Dans un scénario qui nous paraît plus souhaitable, je reprends les quatre mêmes thèmes :
· L'environnement : à côté des filières biologiques et des circuits courts, se diffusent de nouvelles pratiques agricoles adaptées aux productions intensives, telles que l'agriculture intégrée. Ces évolutions sont soutenues par des politiques de labellisation.
La cherté de l'énergie et des intrants favorisent la constitution de filières de méthanisation valorisant les résidus organiques. L'élevage, qui fournit un engrais compétitif, se répartit mieux sur le territoire, évitant certaines concentrations polluantes grâce à une meilleure répartition des élevages intensifs.
La planification foncière, exhaustive et ambitieuse, s'assortit de mesures volontaires pour préserver l'attractivité des bourgs ruraux et des villes moyennes, nécessaires aux campagnes. La périurbanisation, en partie inévitable, est organisée et cohabite avec une agriculture « périurbaine ».
· Les populations : des initiatives ciblées en termes d'infrastructures routières ou ferroviaires améliorent encore la desserte des campagnes enclavées. L'image des différentes campagnes est travaillée sur la base d'une communication unifiée qui met l'accent sur l'accès à la culture. L'effort pour la formation des jeunes et des sans-emploi s'accroît grâce à l'effet de levier de l'e-formation. Cet effort concerne les agriculteurs, confrontés à l'équation agro-environnementale, les métiers de l'industrie et ceux des services et du tourisme, ce qui plaît aux entreprises.
Avec un rajeunissement doublé d'une élévation des compétences, la répartition des catégories socioprofessionnelles et des classes d'âges se normalise. La reprise démographique s'étend au Nord-Est ; ailleurs, l'accélération est contenue, préservant paysages et activités agricoles.
Les conflits d'usage sont jugulés grâce à une concertation locale systématique. La logique de projet se généralise à diverses échelles territoriales et joue sur la complémentarité, désormais comprise, entre logiques productives, résidentielles et touristiques. La diffusion d'Internet facilite diverses formes de coordination et renforce les réseaux sociaux et professionnels.
A l'horizon de 2025, grâce au très haut débit dont l'usage se généralise par un effet de génération, un entretien raisonnable des réseaux physiques devrait suffire si les efforts antérieurs sont eux-mêmes suffisants, d'autant plus que les temps de transport libérés peuvent être consacrés au travail ou aux loisirs. Parallèlement, les coûts en restent acceptables avec les progrès du co-voiturage et de l'intermodalité.
· L'économie : l'économie des campagnes s'appuie toujours sur l'agriculture et sur une base résidentielle entretenue par la demande de proximité de ses habitants, actifs ou retraités, et par un tourisme qui croît en volume et en gamme.
Le « verdissement » de la PAC se poursuit, avec une inflexion vers le développement rural au détriment du strict soutien direct de la production. L'agriculture ne s'intensifie que pour les produits compétitifs, tandis qu'émergent de nombreuses filières privilégiant la qualité ou la proximité. En aval, les filières agro-industrielles - l'agro-alimentaire, la chimie verte, les agrocarburants - poursuivent leur développement.
Les services à la personne accompagnent des retraités de plus en plus nombreux jusqu'en 2030, et un certain retour des familles. Mais la production industrielle et de services aux entreprises s'accélère aussi. Fortes de leur diversité, toutes les campagnes parviennent à valoriser des avantages comparatifs. Des innovations économiques se font jour sur la base de projets territorialisés, dans le lignage des « pôles d'excellence rurale ». Les entreprises, attelées à Internet, recourent plus facilement à des établissements ruraux dont les salariés sont mieux formés ; le télétravail fait un « grand bond en avant ».
Certaines formes de « préférence territoriale » émergent. Les marchés publics ruraux surpondèrent la proximité. Les circuits courts se multiplient et concernent, outre l'alimentation, des biens technologiques, des services environnementaux, l'énergie (par exemple la méthanisation) ou les activités récréatives ou sanitaires.
Le rééquilibrage global des moteurs internes et externes de la croissance des territoires ruraux profite de démarches interterritoriales et d'un retour de la planification économique aux fins de coordination subsidiaire des stratégies locales.
· Les services : l'accès aux services essentiels - petite enfance, enseignement, médecine, services aux personnes âgées, commerces... - à partir des bourgs-centres et des villes moyennes, reste prioritaire. Le rôle hyper-structurant des écoles est assumé.
La soutenabilité budgétaire de l'accès aux services publics repose sur une vaste mutualisation des moyens humains, physiques et électroniques. Elle peut englober des services privés : petits commerces, cafés, agences... Les implantations postales sont souvent les plateformes de cette mutualisation.
Les administrations et certains services médicaux peuvent s'appuyer sur la généralisation du haut puis du très haut débit pour multiplier les prestations directes à domicile ou dans des points d'accès administratifs et médicaux de grande proximité. Ainsi, les synergies budgétaires entre logiques de mutualisation et de concentration ne heurtent pas la logique de proximité. « L'imagination est au pouvoir » afin de rationaliser les services sans perte de qualité ; chaque expérimentation doit être recensée.
Partout, l'offre de soins répond aux besoins grâce à la hausse du numerus clausus, à des mesures incitatives et au déploiement des maisons de santé, du salariat des professionnels de santé et des délégations de soins.
La télémédecine conforte les soins à domicile, pérennise des établissements hospitaliers secondaires - cruciaux pour les urgences - et facilite les liens entre différents praticiens. Les petits commerces stratégiques bénéficient d'un soutien public ; tous ressortiront confortés par les multiples possibilités d'adaptation à la demande locale que permet Internet. Enfin, le maintien des services dans les villes moyennes préserve leur vitalité et donc leur capacité financière à enrichir une offre culturelle par ailleurs accessible via les réseaux routiers ou ferrés, mais aussi électroniques.