Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier l’auteur de la présente proposition de loi, Gérard Miquel, ainsi que le rapporteur, Alain Houpert, de leur excellent travail.
Depuis qu’elle a officiellement vu le jour, au mois de novembre 2006, la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques, ou DEEE, se développe et se structure, permettant ainsi de collecter toujours plus, auprès d’un maximum de consommateurs, et d’améliorer le traitement de ces déchets, sensibles à plusieurs titres.
À la fin de l’année 2010, plus de 59 millions d’habitants étaient desservis par la collecte des DEEE hors lampes et 44 millions l’étaient pour ce qui concerne les lampes. Le plus gros effort de collecte est réalisé par les collectivités – elles en assurent les deux tiers – ainsi que par les distributeurs – ils en gèrent un gros quart –, le reste des déchets étant collecté par les acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Quant au traitement, d’importants moyens ont déjà été mis en œuvre, même si certains devraient être davantage développés et nécessitent encore des améliorations techniques.
Nos capacités en matière de démantèlement, de dépollution et de broyage sont devenues considérables et nous permettent de ne plus dépendre de nos voisins, en particulier de l’Allemagne, comme cela a longtemps été le cas. Il est important que les territoires assurent le traitement de leurs déchets, quels qu’ils soient.
Si l’incinération joue encore un rôle dans la filière, ce que, personnellement, je déplore, le réemploi et la réutilisation de composants prennent de l’ampleur. Plus de cinquante centres de traitement intègrent ainsi la dimension du réemploi. Cependant, seuls 11 % de la masse totale des DEEE sont destinés au réemploi et seulement 1, 3 % de ces déchets sont effectivement réemployés tels quels. La réutilisation de pièces détachées est probablement le parent le plus pauvre, avec moins de 0, 1 % de la masse des DEEE collectés, ce qui ne facilite pas la réparation d’équipements électriques et électroniques que l’on pourrait parfaitement réemployer si les pièces défectueuses étaient remplacées.
La priorité doit pourtant être donnée tout à la fois à l’allongement de la durée de vie des produits, moyennant des réparations plus simples, plus courantes et moins onéreuses, ce qui implique la fin de l’obsolescence programmée, et à l’anticipation de la fin de vie de ces mêmes produits, ce qui implique le développement de l’éco-conception, c'est-à-dire l’intégration, dès la phase de conception, de réflexions relatives à la fin de vie et au recyclage du produit.
Il s’agit donc bien de passer d’un modèle curatif, dans lequel on s’évertue à corriger des externalités négatives qui n’ont jamais été anticipées ni assumées, à un modèle préventif, dans lequel les conséquences de nos modes de consommation sont intégrées et assumées dès l’origine. L’objectif est non seulement de réduire nos déchets à la source, mais aussi de miser sur la qualité, le service après-vente et l’économie du savoir, c'est-à-dire sur les emplois d’ingénieur – pour l’éco-conception –, de réparateur et de dépanneur. Si l’investissement initial dans des produits de qualité peut parfois sembler décourageant pour des foyers modestes, la durabilité accrue peut permettre un meilleur retour sur investissement tout en réduisant le volume de déchets et les impacts environnementaux de nos activités. Il convient donc d’y réfléchir.
Par ailleurs, les équipements électriques et électroniques fonctionnent grâce à un courant électrique ou électromagnétique conçu pour être utilisé en dessous de 1 000 volts en courant alternatif et de 1 500 volts en courant continu. Le degré de miniaturisation et de sophistication qu’atteignent de nombreux appareils suppose l’utilisation de matériaux rares et bien souvent toxiques. Dans un souci de prévention de la pollution, nous devons d'ores et déjà procéder à une dépollution en traitant systématiquement les substances et composants dangereux : condensateurs au PCB, cartes de circuits imprimés, mercure, CFC…
Cependant, une autre question doit nous préoccuper tout autant : la rareté de certains matériaux, en particulier ceux que l’on désigne communément sous le nom de « terres rares », pour lesquels la Chine dispose d’un quasi-monopole de production, et dont les stocks ne pourront vraisemblablement pas supporter une extraction intense à moyen et à long terme. Il faut le rappeler, nos DEEE constituent une mine d’or, au propre comme au figuré !
Pour en venir à ce qui fait le cœur de la proposition de loi, la filière de collecte et de traitement des DEEE repose en grande partie sur les éco-organismes qui collectent auprès des producteurs l’éco-participation perçue par les distributeurs auprès de leurs clients. Ils sélectionnent, par un système d’appels d’offres, des opérateurs logistiques et de traitement dont les opérations sont largement financées par les éco-organismes, et versent à l’Organisme coordonnateur agréé pour les DEEE, l’OCAD3E, de quoi compenser les coûts de collecte sélective pour les collectivités.
C’est ainsi que le principe pollueur-payeur a été rendu opérationnel en matière de déchets.
Il apparaît dès lors indispensable d’assurer un financement suffisant et pérenne à cette filière pour améliorer encore les dispositifs de traitement et, surtout, faire face aux déchets dits « historiques » ou « orphelins », qui ont été mis sur le marché avant 2006 et dont le traitement ne serait autrement pas financé. En effet, ces déchets historiques restent très largement majoritaires, puisqu’ils représentent environ 90 % des flux collectés.
Il convient donc de maintenir le dispositif actuel, qui a fait ses preuves et est transparent pour les citoyens-consommateurs, jusqu’à ce que la part des DEEE historiques tombe en dessous de 50 % des tonnages collectés, de telle sorte que les équipements mis sur le marché suffisent à financer le traitement de l’ensemble. De ce point de vue, et même si le modèle de décroissance du flux de déchets historiques semble grossier, la date du 1er janvier 2020 proposée par notre collègue peut constituer une échéance satisfaisante.
Au-delà de la pertinence et de la justesse de la mesure proposée, il s’agit également de soutenir un secteur riche en activités non-délocalisables et à fort potentiel d’innovation, qui permet en outre de limiter les fuites de déchets potentiellement dangereux vers les pays en développement, dans lesquels ils causent d’importants dommages sanitaires et environnementaux du fait d’une réglementation beaucoup plus laxiste en matière d’environnement, de santé et de travail. Il s’agit donc bien de défendre une filière d’avenir pour notre pays et qui peut servir d’exemple à travers le monde. C'est pourquoi le groupe CRC votera sans réserve cette proposition de loi.