J'aimerais tout d'abord parler de la voltige des mots. Avant même d'entrer en séance, nous avons commencé à parler de « ruralités », de « périurbain », « d'espaces à faible densité », de « campagne ». Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Je ne vais pas apporter de réponse à cette question ce soir. Mais je remarque que ce sont des mots qui ont virevolté tout au long de nos discussions. J'aime le mot « campagne », que vous avez choisi dans le titre de cet atelier. Ce mot est très intéressant. Il n'a pas simplement un contenu fonctionnel, de circonscription ou de division administrative. Il a du sens. Remarquez en effet que vous ne direz jamais que vous habitez dans un espace périphérique ou rural. Vous direz davantage et avec plaisir que vous habitez à la campagne.
J'aimerais rappeler en second lieu qu'il est nécessaire de parler des campagnes et non pas de la campagne. Du point de vue de son espace, la campagne est l'objet d'une compétition permanente entre différents types d'espace, qui peuvent être considérés comme complémentaires si nous restons optimistes. Si nous y regardons de plus près, ces espaces sont antagonistes. Il existe des campagnes où l'espace consacré à l'agriculture est majoritaire. Il existe d'autres espaces, résidentiels, de production, voire d'infrastructures en provenance des besoins locaux et de la ville. Par ailleurs encore, il existe des espaces sous protection auxquels nous prêtons la plus grande attention, qui ne sont ni résidentiels ni agricoles. Une clé pour le présent et pour l'avenir est de trouver un équilibre entre ces différents espaces.
L'ouvrage de Laurent Davezies rappelle que nous nous trouvons face à une crise de grande ampleur. Quel est donc l'impact de cette crise sur les campagnes françaises ? La première réaction de Laurent Davezies consiste à dire que la crise va accentuer les difficultés dans les campagnes car celles-ci bénéficient de mobilités résidentielles et de transferts sociaux qui ne pourront sans doute plus être maintenus au même niveau. Par conséquent, nous nous trouvons devant une nouvelle crise qui atteindrait cette fois la plus grande partie du territoire français. Il me semble très difficile de répondre à cette question. La réponse de Laurent Davezies consiste à dire que des correctifs doivent être apportés. Mais pour être pleinement convaincant, il me semble nécessaire qu'il publie un nouvel ouvrage. Quelle est l'ampleur et la durée de cette crise ? S'il s'agit d'une crise qui va transformer en profondeur la société, la réflexion sur les campagnes prendrait une acuité sans doute encore plus forte.
Un troisième point n'a pas été évoqué : il me semble que la qualité et l'avenir des campagnes passent par la vitalité des petites villes qui les innervent. La Normandie est maillée par un réseau assez dense de petites villes, notamment le département de la Manche, constitué de petites villes avec une métropole, Caen, relativement éloignée. La petite ville détient une qualité endogène. C'est elle qui permet le mieux d'organiser les principaux services nécessaires à une économie résidentielle. Le petit bourg rural est sympathique mais dépassé. Par ailleurs, c'est la petite ville qui assure le meilleur des liens avec l'économie globale et peut développer des activités de production ayant des conséquences sur tous les territoires voisins. En conclusion, sauvez les campagnes par les petites villes !