Intervention de Franck Weber

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 30 janvier 2013 : 1ère réunion
Économie du film français — Table ronde

Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal + :

La diversité vaut aussi pour les chaînes de télévision. Canal + est une des colonnes vertébrales du système. Elle est née et évolue avec lui dans une interaction que j'espère vertueuse. Sa particularité est d'être une chaîne privée mais payante. Son obligation principale est de reverser 12,5 % de son chiffre d'affaires annuel au cinéma français par le biais de préachats, soit 170 millions d'euros en 2012, pour 110 films produits. Ceux-ci sont très divers, aussi bien ceux de groupes que de producteurs indépendants. Nous avons une clause de diversité. Un tiers des films produits coûtent moins de 4 millions d'euros : il s'agit de films fragiles, souvent sans casting, comme Tomboy ou La guerre est déclarée - Valérie Donzelli, inconnue à l'époque, n'avait pas bénéficié du concours du CNC ; avec Vincent Maraval et Édouard Weil nous l'avons aidée. Nous intervenons sur des films à un million d'euros, pour La guerre est déclarée, comme à 30 millions d'euros pour l'adaptation de La Belle et la Bête, avec Vincent Cassel, actuellement en tournage. Dans les cas de gros projets, destinés à mettre en valeur notre grille auprès de nos abonnés, nous sommes heureux de faire jouer des acteurs célèbres. Mais nous prenons aussi des paris. Quand Jacques Audiard vient nous voir avec Tahar Rahim, connu seulement pour un documentaire, nous faisons confiance à un grand cinéaste. Son talent en fait émerger un autre et cela donne Un Prophète, preuve que le système est vertueux.

Nous fondons notre approche sur les devis et sur leur adéquation avec le succès escompté. Pour un petit film, le budget sera consacré au développement et la question du casting ne se pose pas. Pour les gros films, si le devis est trop important, nous limiterons notre financement, sans décrier le poste de l'interprétation ni aucun autre.

Ce système est bien compris par tous les intervenants. Le groupe Canal + a co-financé 110 films avec 170 millions d'euros, quand TF1 a participé à une quinzaine de films à hauteur de 40 millions d'euros : différente de la nôtre, sa ligne éditoriale est cohérente avec ses objectifs, qui sont de développer quelques très grosses comédies populaires et un ou deux films policiers avec de bons acteurs. France Télévisions, qui était notre partenaire pour The Artist et pour Polisse, a des attentes encore différentes.

Nous ne voulons pas entrer dans la polémique sur la rémunération des acteurs. Elle peut présenter un intérêt, en termes de philosophie politique : une cinquantaine de personnes gagnent énormément d'argent, cela pose évidemment un problème de société dans un environnement de crise. Centré sur ce sujet-là, l'article a suscité les débordements qui étaient à craindre : on a parlé de gabegie, d'abus de fonds publics... Pourtant, ce système fonctionne majoritairement sur des fonds privés : être abonné à Canal +, c'est financer le cinéma français de manière privée, et la redistribution faite par le CNC entre les acteurs du système est celle des recettes dégagées par les films. L'exception culturelle, c'est la survie du cinéma français - les cinématographies anglaise, espagnole, allemande... ont toutes périclité, par manque d'un système comparable au nôtre. Il s'agit d'un choix de civilisation. Faire avancer la culture, la connaissance, ou même divertir, un film coûtant un million d'euros le peut aussi bien qu'un film à trente millions d'euros. Nous discutons tranquillement dès le début d'un projet avec les producteurs, les agents, avec la volonté que le film se fasse et que le cinéma français vive : nous avons eu, grâce à Michel Hazanavicius, cinq Oscars et nous nous apprêtons - je l'espère -, grâce à Amour, à en recevoir un, deux ou trois autres dans quelques semaines. Le cinéma français vit, il rayonne.

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