Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission, et d'avoir pu déplacer notre rendez-vous : j'étais retenue hier à l'Assemblée nationale par le vote relatif au mariage pour tous. Ce dernier n'est d'ailleurs pas étranger au sujet qui nous réunit aujourd'hui : les débats qui se sont tenus au palais Bourbon démontrent l'urgence qu'il y a à agir pour l'égalité des droits. Cela étant, nous devons également inscrire dans le long terme notre action de lutte contre les discriminations et les propos homophobes, car seul un changement profond des mentalités est susceptible de détruire les inégalités à la racine.
Pour ce faire, nous menons un travail largement inédit, puisque ce plan interministériel de lutte contre l'homophobie part de presque rien. C'est assez rare dans l'action publique, laquelle trouve souvent à s'appuyer sur de pleines armoires de livres verts, de plans triennaux ou de conclusions d'États généraux.
Nous définissons l'homophobie comme l'ensemble des violences et discriminations à l'égard des hommes et des femmes liées à leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, réelles ou supposées. A la question de savoir pourquoi le ministère chargé des droits des femmes mène cette action, la réponse est d'abord pragmatique : il fallait bien qu'un ministère s'en occupe. Celui de Manuel Valls conduit le combat contre le racisme, celui de Marie-Arlette Carlotti promeut l'intégration des personnes handicapées, Michèle Delaunay lutte contre les discriminations liées à l'âge, et moi-même suis attachée à faire reculer le sexisme dans notre pays. Il y a en outre une certaine cohérence : notez que les stéréotypes sexistes et homophobes vont souvent de pair, et que les parcours historiques du féminisme et du mouvement lesbien, gay, bisexuel et transgenre (LGBT) se sont croisés plus d'une fois. Je salue à ce propos le vote unanime du Sénat, la semaine dernière, visant à adapter les délais de prescription pour injure homophobe à ceux applicables au cas d'injure raciale.
Nous souhaitons agir sur tous ces sujets dans la durée. Les vieux réflexes homophobes n'ont malheureusement pas disparu, et je veux témoigner ici de notre totale vigilance à leur égard. D'aucuns pourraient s'étonner de ce que ce plan intervienne maintenant, alors que l'urgence sociale et la crise économique devraient occuper le gouvernement plus que tout. Je les rassure : elles l'occupent plus que tout. Mais c'est précisément en période de crise que s'exacerbent les questions de société et que nous devons veiller à l'égalité effective des droits.
Un mot sur notre méthode : nous avons déjà réuni une centaine de représentants d'organismes, institutions, administrations intéressées à ces questions, ainsi que des représentants des partenaires sociaux et des associations de parents d'élèves. Mille pages de contributions en ont été produites ; de nombreuses décisions y ont été conçues.
La lutte contre les violences homophobes sera notre premier chantier. Afin de mieux les appréhender, nous publierons chaque année les chiffres de l'homophobie, grâce à la réforme d'un système statistique qui, jusqu'à présent, ne prenait pas en compte le motif homophobe des agressions. Une enquête de victimation a été commandée à l'Institut national d'études démographiques (Ined) dans le cadre des enquêtes VIRAGE consacrées aux violences faites aux femmes. L'accueil des victimes sera amélioré, grâce au lancement d'une campagne d'information mise en oeuvre dès 2013. La formation initiale et continue des professionnels sera adaptée en 2014. Nous travaillons également à l'élaboration de trames d'audition à l'attention des agents de police et de gendarmerie, afin de faire du recueil d'information sur une agression homophobe un moment moins douloureux pour les victimes qu'il ne l'est aujourd'hui. Enfin, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) sera également mise à contribution, notamment pour surveiller les thérapies de conversion, cette tendance venue des États-Unis qui consiste à profiter de la vulnérabilité de certains homosexuels pour leur proposer un traitement.
