Oui. La troisième catégorie est celle des impôts assis sur les pollutions, dont le total s'élève à deux milliards d'euros. Elle se compose des redevances affectées aux agences de l'eau, pour 1,5 milliard d'euros, et de l'essentiel de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), pour un montant de l'ordre de 500 millions d'euros. Dans ce total, j'ai exclu une partie de la taxe assise sur l'utilisation d'un certain nombre de matériaux. Enfin, la catégorie des taxes sur les ressources naturelles, qui sont des redevances sur les prélèvements d'eau et quelques assiettes de TGAP, représente un total de 300 millions d'euros.
La France est avant-dernière parmi les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne (UE) en terme de poids de la fiscalité environnementale rapportée à son produit intérieur brut (PIB), c'est-à-dire 1,8 % du PIB par rapport à une moyenne communautaire de 2,4 %. Si l'on rapporte le poids de la fiscalité environnementale au poids total des prélèvements obligatoires, la France est dernière des vingt-sept pays. Les deux premiers du classement sont le Danemark et les Pays-Bas, avec un total de fiscalité écologique rapportée au PIB de 4 %.
Il y a deux grands facteurs d'explication à cette situation : le premier est un souci de préservation du pouvoir d'achat et le second un souci de préservation de la compétitivité industrielle.
En ce qui concerne la fiscalité sur les carburants, la France a des tarifs de droits d'accises assez élevés : 61 euros par hectolitre pour le super carburant, pour une moyenne communautaire d'un peu moins de 53 euros par hectolitre et, en ce qui concerne le diesel, 44 euros par hectolitre, contre une moyenne communautaire de 41 euros. C'est une moyenne non pondérée par rapport au PIB, mais on peut constater que l'écart de taxation entre les deux carburants est supérieur en France à celui de la moyenne communautaire. Cet écart est de 17 euros par hectolitre en France, contre 11 euros par hectolitre pour la moyenne communautaire. Les tarifs de droits d'accises en France sont donc plutôt supérieurs à la moyenne communautaire mais, malgré tout, en termes de poids de l'impôt sur le carburant rapporté au PIB, la France se situe à un niveau inférieur à la moyenne européenne, en particulier par rapport à l'Allemagne, à l'Italie et au Royaume-Uni. Ce paradoxe apparent s'explique par le poids des dépenses fiscales en matière de TICPE, dont la plus importante en termes de coût budgétaire est le rabais pour les poids lourds. Cette dépense fiscale a néanmoins été classée à un bon niveau, du point de vue de l'efficacité économique, par le comité Guillaume dans son rapport d'évaluation des niches fiscales et des dépenses sociales de septembre 2011.
En dehors du carburant, la taxation sur l'énergie est plus faible en France que dans le reste de l'Europe. Sur le fuel domestique, le niveau d'accises est trois fois inférieur à la moyenne communautaire. En ce qui concerne le gaz, en France, les ménages sont exonérés, tandis que les industriels sont faiblement taxés, par rapport à la moyenne communautaire. Cette situation est pleinement conforme au droit communautaire. Il s'agit donc de choix délibérés de niveau de taxation inférieurs à la moyenne, pour les ménages, pour des raisons de pouvoir d'achat, et pour les industriels, de préservation de la compétitivité grâce à un faible coût de l'énergie. Il s'agit d'un axe traditionnel de la politique fiscale française. De plus, le fait qu'il n'y ait pas de taxe carbone en France, alors qu'elle existe dans un certain nombre de pays de l'Union européenne (UE), est un autre facteur expliquant cette situation.
Passons maintenant aux perspectives éclairant la situation française. Tout d'abord, vous le mentionniez, M. le Président, des mesures récentes vont dégager des ressources nouvelles. La taxe « poids lourds » doit entrer prochainement en vigueur avec un rendement en année pleine d'un milliard d'euros. C'est un dispositif à la fois très complexe à mettre en oeuvre et très innovant, puisqu'il s'agit de tarifer l'utilisation par les poids lourds du réseau des grandes routes. Le dispositif fonctionnera grâce à un partenariat public-privé, mis en place par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), qui en assure la maîtrise d'ouvrage, avec des mécanismes de « compteurs à camion », qui vont mesurer le nombre de passages de camions sur des tronçons routiers. D'autre part, la loi de finances pour 2013 a fortement durci le malus automobile, ce qui doit dégager 200 millions d'euros de recettes, destinées à financer le bonus qui a été rendu plus attractif, ainsi qu'à mettre fin à la situation de déficit chronique du dispositif du bonus-malus, qui était censé s'équilibrer. Enfin, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a vu son assiette élargie à la dissémination, dans l'atmosphère, d'un certains nombre de produits polluants, dont le plus emblématique est l'arsenic.
Il s'agit des mesures les plus récentes mises en oeuvre. Par ailleurs, un travail de fond, qui en est à ses prémices, a été lancé. La conférence environnementale, qui s'est tenue à la fin de l'année 2012, a fixé, dans la feuille de route pour la transition écologique, des objectifs ambitieux en matière fiscale, afin de faire converger la France vers la moyenne européenne concernant la fiscalité écologique, tout en maintenant la compétitivité des entreprises françaises. Christian de Perthuis vous en parlera mieux que mois.