L'irruption du numérique est, monsieur Assouline, le premier défi auquel nous devons faire face. La télévision connectée en offre un exemple frappant : même si toutes les télévisions connectables ne sont pas connectées, la part de celles-ci a sensiblement augmenté ces dernières années, passant d'un tiers à deux tiers d'utilisateurs parmi les acquéreurs. Cela manifeste une accélération du rythme des mutations technologiques, et l'émergence d'une hyper-communication. C'est pourquoi mon objectif premier est celui de l'éducation citoyenne. Vous connaissez les chiffres d'écoute quotidienne mesurée dès l'âge de quatre ans : 3 heures 50 pour la télévision et 2 heures 50 pour la radio. Les enjeux éducatifs, pour l'école et la famille, sont colossaux.
Nos modes de régulation doivent s'adapter à cette révolution numérique. Aujourd'hui en effet, chacun a accès au programme de son choix au moment de son choix par le terminal de son choix. Il importe de façonner une régulation différente, qui ne se réduise à une dérégulation. Le CSA aura un rôle majeur à jouer, en agissant sur les relais du numérique. Le rapport remis récemment par Pierre Collin et Nicolas Colin sur la fiscalité du numérique montre que c'est dans la chaîne d'obtention du numérique que l'on peut saisir les acteurs principaux, notamment dans l'acquisition des données des utilisateurs, et que la fiscalité doit inciter à l'autorégulation. Voilà l'une des clefs de cette affaire complexe.
J'accorde au développement de la TNT la plus grande importance. 60 % des usagers utilisent encore l'antenne râteau, pour, à terme, une baisse à 40 %, soit sensiblement moindre que ce qui était attendu. Il existe incontestablement un problème d'équilibre entre les chaînes publiques, gratuites et payantes, au regard des impératifs liés au marché publicitaire, de concurrence, et de la capacité de discernement et de choix des téléspectateurs, destinataires de l'information audiovisuelle. C'est à eux que le Conseil constitutionnel applique la garantie de la liberté de communication. D'où l'accent sur l'éducation aux médias.
Je me garderai de formuler un jugement sur les chaînes thématiques, que j'ai regardées. Leur multiplication n'est pas seulement un progrès. J'y serai attentif.
Je suis convaincu que la radio numérique terrestre est une technique essentielle et porteuse d'avenir. Il ne serait ni responsable ni raisonnable de lui tourner le dos. Des expériences substantielles ont été conduites à l'étranger, dont nous pourrions nous inspirer. J'appelle à une réorientation, privilégiant ce qui encourage les radios locales, associatives, qui peinent à se frayer un chemin dans un environnement concurrentiel et financièrement déséquilibré.
Madame la sénatrice Lepage, merci de vos appréciations. Je serai attentif aux nominations d'administrateurs par le CSA. Mon expérience à l'étranger a été significative : lorsque j'étais en poste à Madrid, j'ai beaucoup oeuvré pour développer et encourager RFI à installer un studio à Barcelone et à y créer des programmes originaux afin de favoriser la compréhension entre nos deux pays. Les moyens audiovisuels peuvent être des outils de rapprochement et d'interaction entre les populations. Nous devons en effet penser à nos compatriotes à l'étranger en se plaçant dans le milieu qui est le leur.
La question du rapport avec les sources d'information étrangères que pose le sénateur Plancade est essentielle. Pour y répondre, nous devons nous montrer très fermes vis-à-vis des relais d'information, c'est-à-dire des distributeurs de services, à défaut de pouvoir atteindre directement les éditeurs. L'article 41 de la loi de 1986 limite à 20 % des capitaux ou droits de vote la participation de sociétés étrangères dans les sociétés françaises. A titre personnel - cet avis n'est pas forcément partagé au sein du CSA -, je suis réticent à ce que l'on supprime toute règle de cette nature, même si la limite des 20 % n'est pas intangible. Prenons garde à ne pas perdre la maîtrise des contenus, laquelle passe par la maîtrise des acteurs économiques concourant à leur diffusion.
M. le sénateur Gattolin m'interroge sur les initiatives du CSA concernant la RNT. Il faut distinguer la décision prise d'autoriser l'émission sur la bande III à Paris, Marseille et Nice d'une part, et le calendrier courant à partir de 2013, d'autre part. Je n'ignore pas qu'un membre du CSA s'est exprimé récemment dans la presse à ce sujet. J'aurai à coeur, sans préjugé d'aucune sorte, de reposer ces questions en prenant en compte toutes leurs incidences potentielles. Ces sujets doivent donner lieu à un nouveau débat, et je mettrai en oeuvre la politique d'écoute et d'échange que j'ai toujours menée dans ces circonstances. En toute hypothèse, la webradio n'est pas un substitut. D'abord, on transporte moins facilement son émetteur ; ensuite, les risques pour nos libertés - en termes de traçabilité des informations notamment - restent élevés. Je m'en suis entretenu avec M. le président Türk, et ferai là encore preuve de la plus grande prudence.
Le service public ne peut ignorer les contraintes financières qui s'imposent à lui. Sans engager personne, je crois pouvoir dire que les acteurs publics auraient intérêt à participer à ces échanges. Je souhaite étendre la consultation à la régulation des contenus sur Internet. L'idée est de saisir les maillons de la chaîne sur lesquels nous pouvons avoir prise, sans en rabattre sur nos ambitions.
L'éducation aux médias étant une priorité, ma première démarche sera, s'il le veut bien, de prendre contact avec le ministre de l'éducation nationale. Je sais, pour avoir travaillé de longues années rue de Grenelle, qu'on ne peut rien faire sans son aide et son appui.
En matière de publicité, nous vivons une période de moratoire jusqu'au 1er janvier 2016. Je suis très prudent sur ce sujet. MM. Assouline et Legendre ont étudié l'ensemble des effets de la publicité : l'audimat bien sûr, le qualimat également, ainsi que les conséquences, déterminantes quoiqu'implicites, sur les contenus. Certains publics sont plus captifs que d'autres, notamment les jeunes. Par conséquent, il est justifié de circonscrire autant que possible l'exposition à certains contenus : distinguer les publics cibles en fonction des programmes comme selon les horaires me semble pertinent. Je ne peux en dire plus pour le moment, ni me substituer aux éditeurs de services, mais je souhaite qu'une telle réflexion soit menée dans la collégialité du CSA.
L'image et la promotion - parfois à rebours, hélas ! - de la femme sont très importantes pour moi. Au premier plan de mon action seront inscrites la promotion des femmes et la lutte contre toutes les images attentatoires à leur dignité ou à leur capacité d'épanouissement personnel et professionnel. Ce combat est loin d'être achevé. Le CSA a déjà eu et aura à l'avenir un rôle déterminant en la matière. C'est, à titre personnel, un combat que j'ai mené toute ma vie et que je poursuivrai.
Monsieur le sénateur Leleux, vous avez été malicieux...