Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’intervenir quelques instants au sujet de l’article 23 : son importance exige que l’on s’y arrête, afin d’en déployer toute la portée.
Nous avons consacré beaucoup de temps au volet routier du présent texte. En la matière, le dispositif élaboré défraye la chronique et suscite, sans doute, l’intérêt journalistique. Il n’y a certes pas de sujets mineurs dans les travaux parlementaires, mais certaines questions comme celle-ci n’en méritent pas moins d’être mises en exergue. De fait, elles emportent des conséquences sur la réalité économique – M. Navarro et Mme Pasquet l’ont très justement souligné – concernant, notamment, la compétitivité portuaire et le dynamisme des différents acteurs maritimes.
Dans ce domaine, il faut que nous nous dotions de règles, dont l’enjeu est de fixer un cadre législatif et réglementaire assurant les conditions mêmes de la compétitivité.
Parallèlement, dans un secteur comme celui des transports maritimes, marqué par une concurrence exacerbée, le cadre social ne doit pas être absent des dispositions adoptées : voilà pourquoi le Gouvernement a la volonté de prendre en compte cet aspect du sujet, via diverses mesures législatives qui sont aujourd’hui soumises à votre approbation.
Plus précisément, l’article 23 du présent texte vise à renforcer le dispositif actuel sur les règles de l’État d’accueil, lequel a fortement évolué depuis la mise en œuvre de la libéralisation du cabotage, afin de garantir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises maritimes opérant sur les mêmes lignes. C’est là une nécessité, vous avez raison de le souligner, monsieur Navarro. Madame Pasquet, vous avez également indiqué combien les difficultés étaient grandes dans ce domaine, notamment du fait de cette surenchère à la compétitivité. Je le répète, il faut que nous puissions disposer d’un cadre permettant de prendre en compte les insuffisances révélées à l’occasion des contrôles effectués à bord des navires.
Cette mesure concernera notamment les lignes desservant les îles dans le cadre d’un service de transport maritime régulier. Elle vise aussi les activités de services dans nos eaux territoriales et en particulier l’installation des champs d’éoliennes en mer.
Bref, l’objectif est précisément celui que j’ai indiqué hier à la tribune en ouvrant la discussion du présent texte : si la concurrence est légitime lorsque les marchés sont ouverts, elle ne peut être menée à n’importe quel prix, singulièrement en matière sociale. Toute l’ambition du Gouvernement est de le souligner !
Dans les eaux territoriales, il est exigé qu’un certain nombre de règles sociales essentielles, dites « de l’État d’accueil », soient respectées par tous les opérateurs. Le présent dispositif va au-delà des conditions déclinées dans le décret du 16 mars 1999, auquel nous nous limitions jusqu’à présent.
Premièrement, l’article 23 du présent texte élève ces conditions au niveau de la loi et en élargit le champ d’application à l’ensemble des personnes travaillant à bord des navires, notamment aux personnels du service général, qui n’étaient pas couverts précédemment.
Deuxièmement, il impose aux navires, quelle que soit leur nationalité, un certain nombre de règles relatives à l’équipage et touchant à la nationalité comme à la composition de celui-ci, en assurant un traitement équivalent aux navires du premier registre français.
Troisièmement, il fixe des règles en matière de protection sociale, notamment avec la définition d’un régime minimal relevant de l’un des pays de l’Union européenne, et des règles relatives au contrat de travail via des mentions obligatoires, entre autres celle de la convention collective applicable.
Quatrièmement, il fait référence au droit des salariés, avec l’application des dispositions légales et des stipulations conventionnelles pour les marins employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, et à la langue de travail à bord, qui doit être conforme à la convention internationale STCW.
Cinquièmement et enfin, il définit les documents devant figurer à bord pour être présentés, le cas échéant, aux autorités de contrôle. Ce dispositif étend le régime de l’État d’accueil aux navires de prestation de services, ce qui couvre notamment le cas de l’éolien offshore, comme cela a déjà été précisé. Il établit les sanctions dont l’armateur est passible en cas de non-respect de ces obligations.
Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre offert par le règlement européen du 7 décembre 1992 concernant l’application du principe de la libre-circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres, à savoir le texte relatif au cabotage maritime.
Je l’affirme avec force : il n’y a aucune euro-incompatibilité en la matière. M. Navarro l’a clairement souligné, nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions, sans remettre en cause ni le dispositif global ni nos engagements dans le cadre européen.
Pour mémoire, ce règlement permet la libre prestation des services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre pour les armateurs relevant d’États membres de l’Union européenne exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de ce pays, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans ledit État. Ce sont bien là les conditions de « l’État d’accueil ».
Vous le voyez, il ne s’agit pas de dispositions nouvelles à proprement parler. Nous souhaitons ériger le statut au niveau législatif.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, il s’agit là d’une volonté politique : ces dispositions préexistantes auraient pu être appliquées depuis bien des années déjà.
Vous avez fait allusion, monsieur Navarro, à une compagnie maritime célèbre, qui connaît nombre de difficultés. J’ai eu à traiter très récemment, en qualité d’élu local et de ministre des transports, le dossier SeaFrance. Il s’agissait de se saisir des enjeux sociaux et de donner une chance à une issue permettant de redonner confiance et crédibilité au pavillon français.
Je souhaite pouvoir accompagner tous les armements qui sont aujourd'hui en difficulté, car celui que vous avez cité n’est pas le seul à connaître cette situation. §De manière générale, ils connaissent tous des difficultés.
Il faut entreprendre un travail de fond et de conviction pour prendre ces problèmes à bras-le-corps. Certes, il s’agit de questions difficiles, mais c’est précisément pour cette raison que vous pouvez compter sur l’engagement fort du Gouvernement et sur sa volonté. §