Dans mon département, le Jura, j’ai vu pleurer une agricultrice en présence de M. le préfet devant les cadavres de ses quinze animaux morts et le spectacle de ses autres animaux blessés. Depuis, Claire Gadiolet, a vendu ses 240 brebis pour ne pas risquer de revivre un pareil cauchemar.
Voici le discours qu’elle tenait en pleurant, alors qu’on soignait ses bêtes blessées : « Nous sommes des paysans, des gens du pays, si fiers de leur lien avec la terre, cette terre que l’on a sculptée à la sueur de nos fronts et au fil des saisons, et nous sommes des éleveurs. La passion de l’élevage nous unit. Nous avons choisi d’y consacrer nos vies. L’élevage n’est, en effet, pas seulement un métier, mais bien un mode de vie, comme une petite flamme au fond de nos cœurs que l’on ressentait depuis toujours. On voulait être éleveur, alors, dès que l’âge nous l’a permis, on a repris une ferme et un troupeau, et vous voyez le résultat aujourd’hui ! »
Oui, madame le ministre, c’est à cette fille en pleurs, qui a vu ses bêtes mortes, blessées, effarouchées ou avortées, que je songe en cet instant, autant qu’aux loups de nos montagnes ! Ce sont des scènes que vous n’avez pas le droit de laisser se reproduire aussi souvent !
La présente proposition de loi ne doit pas être un faux-semblant, pour se donner bonne conscience en parlant de « perturbation de grande ampleur ». Il faut aller plus loin.
Je le répète, le nombre de loups doit absolument diminuer de manière significative sur nos territoires, ce qui, du reste, n’empêchera pas la conservation de l’espèce. Dans le Jura, si rien n’est fait, les mêmes problèmes se poseront avec le lynx, dont la présence progresse à grande allure.
Madame le ministre, j’aurai prochainement l’occasion de vous interroger sur le coût des prédateurs – un sujet que j’ai déjà abordé dans une question orale. À la vérité, ce coût est inestimable, car il faut prendre en compte, outre le personnel chargé de la protection des prédateurs et les indemnités versées, les conséquences de l’abandon de l’élevage dans certains secteurs de nos massifs : les moutons seront remplacés par l’herbe sèche, ce qui favorisera les incendies dans les régions du sud et les avalanches dans les zones de montagne.
Mes chers collègues, en tant que président du groupe d’études de l’élevage, je tiens à vous communiquer quelques chiffres pour vous alerter.
Alors qu’il y avait 12 840 000 têtes d’ovins dans notre pays en 1980, il n’y en avait plus que 8 490 000 en 2006 – les chiffres ont continué à diminuer de manière significative ! –, 7 959 000 en 2011, pour atteindre 7 600 000 en 2012. Nous perdons chaque année 300 000 ovins ! S’il existe bien une crise ovine, il faut aussi, je le répète, prendre en considération l’aspect moral de la question.
Est-il normal que nous importions environ 55 % de la viande ovine que nous consommons, alors que la France compte tant de pâtures et d’alpages ?
Il est incompréhensible qu’à la situation dégradée de la filière ovine s’ajoute le découragement des éleveurs, auxquels la nécessité de protéger les troupeaux impose un surcroît de travail important. En effet, de longs déplacements sont nécessaires pour mettre les moutons à l’abri le soir. Quant aux chiens patous, ils rendent des services, mais ils peuvent aussi provoquer des désagréments pour les promeneurs.
Je poursuivrai mon combat tant que des mesures plus coercitives ne seront pas prises à l’encontre de ces prédateurs. Dans le Jura, qu’a-t-on trouvé pour les lynx ? Des tirs d’effarouchement ? Un gadget ! Résultat, ils se déplacent ailleurs.
Madame le ministre, vous m’avez attristé en vous déclarant hostile, au nom du Gouvernement, à la proposition de loi. Quelle en est la raison ? Mettez-vous donc à la place des éleveurs !