Je partage l'avis de Thomas Langmann : la tribune de Vincent Maraval obéit à des considérations circonstancielles et catégorielles.
En ce qui concerne la différence de rémunération des acteurs en France et aux États-Unis, les mécanismes sont connus. Les films américains s'adressent à un public mondial, jouer dans ces films s'apparente à un investissement, dont l'acteur espère un retour sur investissement. Il accepte une moindre rémunération parce qu'il escompte élargir sa filmographie et renforcer sa position sur le marché français.
Le cinéma français ne se réduit pas à quinze vedettes. Nombreux sont les acteurs qui vivent difficilement, sans compter que, dans ce métier à haut risque, la roue peut tourner. Plus fondamentale est la question du renouvellement des talents. Leur émergence, remède à la concentration des rémunérations sur quelques stars, est difficile, et les carrières se révèlent aujourd'hui plus volatiles. Nul masochisme dans ce métier : si les acteurs obtiennent ces salaires, c'est qu'ils le méritent. A l'image du football où on engage un joueur sans savoir s'il marquera des buts, l'économie du cinéma repose sur un pari en amont. La présence de certains acteurs facilite le bouclage des plans de financement, au même titre que la cohérence du projet, qui détermine leur place dans le film, ou la notoriété du réalisateur. Un metteur en scène aura une plus grande liberté de casting si son projet a un faible coût et des figures nouvelles pourront émerger. Mais il ne s'agira pas d'inconnus. Dans le métier d'acteur, l'on mûrit lentement. Il n'existe pas de générations spontanées.
Les cachets s'ajustent à l'économie du film. Un film à gros budget doit créer sa marque, dont dépend la réussite de la chaîne d'exploitation à toutes les étapes et sur tous les supports. Il lui faut une vedette qui lui donnera une visibilité dans les médias. Le box-office est un autre paramètre pris en compte. Certes, l'effet de suivi n'est pas toujours au rendez-vous et l'on constate des échecs, l'économie du cinéma étant une économie de prototype. A de nombreuses reprises, j'ai dû revoir à la baisse l'ensemble des contrats des ayants droit car les promesses de financement n'étaient pas à la hauteur des espérances du producteur. Cet ajustement est légitime et s'opère naturellement. Les dysfonctionnements sont rares : cependant, la présence d'une vedette ne suffit pas à compenser de mauvais projets.
Je veux souligner la grande diversité de films en termes de budgets. Pascale Ferran l'a dit, les films intermédiaires souffrent beaucoup : considérés comme trop chers, ils ont du mal à correspondre à un modèle de financement. Cependant, cette diversité est essentielle. Comme leurs homologues américains, les acteurs français oscillent entre films à grand succès et films d'auteur, les prix et la consécration des festivals étant essentiels à leur valorisation. La diversité, qui autorise l'émergence de nouveaux talents, est liée au système vertueux de financement du cinéma français.
Plusieurs modèles de financement coexistent. Lorsque les promesses de financement sont faibles, les comptes, plus serrés, sont tributaires du budget d'exploitation. La transparence de la remontée des recettes est une question controversée. Chaque film est spécifique et il est difficile de généraliser. Certains partenaires inspirent confiance parce qu'ils maîtrisent la chaîne de remontée des recettes. Dans des cas minoritaires, la multiplicité des partenaires ou les montages financiers conduisent à une captation de la recette, d'où des rémunérations en amont - il faut peut-être y regarder de plus près. Pour le reste, nous sommes pragmatiques, les contrats ne cessent d'évoluer.
Enfin, les pouvoirs publics doivent préserver ce système de financement qui est bénéfique pour l'image de la France dans le monde entier. La diffusion sur le numérique pose problème. Nous devrons solliciter les fournisseurs d'accès pour financer les contenus.