Alors, proposons de rendre cette fiscalité à la fois efficace en termes écologique et de rendement. Prenons un exemple : la TGAP portant sur l'enfouissement et l'incinération des déchets. Elle est au service d'une politique visant à limiter l'enfouissement de déchets dans des décharges et à encourager la valorisation des matières et de l'énergie des déchets municipaux et industriels. Nous, cimentiers, nous sommes placés sur cet axe politique, puisque notre processus de production nous permet de valoriser les matières et les énergies contenues dans ces déchets. Nous n'avons pas de déchets ultimes, donc nous considérons être totalement cohérents avec cette politique. Or, aujourd'hui, à chaque projet de loi de finances, la TGAP est révisée, quand il n'est pas proposé, dans certains amendements, de pénaliser notre industrie, alors même que nous sommes parmi les plus performants en termes de valorisation dans ce domaine. Nous croyons qu'il est possible d'avoir une fiscalité qui sert des objectifs écologiques et qui soit efficace en termes de rendement. Mais de notre point de vue, la priorité doit être donnée à la logique de cette politique environnementale.
Deuxième point très important sur ce que doit être une fiscalité environnementale : il faut qu'elle soit cohérente avec celle de nos voisins européens. Les frontières fiscales ne sont pas les frontières de marché. Les produits, biens et services circulent indépendamment des périmètres fiscaux. Toute fiscalité incohérente avec un territoire voisin va donc créer des effets de vases communicants. On a parlé dans le cas du CO2 de « fuites de carbone ».
Toute fiscalité écologique doit aussi se penser dans le cadre d'une fiscalité globale. M. Magnant a rappelé avec justesse les statistiques d'Eurostat sur le classement de la France en terme de poids de la fiscalité environnementale au regard du PIB. J'ai croisé ces statistiques avec le taux de prélèvement obligatoires des entreprises au sein de l'Europe. Certes, la France est avant-dernière dans le classement Eurostat en termes de poids de la fiscalité environnementale dans le PIB, mais elle est première en termes de prélèvements obligatoires sur les entreprises. Du point de vue de l'entreprise, une approche d'ensemble doit donc être privilégiée, plutôt qu'une approche fragmentée de la fiscalité. Notre entreprise est globale, notre compétitivité aussi. Si l'on souhaite combiner fiscalité écologique et compétitivité, il est impératif de faire le lien avec ce qui se passe chez nos voisins et sur les autres chapitres de la fiscalité.
De plus, n'oublions pas que, dans le cadre de la politique environnementale, il y a des règlements, des standards, des normes. Ceux-ci représentent des investissements afin de se mettre en conformité, voire pour aller plus loin que les seuils prescrits. C'est un coût qui rentre en ligne de compte pour l'entreprise, en plus de la fiscalité.
Dernier point, fiscalité doit rimer avec stabilité juridique. Il est très difficile de programmer des investissements sans cette stabilité. Je reviens sur l'exemple de la TGAP enfouissement des déchets. Il n'est pas possible de convertir ou d'adapter une cimenterie pour valoriser tel type de déchet et six mois après, être contraint d'opérer des changements car la fiscalité ne correspond plus. Stabilité juridique et stabilité des objectifs, qui peuvent rimer, M. le Président, avec votre souhait de stabilité des rendements, sont donc fondamentaux pour l'entreprise.
En résumé, la fiscalité écologique peut être un facteur de compétitivité, quand elle permet de développer un nouveau savoir-faire. Dans le cas de l'enfouissement des déchets, nous, cimentier français, avons développé un savoir-faire que d'autres pays n'ont pas. L'économie circulaire, la valorisation des déchets est certainement un thème d'avenir, sur lequel la France peut se positionner avec de vraies compétences et de vrais champions. Si la fiscalité veut être efficace, elle doit donc servir des objectifs précis et elle peut même être facteur de compétitivité. Tels sont les principaux messages que je souhaitais vous adresser.