Je remercie nos intervenants et je leur demanderai tout d'abord quelques éclaircissements. Sur l'état des lieux, si j'ai bien compris les propos de M. Voisin, nous aurions un déficit de recettes fiscales par rapport à la moyenne européenne, qui est de l'ordre de 60 milliards d'euros. Nous sommes donc très en retard. Les décisions non prises en temps voulu, telles que celles évoquées tout à l'heure par le Président Marini, seront d'autant plus difficiles à prendre aujourd'hui, en période de forte contrainte budgétaire. On sait bien qu'il y a une dimension régressive ou progressive de la fiscalité. Tant en matière de TVA que de fiscalité écologique, les ménages les plus modestes sont plus violemment impactés que ceux aux revenus plus élevés. Nous devons donc être vigilants.
Sur le financement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), je souhaiterais recueillir l'opinion de Mme Chiroleu-Assouline sur les trois milliards d'euros de recettes de compensation prévues, issues de la fiscalité environnementale. De même, pourriez-vous développer votre argumentation relative à la différence de comportements des acteurs économiques entre l'Europe et les Etats-Unis quant à la fiscalité écologique et le double dividende : comment le comportement des décideurs économiques est-il influencé significativement par les prélèvements sur le travail ou le capital ?
J'en viens désormais à des questions plus techniques. Quel sort devrait selon vous être réservé aux « niches grises », ces dispositifs d'allègement qui, en poursuivant généralement des objectifs de soutien à certains secteurs d'activité, ont pour conséquence négative de favoriser des pratiques dommageables à l'environnement ? Je pense notamment aux dépenses fiscales liées à la consommation d'énergies fossiles, qui, au-delà de leur impact environnemental, ont également un coût budgétaire conséquent, de l'ordre de 5 milliards d'euros. Ce chiffre peut-il être confirmé ? A cet égard, le comité pour la fiscalité écologique se saisira-t-il, notamment, de la question de ces subventions fiscales ? Je pense en particulier à la différence de taxation entre l'essence et le diesel, que vous avez évoquée, ainsi qu'à la défiscalisation des biocarburants.
Quant à l'éventualité d'une nouvelle taxe carbone, dans votre esprit, les entreprises soumises au système communautaire de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE) auraient-elles toujours vocation à être exonérées, au vu de l'évolution des modalités d'octroi des quotas de CO2 depuis 2009 ?
Par ailleurs, les contraintes environnementales auxquelles nous sommes assujettis dans nos activités économiques et territoriales risquent d'entraîner de nouvelles dépenses - je pense au milieu marin, à la qualité de l'air, au bien-être animal. La recherche d'une fiscalité appropriée est-elle la réponse obligée à ces charges additionnelles engendrées par l'addition de règlementations supplémentaires, notamment d'origine communautaire ?
S'agissant de l'acceptabilité de la fiscalité écologique, on se demande ce qui peut être ressenti le moins douloureusement par nos contribuables. L'affectation d'une écotaxe à une dépense environnementale précise est-elle une bonne solution ? Le double dividende permet-il de trouver un équilibre, ou bien alors, faudrait-il au contraire s'en tenir strictement au principe budgétaire de non affectation, compte tenu des dérives que l'on a pu constater en matière de fiscalité affectée ? Doit-on évoluer vers une correction de ce principe général, si l'on veut évoluer vers une meilleure acceptabilité des écotaxes ?
Monsieur Mages, la société Lafarge a une expérience dans la mise en oeuvre de pratiques respectueuses. Que pensez-vous des projets et initiatives de la Commission européenne visant à soutenir un cours du quota aujourd'hui déprimé, en particulier le « gel » envisagé d'un nombre significatif de quotas ?
Enfin, je souhaiterais poser une dernière question sur l'Europe. On peut penser qu'il serait souhaitable d'oeuvrer au niveau européen pour la mise en place d'un mécanisme d'inclusion carbone (MIC) aux frontières de l'Europe. Cependant, un tel projet vous paraît-il réellement envisageable, notamment au vu de la crise diplomatique - toujours non résolue à ce jour - qu'a suscitée l'inclusion du secteur aérien au sein du SCEQE ?