Intervention de Philippe Leroy

Commission des affaires économiques — Réunion du 30 janvier 2013 : 1ère réunion
Code forestier -examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe LeroyPhilippe Leroy, rapporteur :

Voici une première : depuis que je suis sénateur, je n'ai que rarement connu de texte spécifique à la forêt. De nature très technique, ce projet ne constitue cependant pas la pierre angulaire d'une vaste réforme de la politique forestière. Celle-ci trouvera sa place dans le volet forestier de la loi d'avenir de l'agriculture, annoncée pour la fin de l'année.

Le député Jean-Yves Caullet a été chargé en décembre par le gouvernement d'une mission temporaire sur la forêt et la filière bois. Des groupes de travail ont été mis en place au ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt. En outre, une concertation avec les professionnels et les élus aura lieu au printemps.

Pour ne pas court-circuiter ce processus, je ne proposerai pas, de nous appuyer sur ce texte déposé par le précédent gouvernement, pour bouleverser le droit de la forêt. L'ensemble des organismes et personnalités que j'ai auditionnés est d'accord avec cette méthode.

L'objet principal de ce projet de trois articles est de ratifier une ordonnance du 26 janvier 2012, qui avait refondu la partie législative du code forestier. L'ensemble des praticiens considérait que celui de 1979 avait plutôt mal vieilli : les textes successifs, en particulier la loi d'orientation forestière de 2001, rendaient nécessaire un toilettage.

Classiquement, le Parlement, n'effectue pas directement la codification à droit constant. La technicité de l'exercice conduit à habiliter le gouvernement à procéder par ordonnance, comme on l'a fait pour la refonte du code minier, pour la création du code de la sécurité intérieure ou du code des procédures civiles d'exécution. En l'espèce, l'ordonnance de recodification se fonde sur la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010. Procéder à droit constant laisse peu de marges de manoeuvre. Le droit existant ne peut être modifié que dans trois cas : pour respecter la hiérarchie des normes, essentiellement la séparation des domaines de la loi et du règlement ; pour assurer la cohérence rédactionnelle du texte ; ou pour harmoniser l'état du droit en abrogeant les dispositions obsolètes.

L'habilitation autorisait à aller un peu plus loin que le droit constant dans trois domaines : la simplification, la modernisation et la clarification des sanctions pénales et administratives en cas d'infraction forestière ; l'harmonisation des règles concernant la défense des forêts contre les incendies ; l'extension de la législation forestière aux départements et collectivités d'outre-mer.

La principale innovation tient au nouveau plan du code, qui distingue le régime de propriété des bois et forêts. Le livre Ier rassemble l'ensemble des dispositions communes à tous les bois et forêts ; le livre II les règles spécifiques aux forêts publiques relevant du régime forestier ; le livre III concerne les forêts privées. Cette clarification a été saluée par les professionnels. Les fonctionnaires chargés de réécrire le code forestier ont fourni un travail remarquable.

Quelques ajustements mineurs restent nécessaires. Si l'article 1er ratifie l'ordonnance du 26 janvier 2012, l'article 2 propose immédiatement de corriger de rares erreurs de réécriture, comme le transfert au sein du code des dispositions relatives au financement par les chambres d'agriculture du plan pluriannuel régional de développement forestier ou la clarification des pouvoirs des agents de l'Office national des forêts pour rechercher et constater des infractions. Il prévoit aussi quelques rectifications de dispositifs en alignant le régime des coupes dans les dunes côtières sur celui des défrichements ou en fixant à deux jours ouvrés à la Guadeloupe et en Martinique et à trois jours ouvrés en Guyane le délai de transmission des procès verbaux de saisie au juge de la détention et des libertés. Ces modifications très ciblées n'appellent guère de débat.

L'article 3 simplifie les dispositions du code de procédure pénale concernant les infractions forestières, qui figurent désormais au sein du code forestier.

Mes amendements ne remettent nullement en cause l'économie générale du code ou du projet. Ils visent à en améliorer la qualité juridique ou à assurer une meilleure coordination du droit par exemple, à l'article 3 en ne supprimant les dispositions obsolètes du code de procédure pénale qu'à partir de l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur les polices de l'environnement, car les agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et ceux de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) en ont besoin pour continuer à rechercher et constater les infractions au code de l'environnement dans l'intervalle.

