Entre l'absence de malice et la malice, j'occupe une position médiane. Je serai honnête : lorsque votre candidature a été annoncée, votre intérêt pour le secteur audiovisuel ne m'est pas apparu évident. L'exposé de votre parcours et des dossiers dont vous avez eu à connaître nous a démontré le contraire. Vous avez manifestement une appétence pour la délibération, le souci du service public, vous accordez une importance à certains mots comme l'impartialité et l'indépendance - j'ai été très sensible à vos propos sur les questions de société.
Je suis moi-même attachée à la cohésion nationale. Or nos médias formatent les représentations, créent des préjugés, façonnent des stéréotypes. Dans ce contexte, le service public doit être le bras armé et visible de la lutte contre les discriminations raciales, l'homophobie, le handicap, et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous sommes dans un curieux pays, où la nomination d'un noir au journal de 20 heures de TF1 a été annoncée et célébrée comme un événement. En matière de diversité audiovisuelle, nous sommes loin du compte. Hervé Bourges, qui a beaucoup travaillé et rendu de nombreux rapports sur ces questions, le dit clairement : malgré une prise de conscience, nos résultats ne sont pas satisfaisants.
Je prolonge la remarque de Jean-Pierre Plancade relative à la lutte contre les propos antisémites. Nous ne pouvons certes pas, au mépris de leur indépendance, contraindre les journalistes à quoi que ce soit. Mais l'emploi généralisé, voire abusif par les journalistes de certains termes - islamiste, jihadiste, salafiste - qui ne reflète pas toujours la réalité, me semble de nature à accroître une forme de racisme, de rejet, ou dans ce cas précis d'islamophobie. Camus disait : « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde ». Le service public de l'audiovisuel ferait bien de méditer cette formule.