Faire changer les mentalités en profondeur sera notre deuxième chantier. De l'école à l'université, nous travaillerons à déconstruire les stéréotypes à la racine. Des modules d'éducation à la sexualité seront organisés, notamment au lycée. C'est d'ailleurs une obligation depuis 2001, mais elle est bien rarement mise en oeuvre. Dans quelques semaines, une circulaire conjointe du ministère de l'éducation nationale et du ministère des droits des femmes sera publiée à ce sujet. Afin de faciliter l'accès aux établissements scolaires des associations qui luttent contre les discriminations, les procédures d'agrément seront rendues plus faciles. Nous mènerons en outre une lutte active contre le suicide des jeunes. C'est là une priorité de Vincent Peillon, qui a confié une mission sur ce sujet à Michel Teychenné, ainsi que de Marisol Touraine, qui en a fait un axe de son plan « santé mentale » actuellement en préparation. Un Observatoire national des suicides sera mis en place ; il fait aujourd'hui cruellement défaut. Les établissements sportifs et les centres d'accueil collectif des enfants sont également concernés : la mise en oeuvre de la Charte contre l'homophobie sera mieux surveillée, et ses principes feront l'objet d'un module spécifique de prévention au sein de la formation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). Je vous renvoie sur ce point aux propositions déjà formulées par Valérie Fourneyron. A l'université, Geneviève Fioraso a également déjà pris de nombreux engagements.
Les réseaux sociaux sur Internet constituent à eux seuls un terrain d'action privilégié. Les propos haineux y bénéficient en effet, grâce à l'anonymat dont se prévalent le plus souvent leurs auteurs, d'une impunité presque totale. Vous avez sans doute eu vent des propos antisémites puis homophobes qui ont pu se répercuter en toute liberté sur le réseau Twitter il y a quelques semaines. Nous ne pouvions rester inactifs : nous avons donc rencontré les responsables de l'entreprise, ainsi que de nombreuses associations de lutte contre l'homophobie, et contraint le groupe à s'engager à signaler tout message de cette nature. Manuel Valls, Vincent Peillon, Christiane Taubira et moi-même travaillons de concert pour que ces sociétés s'inscrivent dans notre tradition juridique, dans laquelle la liberté des uns commence là où s'arrête celle des autres. Les propos méconnaissant les principes fondamentaux de notre droit seront supprimés, et ces décisions assorties de rappels à la loi. Cette fermeté sera accompagnée d'actions de prévention à l'attention des internautes les plus jeunes. Dans le domaine culturel enfin, je travaille en étroite collaboration avec Aurélie Filippetti pour inviter le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à adresser des recommandations aux chaînes de radio ou de télévision afin de les faire participer davantage à la lutte contre l'homophobie. Nous soutenons en outre les projets de valorisation de l'histoire du mouvement LGBT.
Troisième axe de notre programme : la lutte contre les discriminations en tant que telles. Je travaille avec Michel Sapin à intégrer les questions d'homophobie dans les outils dont disposent les inspecteurs du travail, ce qui est absolument inédit. Ces questions seront désormais abordées à l'occasion de la grande conférence sociale annuelle réunissant les partenaires sociaux, qui jusqu'à présent - de leur propre aveu - en laissaient l'examen aux associations. Le travail engagé avec les entreprises permettra l'adoption d'une Charte de l'égalité applicable dans le secteur privé. Quant à l'emploi public, la Charte spécifique de l'égalité dans la fonction publique intégrera spécifiquement les questions de lutte contre l'homophobie.
L'égalité au sein des familles est un autre objectif à atteindre : désormais, les familles homoparentales seront représentées au sein de l'Union nationale des associations familiales (Unaf). Les personnels de santé exerçant dans les hôpitaux et les maisons de retraite seront davantage formés à la lutte contre les discriminations homophobes, grâce à l'introduction dans leur cursus d'un module consacré aux identités de genre. L'Igas a été chargé d'une mission ciblée sur les personnes âgées LGBT, particulièrement sujettes à l'isolement.
Le parcours des personnes transsexuelles sera simplifié, afin d'éviter les ruptures qui pourraient s'y produire. Je connais le travail effectué ici par Maryvonne Blondin et Michelle Meunier ; sachez que je le soutiens. Quant à nous, nous nous pencherons sur l'expression d'identité de genre, encore mal comprise. Afin d'intégrer cette notion dans notre droit, nous avons saisi la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), qui sera également amenée à se prononcer sur le futur projet de loi réformant le changement d'état civil. Des consignes ont d'ores et déjà été données pour que les personnes transsexuelles puissent utiliser un numéro de sécurité sociale provisoire sans perdre le bénéfice de leurs droits sociaux. S'agissant plus spécifiquement du parcours de soin des personnes transsexuelles, Marisol Touraine a repris le travail initié avec les associations par nos prédécesseurs, sur le fondement du rapport de l'Igas de mai 2012.