Deux amendements plus substantiels tendent à régler des problèmes pratiques immédiats. Le premier transfère à la collectivité territoriale de Corse l'intégralité de la compétence de reproduction de plants forestiers, ce que n'avait pas fait la loi sur la Corse de 2002. La gestion de la pépinière d'Ajaccio-Castellucio sera donc confiée à la collectivité territoriale de Corse. Cette dévolution, votée en loi de finances pour 2013 et acceptée par les Corses, avait été considérée par le Conseil constitutionnel comme un cavalier budgétaire. Nous réparons donc une erreur de procédure.

Le second concerne les délais de paiement dans la filière, pour les ventes de bois en bloc et sur pied. Les conditions d'exploitation des parcelles se prêtent mal au paiement à soixante jours prévu par la loi de modernisation de l'économie (LME). L'industrie du bois en France repose sur de petites entreprises, dont la trésorerie ne peut assumer de devoir payer aussi vite, alors qu'elles ne retireront et ne vendront la totalité du bois qu'un an plus tard. Le ministre de l'agriculture a indiqué aux professionnels qu'il tenait à ce qu'une solution soit trouvée. Les auditions ont montré un large consensus pour ajouter un article au code forestier légalisant la pratique d'un paiement échelonné, au fur et à mesure que le bois est retiré des parcelles exploitées, ce qui ne déroge pas à la LME, mais l'adapte au milieu forestier, le délai courant à compter de la livraison du bois. Je remercie le ministre d'avoir fait travailler ses services de telle sorte que cet amendement soit satisfaisant pour tous.

Pour terminer, je voudrais apporter quelques réflexions générales à la situation de la forêt et de la filière bois. La forêt couvre 30 % de notre territoire. Aux 16 millions d'hectares dans l'hexagone s'ajoutent 9 millions d'hectares dans les outre-mer. La Guyane dispose d'une forêt équatoriale exemplaire. Un rapport du conseil économique, social et environnemental d'octobre 2012 constate que 400 000 emplois directs sont liés à l'activité forestière. Ce chiffre est constant depuis des décennies : le secteur forestier ne détruit pas d'emplois - certaines critiques sont excessives... Ce rapport fait état des difficultés, connues, de la filière bois, tissu de petites entreprises, fragiles, et de l'insuffisance de la mobilisation de la ressource bois dans notre pays.

La forêt mérite mieux qu'un diagnostic vaguement critique. Ne donne-t-elle pas, depuis des siècles avec la politique de rendement soutenu qu'elle s'applique, l'exemple du développement durable qui s'impose désormais à nos politiques publiques ? Le droit forestier et l'organisation des interventions de l'État se sont structurés autour de la maîtrise de l'exploitation du bois, destinée à conserver intact à travers les âges le patrimoine forestier, qui s'est grandement amélioré depuis un siècle.

La forêt ne coûte pas très cher aux finances publiques : 300 à 350 millions d'euros de crédits budgétaires seulement, soit très peu pour 30 % du territoire, dont presque les deux tiers pour le fonctionnement de l'ONF, en difficulté depuis quelques années. La disparition, décidée en 1999, du Fonds forestier national, l'a privée de ressources nécessaires à la mobilisation du bois des petits propriétaires privés, et l'éclatement de la propriété forestière en France nuit à la bonne gestion de la ressource. Le Fonds forestier aidait aussi à investir dans l'outil de transformation du bois, bien mal en point dans les petites scieries.

Les gouvernements, quels qu'ils soient, proclament agir en faveur de la forêt française, mais ce n'est pas la priorité, et nous peinons à définir une politique forestière plus ambitieuse. Sur tous les bords, on claironne que l'on fera mieux, sans résultats tangibles !

Le groupe d'études sénatorial sur la forêt, avait pris l'initiative, lors de la discussion de la loi de finances pour 2013, de proposer qu'une fraction du produit des nouveaux crédits carbone bénéficie à la forêt, réservoir de stockage du carbone. Malgré le soutien de tous les groupes, cette initiative, adoptée à l'unanimité, n'a pu prospérer, le budget ayant été rejeté par le Sénat...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion