Intervention de Marylise Lebranchu

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 5 février 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Marylise Lebranchu ministre de la réforme de l'etat de la décentralisation et de la fonction publique

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique :

Merci, Madame la présidente. Effectivement, le Président de la République et le Premier ministre, en me confiant la responsabilité de ces trois piliers, souhaitaient manifester leur engagement à l'égard de la cohérence et de la modernisation de l'action publique.

Le projet de loi, qui sera bientôt transmis au conseil d'État, a été élaboré en fonction de cette démarche globale, tout en mettant l'accent sur les acteurs essentiels de l'action publique que sont les collectivités territoriales.

Ce texte a donné lieu à de nombreux échanges avec mes collègues du Gouvernement, je citerai en particulier le ministre du travail et de la formation professionnelle, le ministre de l'éducation nationale, le ministre délégué chargé des transports, la ministre de l'écologie, la ministre de l'égalité des territoires et du logement ou encore le ministre de la ville, en relation étroite, bien évidemment, avec le ministre de l'intérieur, dans le sillage des travaux de l'ensemble des ateliers organisés par le Sénat lors des états généraux de la démocratie territoriale les 4 et 5 octobre derniers.

Nous avons également souhaité - c'était la volonté du Président la République - rencontrer l'ensemble des associations d'élus, malgré les difficultés que vous connaissez pour dégager un consensus général. Avec ma collègue Anne-Marie Escoffier, nous avons pourtant essayé de favoriser ce consensus. Malgré cette complexité, les débats progressent. Les élus ont notamment décidé de se rencontrer entre eux afin de faire évoluer certaines propositions ou de bâtir des pistes communes sur tel ou tel point qui ne figurerait pas dans le texte actuel.

Je précise que les discussions ont été engagées sur la base d'un plan du projet de loi, nous avons en effet souhaité éviter de faire circuler d'innombrables versions d'un texte non consolidé afin de nous concentrer sur les objectifs mêmes de la loi.

Si tout se passe bien, après l'examen par le Conseil d'État, je présenterai le texte en conseil des ministres au mois de mars, la première lecture pouvant sans doute intervenir au Sénat à la fin du mois de mai pour une durée de deux semaines. Nous avons, avec mon collègue Alain Vidalies, étudié de très près les contraintes du calendrier parlementaire, et nous avons estimé que les délais d'examen du texte ne changeraient pas, que celui-ci soit présenté maintenant ou au mois de mars. Cela nous a permis de laisser un peu plus de temps à la réflexion, avant l'adoption et la transmission d'un projet au Conseil d'État. La première lecture à l'Assemblée nationale aurait lieu en juillet lors d'une session extraordinaire, le vote définitif étant envisagé à l'automne. Mais, au-delà du calendrier, ce qui me paraît le plus important est que vous disposiez du temps nécessaire pour travailler sereinement entre le dépôt du texte et son vote définitif.

Le plan retenu pour le projet de loi marque la volonté de suivre les grands engagements du Gouvernement : la croissance économique, l'emploi et la jeunesse, les solidarités sociales et territoriales, etc. C'est ainsi que nous essaierons de présenter les choses, avec notamment un renforcement, attendu d'ailleurs, des dispositions législatives relatives aux chefs de file.

Je le dis tout de suite, nous aurons à ce sujet des difficultés tenant, d'une part, au principe de libre administration des collectivités territoriales et, d'autre part, à l'encadrement par la Constitution de la possibilité d'expérimenter des délégations de compétences de l'État aux collectivités, cette possibilité étant limitée à cinq ans. Nous avons travaillé sur cet aspect constitutionnel et, pour l'instant, rien n'est arbitré sur la question de l'expérimentation.

Nous ne toucherons évidemment pas à la libre administration des collectivités territoriales. Lors de son discours du 5 octobre dernier, le Président de la République a indiqué, et je me tiendrai à cet engagement, qu'il souhaitait revenir à la clause de compétence générale pour les départements et pour les régions. Cette déclaration a été très largement commentée et a suscité de nombreux débats, notamment dans les journaux économiques.

Je souhaite, Madame la présidente, qu'après la discussion de ce texte qui fait suite à celui de 2004 et à celui de 2010, nous connaissions une certaine accalmie législative et qu'après 2013 il ne soit pas indispensable de lancer l'examen d'autres textes législatifs dans ce domaine. Il faut en effet une stabilité dans les relations entre l'État et des collectivités territoriales. Ces dernières la réclament, tout comme nos concitoyens, qui sont les usagers des politiques publiques.

J'espère que je réussirai à faire évoluer les liens entre l'État et les collectivités territoriales sans avoir, comme je viens de le dire, à vous proposer de légiférer à nouveau ultérieurement. C'est pourquoi j'ai proposé au Premier ministre que figure dans le texte en cours d'élaboration un pacte de gouvernance territoriale, c'est-à-dire un engagement des collectivités les unes envers les autres, discuté dans une conférence de coordination de l'action publique à laquelle assisteront le préfet, le recteur ou encore le directeur général des finances publiques, selon les sujets, avec en tous les cas une présence de l'État.

Il s'agira de parler à la fois de la gouvernance des compétences déjà décentralisées et de celles qui seront transférées ou déléguées. Pour l'État, il s'agira d'accepter des délégations de compétences ou des expérimentations, en fonction de la pertinence des demandes des uns et des autres.

Nous voulons également renforcer le principe du chef de file, étant entendu que la région disposera de compétences pleines et entières en matière économique, de tourisme, d'orientation tout au long de la vie, de formation professionnelle et de transport.

La compétence en matière de biodiversité n'est pour l'heure toujours pas tranchée, cette compétence étant susceptible d'être ou non régionale, ou encore d'être partagée. Il en est de même en ce qui concerne la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques.