Dernier volet de notre programme : la promotion internationale de l'égalité. La France revient au premier plan sur ces questions, notamment celle de la dépénalisation de l'homosexualité. Pas moins de 170 États sont concernés, dont 7 qui font encourir la peine de mort aux homosexuels. En septembre dernier à l'ONU, le Président de la République n'a pas hésité à qualifier ce combat d'« historique ». Nous le conduisons, avec Laurent Fabius, en direction de nos partenaires européens ainsi que des pays du Sud : sans ces derniers en effet, un combat porté uniquement par les nations riches de l'hémisphère nord n'a aucune chance d'aboutir. Je suis allée moi-même au conseil de sécurité des Nations unies, et y retournerai dès que nécessaire. La première conférence européenne sur ce thème sera organisée à Paris le 26 mars prochain : elle réunira des représentants des gouvernements et des sociétés civiles de 56 États, ainsi que de l'Union européenne et du Haut commissariat aux droits de l'Homme. Notre objectif sera d'atteindre le plus large consensus possible sur les droits des personnes LGBT. La situation en Europe peut paraître satisfaisante à cet égard, mais il n'est que de regarder en Russie ou en Ukraine pour se rendre compte du travail qu'il reste à accomplir, où les brimades que subissent ces personnes sont dissimulées sous le prétexte de la lutte contre la propagande homosexuelle. Mesdames et messieurs les sénateurs, votre participation à ces travaux est la bienvenue. Enfin, nous travaillons à améliorer l'accueil des personnes fuyant les persécutions dans leur pays : les conditions d'asile pour les personnes LGBT seront améliorées. Les professionnels de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides seront notamment formés spécifiquement à l'identification des risques de violence liés à l'identité de genre.
Pour conclure, je précise que notre programme fera l'objet d'une évaluation et d'un suivi précis. Les associations, ministères concernés et élus locaux sont membres du comité de suivi, qui se réunira le 17 mai 2013 pour un premier bilan.
Le 20/11/2021 à 11:51, aristide a dit :
"Des modules d'éducation à la sexualité seront organisés, notamment au lycée."
Avec tous les sites pornos en libre accès qu'il y a sur le net, les professeurs ne devront pas craindre le ridicule...
Le 20/11/2021 à 12:38, aristide a dit :
"La situation en Europe peut paraître satisfaisante à cet égard, mais il n'est que de regarder en Russie ou en Ukraine pour se rendre compte du travail qu'il reste à accomplir, où les brimades que subissent ces personnes sont dissimulées sous le prétexte de la lutte contre la propagande homosexuelle. "
C'est dans ces deux pays que la GPA est la plus facile à réaliser pour les riches homosexuels étrangers; ceux-ci sont les bienvenus dans ces pays tandis que les pauvres homosexuels locaux sont dévalorisés et persécutés : tout n'est qu'une question d'argent, il n'y a aucune cohérence idéologique.
Le 20/11/2021 à 13:54, aristide a dit :
D'ailleurs les riches homosexuels étrangers qui profitent de la GPA en Russie et en Ukraine cautionnent par leur silence les mauvais traitements dont sont victimes les pauvres homosexuels ukrainiens et russes. On ne peut pas d'un côté profiter des avantages d'un système qui persécute les homosexuels sans être quelque part complice de ce système. Ce serait un minimum pour les riches homosexuels étrangers de rejeter la GPA en Ukraine et en Russie, sachant que ces pays pratiquent une politique homophobe. Ne rien faire de leur part revient à cautionner ces pratiques homophobes. Cet égoïsme qui consiste à accepter la GPA en Ukraine et en Russie sans dénoncer les pratiques homophobes de ces pays témoigne d'un total rejet de la défense des droits de l'homme. Et comment défendre la cause des droits de l'homme pour les riches homosexuels occidentaux si ceux-ci s'en moquent complètement pour les pauvres homosexuels qui en font les frais en Russie et en Ukraine ? Et d'ailleurs la GPA est aussi par elle-même une atteinte aux droits de la femme, le droit pour la femme de ne pas être exploitée sexuellement et affectivement. Et les droits de la femme font partie intégrante des droits de l'homme.
Le 20/11/2021 à 11:46, aristide a dit :
"De l'école à l'université, nous travaillerons à déconstruire les stéréotypes à la racine."
Les enfants naissent de la rencontre entre un homme et une femme, quel honteux stéréotype qu'il faut déconstruire à la racine, en sanctionnant si besoin est...
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