M'adressant à la commission de la culture, je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance du cinéma français dans notre société. La tribune de Vincent Maraval s'intéresse à la rentabilité des films et à l'inflation de leur coût. Quand nous faisons un film, nous avons une autre approche. Chaque film constitue d'ailleurs un prototype, chacun a une économie particulière. C'est pourquoi il n'est pas possible d'évaluer la rentabilité d'un film comme cela se fait pour un produit manufacturé : si nous savions calculer le succès ex ante, aucun problème de rentabilité ne se poserait. L'inflation des films a pour conséquence une concentration des budgets sur quelques uns dont on espère le succès en termes de recettes. Reste que les gros films ont besoin des talents qui émergent dans les petits films, tournés avec moins de contraintes. L'inflation peut éventuellement avoir pour effet de réduire le nombre de films intermédiaires.
La rémunération des acteurs est-elle excessive ? Ne désolidarisons pas les acteurs des autres ayants droit : producteurs, réalisateurs, équipes techniques. Si l'intéressement sur le succès du film fonctionnait, beaucoup joueraient cette carte proposée par Vincent Maraval. Le sujet n'est pas nouveau, Yves Montand en parlait quarante ans auparavant dans une interview visible sur le site de l'INA (Institut national de l'audiovisuel). Quand les recettes dégagées par le film ne remontent pas, beaucoup préfèrent être payés en amont. Aussi la transparence sur les recettes contribuerait-elle à la désinflation des cachets.
Pourquoi les acteurs français sont-ils moins payés aux États-Unis ? Il s'agit de deux marchés différents. En France, ils sont leaders sur un petit marché ; aux États-Unis, le marché est plus étendu et leur position moindre. Parier sur le marché américain renforce leur position en France. C'est un investissement de bon sens - pourquoi y mettre de la morale ? Ne demandons pas aux acteurs d'être plus vertueux que le système.
Les pouvoirs publics ne pourraient guère répondre aux questions soulevées par Vincent Maraval. Les enjeux d'avenir sont ailleurs : la révolution du numérique, après avoir touché la réalisation, bouleverse désormais le modèle économique des diffuseurs, qui sont les principaux financeurs du système. L'enjeu pour les pouvoirs publics est d'intégrer les nouveaux acteurs du numérique et d'Internet au système français de financement. Il faut peser à Bruxelles, car ces géants du net sont parfois plus puissants que des États et déploient un lobbying efficace.