Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 23 janvier 2013 à 14h30
Débat sur les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter un rapport sur les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes, dont la rédaction m’a été confiée par la délégation sénatoriale à la prospective, présidée par Joël Bourdin.

Ce travail fait suite à plusieurs autres rapports portant sur des sujets connexes. Je voudrais notamment citer le rapport d’Alain Milon sur l’utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la grippe H1N1, intitulé « La gestion d’une crise sanitaire : la pandémie de grippe A », qui lui-même faisait suite à un rapport de la Cour des comptes sur le même thème. Je pense également au rapport de Marie-Christine Blandin et Jean-Pierre Door sur la mutation des virus et la gestion des pandémies, publié en 2010, ainsi qu’aux travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur la grippe H1N1 ou aux rapports de Nicole Bricq et du député Yves Bur sur les agences sanitaires.

À titre plus personnel, j’avais été sensibilisée au sujet des maladies infectieuses émergentes lorsque j’avais suivi le projet de création d’une unité de recherche et de formation à Kinshasa. Le bassin du Congo est en effet un territoire où apparaissent de nombreuses maladies.

J’ai effectué différents déplacements dans les pays du Sud et participé à un symposium organisé au Gabon. J’ai bien sûr eu l’occasion de rencontrer de très nombreux chercheurs et praticiens, tant européens qu’africains et asiatiques. J’ai consacré un certain temps à l’analyse de la tuberculose en Inde ; je reparlerai de cette maladie, puisqu’elle est en train de faire son retour en Europe.

À la fin du mois de mai dernier a été organisé au Sénat un atelier de prospective, retransmis par la chaîne Public Sénat, auquel ont participé, au côté de parlementaires, une centaine de représentants des grandes disciplines concernées : historiens, philosophes, ethnologues, communicants, épidémiologistes, microbiologistes cliniciens, géographes. Je veux les remercier ici de l’intérêt qu’ils ont porté à ce sujet sensible. Leurs regards croisés apportaient un éclairage absolument passionnant sur le sujet des maladies infectieuses.

La menace des maladies infectieuses est profondément ancrée dans la mémoire des populations. La dernière grande pandémie grippale de 1918 reste très présente dans les esprits, comme l’illustrent magnifiquement ces lignes du roman de Jérôme Ferrari intitulé Le Sermon sur la chute de Rome :

« Un vent fétide se levait et portait depuis la mer et les plaines insalubres les miasmes d’une grippe mortelle, balayant les villages et jetant par dizaines dans les fosses creusées à la hâte ceux qui avaient survécu à la guerre, sans que rien pût l’arrêter, comme la mouche venimeuse des légendes anciennes, cette mouche née de la putréfaction d’un crâne maléfique et qui avait surgi un matin du néant de ses orbites vides pour exhaler son haleine empoisonnée et se nourrir de la vie des hommes jusqu’à devenir si monstrueusement grosse, son ombre plongeant dans la nuit des vallées entières, que seule la lance de l’Archange pût enfin la terrasser. L’Archange avait depuis longtemps regagné son séjour céleste d’où il restait sourd aux prières et aux processions, il s’était détourné de ceux qui mouraient, à commencer par les plus faibles, les enfants, les vieillards, les femmes enceintes […]. »

Pour autant, on peut aujourd’hui se demander s’il faut encore attacher une attention particulière à des maladies qui ont disparu ou que l’on sait désormais traiter grâce aux progrès de la médecine depuis un siècle – la vaccination ou la découverte des antibiotiques, notamment – et à l’amélioration de la nutrition. Après tout, à l’exception du sida, qui a encore fait près de 2 millions de morts l’an dernier, les décès dus à ces maladies ne représentent plus, et c’est heureux, qu’un faible pourcentage de la totalité des décès, bien inférieur à celui des décès imputables aux accidents de la route, au diabète ou à l’alcoolisme.

Si l’on s’en tenait aux statistiques, la cause serait entendue et l’on pourrait imaginer que l’intérêt persistant pour ces maladies ne relève en définitive que de l’inconscient collectif, de ces peurs irraisonnées qui franchissent la barrière des générations et nous renvoient aux ténèbres de l’humanité.

Néanmoins, et c’est sur ce point que je veux insister, les spécialistes continuent de s’inquiéter. À l’occasion de la pandémie grippale H1N1 de 2009, l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a lancé la première alerte sanitaire mondiale, et, en 2002, l’apparition du SRAS, qui a causé la mort de près de 500 personnes en quelques mois, a mis toute la communauté scientifique en émoi. Comme le disent si bien les chercheurs de l’Institut Pasteur, nous avons eu de la chance, parce qu’il s’agissait d’un virus très dangereux mais heureusement faiblement contagieux et à incubation lente. Il en aurait été tout autrement avec un virus non seulement très dangereux mais également très contagieux et à incubation rapide.

Ce qui frappe le plus quand on observe les pandémies, c’est à la fois la particularité de chaque type de maladie et la globalité des effets, désormais susceptibles d’atteindre l’ensemble de la population mondiale, dans le contexte actuel de multiplication des transports de personnes et des échanges de biens et de services. Je partage évidemment le point de vue du Président de la République, …

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