Aujourd’hui, rien qu’en ce qui concerne les trois principaux fléaux infectieux mondiaux, le paludisme, le sida et la tuberculose, nous sommes toujours en situation d’échec pour les deux premiers. Et, même pour la tuberculose, l’efficacité du BCG est atténuée par la mutation du bacille.
À l’ère des maladies émergentes, réémergentes et des résistances accrues aux traitements, le développement de nouveaux agents antimicrobiens et de nouveaux vaccins est un défi. Il faut aussi améliorer l’immunité, l’acceptabilité et la sécurité.
En France, nous disposons de centres de recherches importants, tels que l’Institut Pasteur, le biopôle à Lyon, et de quelques universités. Mais, de l’aveu même des acteurs, cette recherche souffre d’une trop grande fragmentation, d’un manque de visibilité, d’un financement peu satisfaisant.
« Nous devons faire de cette décennie la décennie des vaccins », a déclaré un célèbre donateur au forum économique de Davos en janvier 2010. Financer la recherche dans ce domaine doit être une priorité des priorités de l’OMS, même si la déception est réelle concernant la dengue ou le chikungunya.
Pour conclure sur ce volet scientifique, je voudrais insister sur le décloisonnement.
Les maladies infectieuses émergentes, les MIE, restent synonymes « de déficits de connaissances et causes d’importantes incertitudes », tant il est vrai que la complexité des interactions entre les agents pathogènes, leurs vecteurs et l’homme reste encore à décrypter. Seule une stratégie audacieuse de recherche interdisciplinaire, de la microbiologie fondamentale jusqu’aux sciences humaines et sociales, sans exclusivité, permettra d’avancer. Des recherches sur la dynamique des maladies infectieuses se font grâce aux modèles mathématiques toujours plus élaborés, en passant par la génétique et les satellites de surveillance, pour surveiller le climat, les points d’eau, les oiseaux migrateurs.
Approche interdisciplinaire, organisation innovante, voilà bien deux nécessités évidentes dans ce domaine. Comment s’en donner les moyens, madame la ministre ?
Autre défi à relever : le traitement des informations les plus alarmantes, parfois contradictoires, qui circulent très vite à travers la planète.
L’une des priorités de l’expertise est donc d’améliorer la communication avec le grand public. Des programmes sur ce sujet devraient être définis dans le champ de la recherche et de la formation.
Une approche plus pédagogique des décisions dans ce domaine lui permettrait de comprendre et d’accepter la complexité de ces réalités, complexité susceptible d’aboutir à des changements ou à des revirements de stratégie, à première vue inexplicables pour une grande majorité de la population, voire pour des professionnels de santé.
Enfin, dernier défi : l’accès équitable aux soins et à la prévention, notamment dans les rapports Nord-Sud.
Dans les pays du Sud, dont le pourcentage des maladies infectieuses a été évoqué, il est essentiel de détecter suffisamment tôt les flambées de maladies, d’éviter les épidémies ou l’endémisation de certaines maladies. Maintenir et développer la surveillance et les acteurs de terrain, les équipements et les laboratoires sont une condition du succès.
J’ai noté dans votre rapport, madame Keller, que vous relatez les travaux intéressants du docteur Didier Bompangue, chercheur à l’université de Besançon, fondateur de l’unité de recherche de Kinshasa en République démocratique du Congo. Ces exemples, il faut pouvoir les soutenir et les encourager. C’est à ce prix que nous pourrons lutter contre les maladies émergentes.