Intervention de Maurice Antiste

Réunion du 23 janvier 2013 à 14h30
Débat sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement

Photo de Maurice AntisteMaurice Antiste :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, madame la présidente de la mission commune d’information, madame la rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur les pesticides et leur incidence sur la santé et l’environnement est pour moi l’occasion de saluer le remarquable travail accompli par la mission commune, mais aussi de revenir sur la grève des marins-pêcheurs martiniquais du 20 décembre dernier, lors de laquelle ils ont exprimé leur détresse et leur colère. En effet, ils ont dénoncé les conséquences des nouvelles mesures d’interdiction de pêcher sur une importante partie du littoral atlantique martiniquais, prises en raison de la contamination des langoustes par un pesticide, le chlordécone.

Madame, monsieur les ministres, c’est une grande tragédie qui touche ces professionnels de la pêche, confrontés à une multitude de facteurs qu’ils ne maîtrisent pas et qui compromettent irrémédiablement l’exercice de leur profession. Non seulement ils ne sont aucunement responsables de l’usage de ce polluant, mais ils en sont eux-mêmes les victimes aujourd’hui.

Rappelons que les langoustes blanches et brésiliennes, dont la pêche a été interdite pour une durée indéterminée, sont des espèces dont la commercialisation est rémunératrice par excellence.

Madame, monsieur les ministres, je sais tout l’intérêt du Gouvernement pour ce dossier. Ne laissons pas sombrer un secteur d’activité déjà durement touché par la crise, par l’application de normes européennes de plus en plus contraignantes, par la hausse du prix des carburants et par la concurrence, pas toujours maîtrisée, des autres pays. Je lance donc un appel à la solidarité nationale et à la nécessaire prise de conscience des répercussions de l’utilisation de certains pesticides sur l’ensemble de nos biotopes et sur la santé humaine, ainsi que de ses conséquences sur notre économie.

L’interdiction de la pêche de toutes les espèces de la faune marine dans certaines zones maritimes de la Martinique est le révélateur d’un désastre économique, environnemental, sanitaire plus général, provoqué par le recours massif au chlordécone. L’utilisation de ce produit en outre-mer jusqu’en septembre 1993 – soit trois ans après son interdiction dans l’Hexagone – a eu pour conséquence un empoisonnement dangereux du sol et de l’eau, des fruits, des légumes racines et de certaines viandes. Il convient de noter que, entre 1972 et 1993, environ 6 000 tonnes de curlone, produit contenant 5 % de chlordécone, ont été vendues en Martinique. Ce sont ainsi de 8 000 à 12 000 hectares qui seraient contaminés dans cette île, soit un tiers de la surface agricole utile, et de 6 000 à 8 000 hectares en Guadeloupe, soit un cinquième de cette même surface. Cette contamination est d’autant plus préoccupante et dramatique que sa rémanence dans l’environnement est de l’ordre de 600 ans !

Il convient ici de faire mention, outre des deux plans d’action chlordécone mis en place par le Gouvernement, de la remarquable implication des acteurs locaux, notamment du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, de l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, de l’université des Antilles et de la Guyane, du Pôle de recherche agro-environnemental de la Martinique et du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM. Leur action, menée en collaboration avec des équipes nationales et internationales, a permis de réelles avancées en termes de prise de conscience du risque et de réponses scientifiques.

J’ai ainsi assisté aux « journées recherches », en octobre 2012, au cours desquelles a été dressé un bilan d’ensemble de l’application, à mi-parcours, du second plan chlordécone. Si je salue les progrès constatés, je ne perds pas de vue les vives inquiétudes exprimées par certains médecins, à la lumière de leur expérience de terrain, quant à la situation sanitaire. Ils relèvent de nombreux signaux inquiétants augurant d’un danger grave pour l’avenir, tout particulièrement en termes d’hérédité, de perturbations de la fertilité masculine, de baisse régulière du taux de la natalité, d’augmentation constante du nombre de cancers de la prostate, lesquels touchent des hommes de plus en plus jeunes.

Les Antillais paient un très lourd tribut à cette pollution, et le pire est probablement à venir.

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