Forte de son rôle de chef de file, la région devra échanger au sein de la conférence quand il s'agira, par exemple, d'aborder des sujets relatifs à l'immobilier d'entreprise avec une ville, un département ou une communauté d'agglomération. Je l'ai souvent dit, la région peut et doit discuter de stratégies de développement économique régional, elle sera d'ailleurs la seule habilitée à accorder des aides directes et nous éviterons, dans le respect du droit communautaire, la nécessité qu'intervienne à chaque fois à ce sujet un décret en Conseil d'État. Et si, au sein de la conférence, un partage de compétences est décidé, il faut évidemment que celui-ci soit clair, décrit, écrit et signé, afin que nos concitoyens puissent aussi s'y retrouver en ce qui concerne la responsabilité des élus et le contrôle de l'action publique.

Le département est confirmé dans son rôle en matière d'action sociale : handicap et solidarité territoriale. Le cas de cette dernière compétence fait, il faut le dire, l'objet de discussions entre les régions et les départements. Vous vous souvenez sans doute que, dans le texte de 1982, l'aménagement du territoire était une compétence de la région. Or, il est possible de considérer que les solidarités territoriales sont liées à l'aménagement du territoire.

Le bloc des communes et des intercommunalités, en plus des nombreuses compétences qu'il possède déjà, disposerait de la compétence en matière de transition énergétique ou écologique, selon les termes que l'on choisira. Il s'agit concrètement de deux pans de politiques attendues sur le terrain, à savoir l'isolation thermique des logements et la mobilité durable, considérée à travers le prisme de la localisation de l'habitat au regard de l'implantation des services et des emplois.

Je vous rappelle que la région porte d'ores et déjà la responsabilité exclusive de l'apprentissage et de la gestion des lycées. La région pourra, en la matière, choisir dans le cadre de la conférence de confier cette gestion à d'autres partenaires.

Le département conserve toutes ses compétences en matière de prestations sociales, de gestion des collèges ainsi que des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

La commune conserve les compétences qu'elle possédait déjà, à savoir l'eau potable, l'assainissement, l'électricité et la gestion des déchets non dangereux, etc.

Le texte prévoit également la création d'un Haut conseil des territoires, instance de discussion entre l'État et les collectivités territoriales qui comprendra, bien évidemment, des représentants d'associations d'élus, le Premier ministre présidant les réunions plénières. Le Haut conseil sera chargé d'évaluer l'impact des décisions de l'État sur les collectivités territoriales.

À titre d'exemple, si un Haut conseil des territoires avait existé, nous aurions pu, dans cette enceinte, discuter de la semaine des quatre jours et demi avec les collectivités territoriales. Au sein de ce Haut conseil, on trouvera des commissions spécialisées, à l'image du comité des finances locales, ou encore du comité chargé de l'évaluation des normes applicables aux collectivités, l'actuelle commission consultative d'évaluation des normes.

Je souhaite de mon côté, mais cela n'a pas encore été arbitré, que soit mise en place en son sein une commission chargée des problèmes de la montagne, parce qu'il existe une loi spécifique fixant un certain nombre de principes pour les communes de montagne. Les problématiques relatives au littoral pourraient également être abordées mais, là encore, rien n'a été arbitré.

Renforcement de l'intercommunalité, reconnaissance du fait urbain et création de communautés métropolitaines sont parmi les sujets qui font le plus débat entre les collectivités territoriales. Ils forment l'un des grands axes du projet de loi.

Le texte prévoit également des dispositions sur la transparence et les responsabilités financières, un rôle important étant dévolu aux chambres régionales des comptes.

Plusieurs dispositions concernent aussi la démocratie locale. D'aucuns ont estimé, au cours des différentes rencontres que j'ai pu avoir, qu'elles sont encore insuffisantes, c'est pourquoi j'essayerai de les renforcer d'ici le passage en conseil des ministres. Elles comportent, bien entendu, des éléments sur le droit de pétition, ainsi que sur le rôle des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).

Le texte comporte, par ailleurs, des dispositions relatives aux agents publics et à la question de la compensation des transferts, qui devra bien évidemment être réglée.

Enfin, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, un texte sur l'évolution des finances locales sera présenté. On ne peut examiner le projet de loi de finances sans prévoir des dispositions relatives aux finances locales, le Président de la République s'étant engagé à ce que les départements disposent de ressources pérennes pour couvrir les frais liés à un certain nombre de prestations obligatoires qui restent à leur charge.

Un groupe sur les relations entre l'État et les départements a d'ailleurs été installé la semaine dernière par le Premier ministre, groupe que j'aurai l'honneur d'accueillir avec ma collègue Anne-Marie Escoffier et qui formulera un certain nombre de propositions au Parlement sur le pacte de confiance.

Je sais qu'un certain nombre d'articles de l'avant-projet de loi circulent déjà et ne suscitent pas l'enthousiasme parmi les élus, mais nous trouverons des réponses sur la capacité à lever l'impôt. Par exemple, le lien entre l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation fera l'objet d'un travail approfondi. On constate depuis longtemps et malgré les travaux menés, notamment sous l'autorité de François Marc, la difficulté à faire rentrer les revenus cadastraux dans la normalité. C'est pourquoi un lien entre la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu serait le bienvenu.

Voilà, Mesdames et Messieurs les membres de la délégation, ce que je pouvais dire de façon succincte sur l'avant-projet de texte qui entrera assez maigre au Sénat et qui, je l'espère, en sortira enrichi.

Comme le Président de la République et le Premier ministre s'y sont engagés, nous laisserons une large place au débat parlementaire.

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