharmaceutiques, le risque pour l’opérateur n’est acceptable, au sens de la réglementation en vigueur, qu’avec le port d’un équipement de protection individuelle ou EPI. L’agence le signale alors expressément au gestionnaire du risque et indique, dans l’avis rendu public, le niveau de performance attendu de l’équipement, en termes de protection ou de facteur d’abattement du niveau d’exposition au produit que l’EPI doit garantir.
Cependant, on me permettra de souligner que les données expérimentales sur lesquelles sont fondés les modèles d’exposition ne permettent pas toujours d’associer avec certitude la protection nécessaire à l’utilisation d’un type d’équipement de protection disponible sur le marché.
Pour permettre au gestionnaire du risque, dans le cadre de la décision d’autorisation de mise sur le marché, de préciser aux futurs utilisateurs du produit le type d’équipements de protection individuelle à recommander, il est nécessaire que l’ANSES puisse apporter des éléments plus précis sur les types d’EPI répondant aux objectifs de protection requis. Pour ce faire, l’agence a besoin de recueillir auprès du pétitionnaire des éléments d’informations complémentaires sur les EPI. À cette même fin, l’agence s’est autosaisie en 2011, afin d’inventorier les EPI disponibles sur le marché et d’évaluer leur performance selon un test normalisé.
Dans ce contexte, l’ANSES a été saisie par la direction générale de l’alimentation, le 13 septembre 2012, d’une demande d’informations complémentaires suite aux avis délivrés par l’agence concernant les caractéristiques des EPI.
En réponse à cette saisine, l’ANSES recommande à l’État d’intégrer dans la réglementation l’exigence, pour le pétitionnaire, de fournir des résultats de tests sur des EPI disponibles sur le marché, réalisés avec le produit phytopharmaceutique dont le dossier est soumis pour autorisation de mise sur le marché.
Permettez-moi de souligner que de tels tests permettraient d’attester, sur la base d’essais normalisés, le respect des objectifs de performance requis pour les équipements de protection contre le produit en question.
Il me semble indispensable qu’une norme harmonisée adaptée aux travailleurs agricoles exposés aux pesticides soit adoptée le plus rapidement possible dans le cadre de la directive européenne EPI, de façon à faciliter la mise à disposition d’équipements de protection individuelle certifiés bénéficiant du marquage « CE ».
Il ne faut pas oublier que ces EPI constituent souvent le dernier rempart entre l’utilisateur et les produits qu’il manipule pouvant occasionner des effets sur sa santé. Il s’agit, en effet, d’éviter l’inhalation de produits, l’exposition par voie cutanée ou l’ingestion.
L’usage des EPI est cependant au cœur de deux problématiques centrales.
Tout d’abord, ces équipements sont peu ou pas utilisés, très souvent en raison d’un manque de praticité.
Ensuite, le port de ces équipements renvoie une image peu valorisante de l’agriculture, notamment à l’égard du voisinage : en effet, ils véhiculent une idée de dangerosité.
Il faut donc améliorer l’efficacité et le confort des EPI pour surmonter les réticences des professionnels à les acheter et à les utiliser.
Il faut également renforcer le rôle de conseil des distributeurs et des coopératives en matière de choix de l’EPI adapté en cas de pulvérisation simultanée de plusieurs produits.
De plus, certains pesticides sont mis sur le marché sans que l’on soit assuré que des EPI adaptés existent. Il est donc nécessaire, madame, monsieur les ministres, de renforcer la coopération entre fabricants de pesticides et fabricants d’EPI, pour permettre, à terme, la conception conjointe du pesticide et de l’EPI correspondant.
Enfin, reste le problème du stockage, de la maintenance et de l’élimination de ces outils de protection, dont la durée de vie est très variable. La mention d’une date de péremption n’est pas toujours suffisante, car l’altération de l’EPI dépend du type d’utilisation qui en est fait.
Ainsi, beaucoup d’utilisateurs, faute de solutions organisées sur l’ensemble du territoire, déposent actuellement les EPI usagés en déchetterie ou même les jettent à la poubelle. Nous devons donc impérativement généraliser à l’ensemble du territoire les opérations de collecte des EPI usagés, en prévoyant une filière spécifique pour les combinaisons.