Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 23 janvier 2013 à 14h30
Débat sur les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier notre collègue Fabienne Keller d’avoir produit, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, ce rapport d’information très complet sur les nouvelles menaces liées aux maladies infectieuses émergentes, qui contient cinquante-trois propositions établies à partir des recommandations de spécialistes et dix leviers d’action.

Le professeur Claude Chastel, dans son ouvrage Virus émergents. Vers de nouvelles pandémies ?, souligne que, parmi les multiples facteurs qui interviennent dans l’émergence ou la réémergence de ces maladies virales, l’homme est le principal responsable. Depuis le néolithique, il s’est approprié la planète, modifiant ou détruisant de nombreux écosystèmes, en façonnant d’autres entièrement artificiels.

La croissance exponentielle de la population n’a évidemment fait que renforcer cette influence de l’homme : 7 milliards d’humains sur terre, c’est une aubaine pour des virus entreprenants. Qui plus est, cette population plus nombreuse est également beaucoup plus mobile que par le passé : les personnes et les biens se déplacent à une fréquence et à une vitesse démultipliées. Ajoutées aux changements climatiques et à l’évolution spontanée des agents pathogènes, ces mutations entraînent l’émergence constante de nouvelles maladies et leur diffusion accélérée.

La surveillance de ces maladies et le partage des connaissances existent déjà à plusieurs niveaux.

Au niveau international, le GOARN, Global Outbreak Alert and Response Network, est placé sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé. Dans ce cadre, le nouveau règlement sanitaire international, le RSI, adopté en 2005 par la cinquante-huitième Assemblée mondiale de la santé, a marqué un progrès considérable puisqu’il prend en compte tous les types de menace épidémique, même celles qui sont encore mal définies, mais jugées préoccupantes. Le RSI permet donc un signalement rapide entre les États de toute menace sanitaire pouvant se propager au niveau international. Chaque État a désigné un interlocuteur unique ; pour la France, il s’agit de la Direction générale de la santé, qui doit être en relation vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec l’OMS.

Au niveau européen, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l’ECDC, identifie et évalue la menace que constituent les maladies infectieuses.

Au niveau national enfin, l’Institut de veille sanitaire et, au niveau régional, les agences régionales de santé, par l’intermédiaire des cellules de veille et gestion des alertes sanitaires, les CVGAS, assurent une veille et une surveillance constantes.

De nombreux dispositifs de veille et d’alerte sanitaires contribuent donc, à l’échelle internationale et nationale, à la détection et à l’alerte des maladies émergentes. Ces outils doivent en permanence être évalués et adaptés pour nous permettre de prévenir les crises. En outre, d’après les diverses expertises sanitaires effectuées dans le monde, de nouvelles maladies infectieuses peuvent apparaître rapidement et se transformer en pandémies, à l’instar du SRAS, de la grippe aviaire ou de la grippe H1N1.

L’inquiétude porte aussi sur la résistance de certains virus aux antibiotiques, notamment en Asie. Il est scientifiquement démontré que la forte utilisation des antibiotiques a conduit à l’apparition accélérée de bactéries très résistantes. C’est pourquoi il faut encourager le développement de la recherche. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la réalisation, au sein de l’Institut Pasteur de Paris, du nouveau centre François-Jacob dévolu aux recherches sur les maladies émergentes.

Nous connaissons l’implication des équipes de l’Institut Pasteur, qui ont été en première ligne lors des grandes épidémies, qu’il s’agisse du SRAS, de la pandémie grippale ou du chikungunya. Dès les premiers cas de chikungunya signalés à la Réunion en 2005, l’Institut a monté un projet de recherche qui a permis de comprendre l’ampleur inattendue de cette épidémie. Notre pays doit donc continuer à encourager ce type de projet.

Comme le rappelle Arnaud Fontanet, chef de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut, « les maladies émergentes sont toutes ces maladies qui apparaissent au sein des populations humaines. Ce sont aussi les maladies anciennes ou presque disparues qui réémergent ou colonisent de nouvelles zones géographiques. Elles sont le plus souvent infectieuses, c’est-à-dire qu’elles sont dues à des microorganismes comme les bactéries, virus, parasites, champignons. […] En plus des décès et douleurs qu’elles entraînent, ces pathologies ont des conséquences sur tous les pans de la société : ralentissement économique, entrave à la circulation des biens et des personnes, etc. ».

Enfin, je pense que nous devons mener une réflexion poussée en vue de définir des protocoles opérationnels pour une bonne utilisation d’internet et des réseaux sociaux en cas de crise sanitaire.

Internet est une formidable source d’information, mais aussi de désinformation et de fausses rumeurs. Il serait sûrement utile de nous inspirer de la stratégie des États-Unis, décrite par le député Jean-Pierre Door : « Au centre d’Atlanta, le centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), plus de 400 personnes surveillent les réseaux sociaux 24 heures sur 24, en répondant immédiatement à tous les messages. Les résultats sont au rendez-vous. Nous en sommes loin : chez nous, la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire (DILGA) disposait de huit personnes. »

Nous devons impérativement renforcer ces moyens pour lutter efficacement contre les diffusions sur internet de toutes les rumeurs fantaisistes qui créent et entretiennent la panique. C’est pourquoi j’approuve totalement la proposition de Fabienne Keller d’expérimenter une situation de « potentielle crise » avec tous les acteurs concernés, ceux de la santé, bien sûr, médecins et chercheurs, mais aussi les représentants des différents services de l’État et des collectivités locales. Je partage son point de vue, notamment sur la nécessité d’anticiper un scénario catastrophe correspondant à la conjonction des pires hypothèses : une maladie inconnue, une incubation rapide à forte létalité, à la transmission incontrôlable et contre laquelle aucun traitement ne saurait être efficace.

La question des maladies infectieuses émergentes mérite donc toute notre attention et nous impose d’améliorer constamment la protection de la population afin d’éviter l’émergence d’une crise sanitaire de grande ampleur sur notre territoire.

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