Cette inadéquation entre les principes qui gouvernent l'économie numérique et nos règles explique largement pourquoi ces entreprises payent peu d'impôts. D'abord, elles sont souvent localisées en dehors du territoire français. Or l'impôt sur les sociétés est fondé sur le principe de territorialité : ne sont taxables en France que les bénéfices d'entreprises installées en France au sens communautaire du terme, ou ont sur notre sol un « établissement stable ». Ensuite, elles opèrent selon un modèle « biface », à l'instar de la publicité télévisuelle. Patrick Le Lay a dit un jour que TF1 était une machine à vendre aux annonceurs du temps de cerveau humain disponible. De même, Google a pour activité, côté pile, de fournir en France un moteur de recherche gratuit, mais financé côté face par des contrats publicitaires conclus en Irlande. Enfin, l'économie numérique se distingue par la place de ses actifs incorporels, rémunérés par d'importantes redevances, qui viennent ponctionner les bénéfices, d'où qu'ils proviennent. Or ces actifs sont généralement localisés dans des paradis fiscaux. De la sorte, la majeure partie de la masse fiscale potentielle échappe à toute taxation dans les pays européens - y compris en Irlande... A la différence des autres firmes multinationales créées de longue date, ces jeunes entreprises sont dès l'origine positionnées pour échapper à l'impôt.