L'économie numérique utilise les mêmes leviers d'optimisation fiscale que les autres mais de façon démultipliée par les actifs incorporels. C'est en outre l'asymétrie qui nous dérange : nous nous accommodons très bien de l'optimisation fiscale dans le secteur bancaire parce que de grandes banques déclarent leurs bénéfices en France. Mais toutes les grandes entreprises numériques sont américaines. Et l'économie numérique, vorace, s'attaquera demain aux services bancaires : Apple ou Facebook se profilent sur le marché du paiement en ligne et s'apprêtent à rogner les marges de nos banques.
Nous parlons de travail gratuit au sens où l'utilisateur n'est pas rémunéré pour les données qu'il abandonne sur les serveurs. Il bénéficie certes d'un service : un moteur de recherche performant, une interface agréable... Mais nous ne sommes pas chez Ikea, où on paye son meuble moins cher parce qu'on le monte soi-même. Les données sont conservées et servent à d'autres développements. Enfin et surtout, le coût marginal du client supplémentaire est quasiment nul : les économies d'échelle sont illimitées.
On entend beaucoup dire qu'il faudrait d'abord négocier au niveau européen avant d'imposer les entreprises du secteur. Ces dernières insistent beaucoup en ce sens, sachant que la fiscalité directe des entreprises n'est pas un domaine de compétence européen ! Leur tactique est excellente pour diluer le sujet mais ne tombons pas dans ce panneau. C'est à l'OCDE que les choses se jouent.
Aux Etats-Unis, des Etats touchés par la crise se sont demandés pourquoi les entreprises du numérique si florissantes ne payaient pas de taxe sur les ventes en ligne. On a vu de grands Etats, y compris républicains, comme le Texas, rattraper Amazon et taxer les ventes aux consommateurs locaux. Amazon a finalement plié, victime de la bataille de communication. Et puisque les Etats, partout où elle avait des entrepôts, lui demandaient de collecter la taxe, la firme a choisi de multiplier ses implantations, pour au moins tirer parti de la situation et raccourcir le délai de livraison. Amazon a fait levier de cette obligation fiscale pour prendre un avantage industriel sur ses concurrents, notamment dans la grande distribution, où se profile une bataille frontale entre Amazon et Wal Mart.