Je partage l'avis de Michel Hazanavicius. Le Maravalgate me paraît d'ordre conjoncturel : sa société indépendante a traversé une phase difficile avec l'échec d'un film important. Vincent Maraval pose les bonnes questions, mais y apporte de mauvaises réponses.
Tout d'abord, il est difficile de comparer les rémunérations des acteurs français et américains. Ces derniers peuvent gagner à l'occasion d'un seul film une somme qui leur donnera les moyens de pourvoir à leur existence jusqu'à la fin de leurs jours. Mais, à l'image de Johnny Depp, ils ont bien compris l'intérêt d'alterner les tournages de films à succès et des films d'auteurs, car ceux-ci, bien que moins bien rémunérés, leur apportent des prix et leur ouvrent de nouveaux publics, par exemple en Europe.
L'inflation du coût des acteurs est réelle : le cinéma français est victime de son succès. Il est énergique et vivant. Grâce aux vocations différentes des chaînes de télévision, France Télévisions ayant des obligations différentes des chaînes privées, grâce à la variété des aides du CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), orientées vers différentes formes de cinéma, il présente une diversité enviée dans le monde entier. Bien sûr, des travers existent. J'avais souligné un défaut du mécanisme d'avances sur recettes, qui ne constitue d'ailleurs qu'une petite part du budget du CNC (20 à 30 millions d'euros sur un budget de 700 millions). Sa vocation est d'aider le cinéma d'auteur et il doit la conserver. Pourtant, ni The Artist, ni Polisse, ni La guerre est déclarée, non plus qu'Intouchables, n'ont bénéficié d'une avance sur recettes. Il est nécessaire que les créateurs puissent défendre leurs projets ; la commission mise en place par Éric Garandeau y a remédié.
Il est facile pour la presse de mettre en exergue telle ou telle star. Même si c'est du pain béni pour certains, attention aux amalgames : la vraie raison de l'inflation c'est le succès. Il y a quinze ans, outre Pathé et Gaumont, on ne comptait que quelques producteurs indépendants. Désormais, à côté de ces acteurs-là et des majors américaines, une vingtaine de sociétés de production indépendantes sont capables de faire des offres. Dès lors, comme dans le sport, les stars deviennent indispensables. On compte entre dix et quinze acteurs vedettes, capables par leur seule présence de faciliter le bouclage du budget d'un film. Aussi les producteurs se livrent une vive concurrence pour les faire signer, d'où l'inflation observée. D'un autre côté, grâce à cette concurrence, nous produisons davantage de films, ce qui procure plus de travail à l'ensemble de la filière.
Pour les pouvoirs publics, il existe des chantiers plus importants. Certes, les salaires des stars peuvent apparaître très élevés. Pour l'instant, la presse a diffusé des chiffres inexacts. Ainsi, Vincent Cassel n'a pas touché deux millions d'euros pour les deux Mesrine, mais un million, pour huit mois de tournage. De même, Jean Dujardin n'a perçu que 200 000 euros, plus un intéressement, pour The Artist, et non deux millions. En apportant un million d'euros, France Télévisions a constitué le seul contributeur public de ce film très rentable. Les autres financeurs étaient privés. Les acteurs ont réduit leur salaire pour que le film existe. Je salue les mesures qui facilitent les tournages en France ou en faveur du numérique. Nous n'avons pas profité du crédit d'impôt, parce que le sujet nécessitait de tourner aux États-Unis - sans doute n'est-ce pas étranger aux Oscars qui nous ont été décernés. Méfions-nous des amalgames. Chaque film est unique.
Les grosses productions aident-elles les plus petits films ? Indéniablement, The Artist ou Indigènes n'auraient jamais vu le jour sans Obélix ou Le Boulet. De même Claude Berri a produit La Reine Margot de Patrice Chéreau, grâce aux films des Inconnus et à Gazon maudit : les producteurs ont besoin de films rentables.