Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord saluer l’auteur de cette proposition de loi, Gérard Miquel, ainsi que son rapporteur, Alain Houpert.
Cette proposition de loi vise effectivement à proroger jusqu’en 2020 un dispositif indispensable au devenir de la filière de valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques.
Elle permet de corriger un défaut de vigilance législative, l’extinction, dès demain, 13 février 2013, des dispositions qui avaient permis de transposer la directive européenne de 2003 étant effectivement prévue en l’état des textes.
La proposition de loi répond donc aux préoccupations et inquiétudes exprimées par les acteurs de cette filière DEEE tels que Eco-systèmes ou les associations Emmaüs et Envie.
J’avais, dès le 19 décembre dernier, indiqué au nom du Gouvernement notre intention de soutenir une disposition législative permettant de proroger ce dispositif.
Comme l’a rappelé Gérard Miquel, un amendement avait été adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 au Sénat, mais, évidemment, le rejet de la première partie n’a pas permis à cet amendement de prospérer.
Je remercie Gérard Miquel d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.
Le Gouvernement s’est fixé pour ambition de créer dans les éco-activités et les éco-industries 100 000 emplois en trois ans, autour de plusieurs priorités : le développement de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie, soit un gisement considérable de créations d’emplois ; le développement des énergies renouvelables, dans le cadre de la transition énergétique ; enfin, l’économie circulaire, qui doit être aujourd’hui une grande priorité nationale.
La raréfaction des ressources, la volatilité des prix des matières premières sont autant des causes de la crise économique. Or transformer nos modes de consommation, nos modes de production, passer du « tout jetable » au « tout utile » est l’un des leviers de sortie de la crise.
L’économie circulaire favorise la réduction à la source, la réutilisation, le recyclage, la valorisation des déchets. Elle remet à l’ordre du jour la fameuse formule de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Elle est au cœur d’une croissance écologique intensive en emplois, à l’image de cette filière DEEE qui représente 3 556 emplois, dont 1 450 dans l’économie sociale et solidaire.
La nouvelle étape que nous devons franchir dans le domaine de l’économie circulaire va au-delà du recyclage : il s’agit de l’intégration de cette dimension dans l’éco-conception des matériaux et des produits et de la valorisation systématique des déchets, car nos déchets sont des gisements tout à la fois de matières premières, de métaux, des terres rares, mais aussi d’emplois. C’est là un des leviers de ce que j’appelle le « patriotisme écologique ».
Chaque Français doit comprendre que, lorsqu’il se sépare d’un frigidaire ou d’un vieux téléphone portable, il nourrit une filière qui représente des emplois non délocalisables.
La France est aujourd’hui treizième sur vingt-sept en matière de taux de recyclage des déchets. Notre taux de recyclage des déchets ménagers est de 35, 6 %, celui de mise en décharge de 34 %, alors que d’autres pays en Europe arrivent à un taux de mise en décharge de 5 %. Nous avons donc devant nous une marge de progression considérable, qui peut nous permettre de créer beaucoup d’activité industrielle.
C’est pourquoi j’ai souhaité que le Gouvernement travaille à un plan stratégique pour l’économie circulaire et proposé à Arnaud Montebourg de s’atteler à cette priorité. Je sais que des réflexions sont aussi en cours au Sénat sur l’obsolescence programmée des produits, je pense notamment aux travaux de Jean-Vincent Placé.
Nous devons mobiliser tous les leviers : leviers des incitations, leviers fiscaux et leviers des normes. L’un des piliers de cette économie circulaire réside dans les filières REP, qui inscrivent dans la réalité le principe pollueur-payeur, ce principe de responsabilité qui nous intéresse aujourd’hui.
La France est au premier rang des pays européens appliquant ce principe. Comme l’a rappelé Gérard Miquel, il existe seize filières de responsabilité élargie des producteurs, dont les quatre dernières sont en cours de déploiement : il s’agit des meubles, des déchets de soins, des déchets diffus particuliers et des bouteilles de gaz.
Parmi ces filières REP, celle de la DEEE présentait la particularité d’avoir instauré un système permettant de traiter les déchets historiques : quatre éco-organismes – Éco-systèmes, Ecologic, ERP et Récylum – sont chargés de gérer la collecte et le traitement de ces déchets électriques. Grâce aux éco-contributions des producteurs, ces éco-organismes ont été financés à hauteur de 200 millions d’euros en 2011.
La date d’extinction de ce dispositif ayant été fixée au 13 février 2013, il convient effectivement au législateur d’intervenir pour remédier à la situation. La proposition de loi de M. Miquel prévoit en ce sens de reporter cette date au 1er janvier 2020. Le rapporteur est également revenu sur les autres améliorations que comporte cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est extrêmement favorable, et ce pour plusieurs raisons.
Celle-ci s’inscrit tout d’abord dans la stratégie de l’économie circulaire que j’évoquais et permet, comme l’indiquait M. Miquel, de lutter contre l’exportation illicite des déchets électriques et électroniques.
Elle donnera également à la filière DEEE la capacité de maintenir ses bonnes performances de recyclage et de retrouver un taux de collecte des déchets croissant pour les prochaines années.
Conforter cette filière revient également à assurer la pérennité des emplois existants. La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui est très attendue par les associations du secteur de l’économie sociale et solidaire. Je rappelle que ce dispositif permet de soutenir des structures telles qu’Emmaüs ou Envie à hauteur de 5, 5 millions d’euros par an, soit l’emploi notamment de 460 compagnons d’Emmaüs. De plus, cette filière permet de financer un certain nombre d’emplois d’insertion.
Le report de la date limite s’impose ensuite parce que la filière des équipements électriques et électroniques traite encore plus de 90 % de déchets historiques. Cela reste une charge particulièrement importante pour les acteurs de ce secteur.
J’ajoute que la mise en œuvre de la nouvelle directive européenne sur les déchets d’équipements électriques et électroniques du 24 juillet 2012 va demander d’importants efforts d’adaptation à ces mêmes professionnels. La nouvelle directive prévoit, en effet, d’atteindre en 2019 un taux de collecte de 65 %, ce qui correspond à peu près au doublement du taux actuel.
Pour toutes ces raisons, la filière doit être soutenue, et rapidement, ce qui explique l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte.
Au-delà du vote de cette proposition de loi, je voulais aussi saluer le travail engagé par Gérard Miquel, en tant que nouveau président du Conseil national des déchets, dans le cadre de l’élaboration du prochain plan Déchets 2020. J’ai proposé – la décision est en cours de discussion –, que ce sujet de la gestion des déchets et de l’économie circulaire figure à l’ordre du jour des priorités de la Conférence environnementale en 2013, qui offrirait ainsi un débouché à l’ensemble des travaux actuellement en cours.
Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que beaucoup d’interventions seront convergentes aujourd’hui et j’espère que ce texte pourra être adopté, comme en commission, à l’unanimité.