Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 31 mai 2006 à 21h30
Gestion durable des matières et des déchets radioactifs — Vote sur l'ensemble

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Je m'exprimerai non pas au nom du groupe de l'UMP, puisque Bruno Sido vient de le faire avec talent et que je partage ses conclusions, mais en qualité d'élu local concerné.

Au moment où de très nombreux parlementaires s'interrogent sur la légitimité et l'utilité de leur fonction, force est de reconnaître que ce débat, qui prolonge toute une série d'interventions de parlementaires qui se sont très fortement impliqués dans ce dossier, légitime l'action du Parlement et montre combien des élus passionnés peuvent aider l'exécutif et, derrière lui, le secteur électronucléaire à renouer un contact avec l'opinion. Je pense à Christian Bataille et à Claude Birraux, à l'Assemblée nationale, sans oublier notre rapporteur, M. Henri Revol, qui s'est impliqué depuis longtemps dans ce dossier et qui a été salué à juste titre par les intervenants des différents groupes, tant sa compétence rayonne et lui permet d'affirmer avec sérénité des évidences que nous partageons pour l'essentiel.

Je formulerai deux idées simples.

Premièrement, l'esprit de la loi de 1991 a été consolidé par ce texte. Si l'on excepte le cas très particulier du deuxième laboratoire - le double langage est, hélas ! je le reconnais, madame Voynet, pratiqué sur toutes les travées -, nous sommes quelques-uns à dire la même chose à la fois à Paris et sur le terrain, quitte à en payer le prix lorsque les électeurs ne nous comprennent pas.

La création d'un deuxième laboratoire n'a pas été possible parce que les vertus civiques ne sont sans doute pas suffisamment répandues dans notre pays, toutes tendances confondues. Mais si l'on excepte l'absence de deuxième laboratoire, l'esprit de la loi de 1991 est parfaitement respecté, en particulier grâce aux avancées réalisées au Sénat, après les propositions retenues par l'Assemblée nationale : un rendez-vous législatif aura lieu pour transformer le laboratoire en centre de stockage et pour rendre le stockage définitif. Cette dernière décision, dont nous ne savons quand elle interviendra, sera donc prise par le Parlement, c'est-à-dire par la population française à travers ses représentants.

Il s'agit là d'une avancée considérable, car nous souhaitons que, sur le terrain, cet esprit de dialogue, de responsabilité, continue à marquer la gestion de ce dossier très difficile et mal connu des déchets nucléaires, dossier qui est rejeté par l'immense majorité de nos compatriotes.

Les déchets en général ne sont sympathiques à personne, et les déchets nucléaires, pour ceux qui ne sont pas informés, sont parfaitement terrifiants.

Nous avons, grâce à votre attitude et aux amendements que vous avez bien voulu accepter, maintenu l'esprit de la loi Bataille de 1991. Nous aurons un rendez-vous dans moins de dix ans ; le temps va passer très vite et il faut que cet esprit de dialogue soit entretenu sur le terrain.

Par rapport à la loi de 1991, des progrès ont été réalisés, à la lumière des succès et des échecs, sur le terrain du développement économique.

Cependant, je tiens à faire part brièvement de ma déception sur un point technique sur lequel il faudra revenir à un moment ou à un autre. Dans une bataille aussi importante que celle de la gestion des déchets nucléaires, ceux qui défendent l'idée du nucléaire ont besoin d'alliés, et ces derniers doivent s'organiser dans la transparence, pour des motifs avouables.

Le département que j'ai l'honneur de représenter n'a pas fait ce choix uniquement par civisme ; le prétendre serait prétentieux et d'ailleurs malhonnête. Il a accepté de prendre une initiative à cet égard - il l'a d'ailleurs partagée rapidement avec la Haute-Marne - parce qu'il savait qu'il y avait là un problème national que la France devait régler, et aussi parce qu'il y avait pour lui une source d'opportunité. Les raisons qui rendent l'installation d'un laboratoire sont, bien sûr, d'ordre géologique, mais elles sont confortées - disant cela, je ne pense pas trahir une vérité scientifique - par une densité de population, en surface, de l'ordre, dans les secteurs concernés, de douze habitants au kilomètre carré. Cela facilite évidemment l'acceptation d'un tel équipement, à la fois parce que c'est une opportunité et parce que les inconvénients concernent un moins grand nombre d'habitants. La zone de proximité sur les deux départements ne représente guère plus de 6 000 personnes, en tout cas moins de 3 000 pour le département de la Meuse.

J'attire votre attention sur le fait que le volet « développement » doit être exemplaire. Il ne doit pas prêter le flanc à la critique de l'achat des consciences, qui a pu être légitime au début. Les règles sont transparentes, accessibles à tous, elles ont été évoquées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous devons les consolider, avec la mobilisation des grands acteurs de l'électronucléaire, c'est-à-dire EDF, le CEA, AREVA et, bien sûr, l'ANDRA.

Au moment de voter ce texte, je souhaite que les neuf années qui nous séparent du prochain rendez-vous soient utilisées pour que ce climat de confiance dans la présentation et l'explication, d'ailleurs très largement traduit par la commission du débat public, puisse se décliner sur le terrain du développement. Il s'agit de montrer que ce laboratoire - je me tourne vers mon collègue de la Haute-Marne - permettra à une partie du territoire français de participer au développement d'une filière qui est indispensable à l'indépendance énergétique de notre pays. Ce faisant, il s'agit également d'apporter une réponse au problème de l'émission de CO2.

Cela suppose que vous ayez des partenaires solidaires, les grandes entreprises, certes, mais aussi les départements, les communes et les communautés de communes.

Monsieur le ministre, je souhaite que, lors de la rédaction des décrets visant le développement économique, vous teniez compte du fait que la vie locale s'appuie sur des institutions solidaires qui travaillent ensemble : deux départements qui ne sont pas séparés par une frontière, deux départements qui appartiennent à deux régions riches en centres universitaires, en centres de recherche, en entreprises susceptibles d'être associées à la filière électronucléaire.

Sur le plan local, puisque l'argent ne transite pas exclusivement par les collectivités locales et qu'il peut être utilisé par des acteurs comme le CEA, AREVA ou l'ANDRA, voire EDF s'ils ont des projets à réaliser dans ce secteur, nous souhaitons que les règles du jeu soient les plus transparentes possible et que les sommes consacrées à cette activité n'apparaissent ni comme des cadeaux excessifs à une toute petite population ni comme une subvention permanente à un conseil général qui trouverait là l'occasion de ne pas augmenter sa fiscalité. Cet effort doit constituer un accompagnement pour des populations actives qui acceptent le nucléaire, qui y croient, mais qui entendent être associées aux projets et respectées.

J'ai parfois l'impression que vous mesurez mal la difficulté qu'il y a à établir des liens de confiance. Je vous invite à vous appuyer, plus que vous ne l'avez fait jusqu'à présent, sur les institutions représentatives des populations locales, qu'elles soient communales, intercommunales, départementales ou régionales.

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