Intervention de Christian de Perthuis

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 23 janvier 2013 : 2ème réunion
Table ronde sur la fiscalité écologique

Christian de Perthuis, directeur scientifique de la Chaire économie du climat, professeur d'économie associé à l'université Paris-Dauphine :

président du comité pour la fiscalité écologique, directeur scientifique de la Chaire économie du climat, professeur d'économie associé à l'université Paris-Dauphine. - Je voudrais tout d'abord saluer l'implication des sénateurs de la commission de finances dans ce débat, et ce depuis plusieurs années.

Le comité, sous la tutelle conjointe de Bercy et du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, est doté d'une double mission : formuler des avis sur les projets de modifications de la fiscalité émanant de leurs services, mais aussi émettre des propositions. Nous avons une totale liberté en la matière. De plus, je souligne qu'il ne s'agit pas d'un comité d'experts, mais de parties prenantes, puisqu'il rassemble des représentants des entreprises, des syndicats, des organisations non gouvernementales (ONG), des élus. Notre tâche est ambitieuse et constitue un vrai défi. Le mode de fonctionnement de ce comité dépendra en partie de ma capacité à créer rapidement les conditions d'un débat serein sur la fiscalité écologique, sur la base d'une documentation la plus complète et impartiale possible. Nous devrons aussi faire oeuvre de pédagogie. En effet, je crois qu'il existe actuellement, dans notre pays, une profonde incompréhension sur les enjeux réels du verdissement de notre fiscalité. De ce point de vue, nous nous efforcerons d'objectiver les débats et de tout mettre sur la table, sans tabou : par exemple, la question de l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence, vieux serpent de mer.

De surcroît, la question du rendement de la fiscalité environnementale et de l'érosion de son assiette se pose très différemment selon les cas. De ce point de vue, on ne peut pas comparer l'assiette carbone et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les lessives. S'agissant de cette dernière, on a triplé les taux sur les lessives phosphatées il y a deux ans. Il y avait 90 % de lessives phosphatées. Un an après, il n'en restait que 5 %. C'est l'exemple d'une écotaxe très incitative, qui change les comportements. En revanche, sur l'assiette carbone ou les carburants, ce n'est pas possible. Ainsi, d'après les simulations dont je dispose, il faudra attendre au moins 2040 pour que le produit fiscal d'une taxation du carbone commence à diminuer.

Notre réflexion s'articulera autour de trois groupes de travail. Le premier se penchera sur la protection des ressources, dès la semaine prochaine. Il traitera notamment de la fiscalité de l'énergie, à commencer par le différentiel essence-diesel, mais aussi, de façon plus innovante, de la protection des écosystèmes (étalement urbain, écosystèmes marins), pour laquelle notre système fiscal n'est pas du tout adapté. Le second examinera, fin février, les questions ayant trait au changement climatique. On ne pourra faire l'impasse, à cet égard, sur l'assiette carbone. Nous devrons tenir compte de nos erreurs en la matière et faire preuve d'innovation, et je compte sur votre commission ! Enfin, le troisième groupe de travail s'intéressera à la pollution et aux nuisances, coeur de la définition théorique de la fiscalité environnementale (instruments fiscaux ayant une assiette fiscale directement liée à la pollution : gestion de l'eau, pollution des sols et de l'air, congestion liée aux transports ...). Le comité tiendra deux séances plénières d'ici le 14 juin, date à laquelle nous devrons émettre des avis et des propositions en vue de nourrir le débat sur la loi de finances pour 2014.

S'agissant des comparaisons internationales, il faut être prudent. A titre anecdotique, l'un de mes collègues britanniques avait présidé il y a quelques années une « Green tax Commission ». Sa feuille de route comprenait un objectif de 20 % de fiscalité écologique dans les prélèvements obligatoires. Certes, la notion de moyenne européenne est utile, mais elle ne doit pas être sacralisée. Plusieurs partenaires européens sont parvenus, avec succès, à utiliser le levier fiscal environnemental (Suède, Irlande, Danemark). Les travaux du comité s'alimenteront à partir de l'examen et de la compréhension des expériences européennes.

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