Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat tombe à point ! Disant cela, je vise non pas la polémique qu’un « palmipède » informé a lancée ce matin, mais la question de fond : la situation de notre industrie aujourd’hui et demain. Je pense à la souffrance des salariés, à celle des patrons de PME, à l’inquiétude des partenaires sociaux, des industriels et de tous nos concitoyens.

Beaucoup a été dit sur le constat du déclin industriel. Beaucoup, mais pas tout ! Je souhaite donc que ce débat nous permette d’aborder le sujet en renouvelant notre approche. Je crois en effet qu’il est urgent de sortir de quelques faux débats, et pour vous, monsieur le ministre, de passer du mode réactif au travail de fond.

Ce constat a été largement partagé au moment de l’élection présidentielle. Certains candidats en ont même fait leur marque de fabrique : François Bayrou a sans doute été celui qui a le plus insisté sur ce thème, mais d’autres s’en sont également emparés. Vous avez repris le flambeau, monsieur le ministre, même si certains parrainages peuvent vous paraître encombrants. En tout cas, les propositions de votre ministère sont très attendues par les Français. Après tout, ce sujet mérite le consensus – celui-ci n’excluant pas le débat –, et vous devez veiller, monsieur le ministre, à y parvenir.

Voilà quelques jours, un grand quotidien économique titrait : « La grande panne de l’industrie française », traduisant ainsi la situation dégradée de notre industrie ces derniers mois. De fait, en 2012, ce sont 266 sites industriels qui ont fermé en France, soit 42 % de plus qu’en 2011. La situation s’aggrave alors que notre pays se distingue déjà en Europe par une désindustrialisation massive.

De nombreux rapports, notamment celui de nos collègues membres de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, décrivent depuis quelques années la désindustrialisation qui touche notre pays.

Le décrochage industriel de la France est avéré. Si le phénomène touche tous les pays européens – en fait, toutes les économies développées –, certains résistent mieux que la France : l’Allemagne, mais aussi la Suède ou l’Italie du Nord.

Le constat est double : alors que la succession de drames industriels pourrait laisser penser à l’opinion publique que le déclin de l’industrie est une fatalité, la désindustrialisation n’est pas inexorable, il faut l’affirmer fortement.

La désindustrialisation de notre pays a commencé dans les années soixante-dix et s’est accélérée depuis. Ainsi, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale est passée, en France, de 24 % en 1980 à 18 % en 2000 et environ 12, 5 % aujourd’hui ; en Allemagne, l’industrie représente encore plus de 26 % de la valeur ajoutée totale.

La part de l’emploi industriel dans l’emploi salarié total traduit également cette désindustrialisation massive : elle est passée de 26 % en 1980, avec plus de 5 millions de salariés, à seulement 12, 6 % en 2011, avec 3 millions de salariés. En trente ans, la France a donc perdu plus de 2 millions d’emplois industriels.

Enfin, autre signe de cette aggravation : le déficit de plus de 70 milliards d’euros de notre balance commerciale, qui était encore excédentaire en 2002, est la conséquence de la perte de compétitivité de l’industrie française.

Le constat est désormais clairement posé. Le rapport de Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, est certainement le document qui a donné le plus grand écho à cette réalité. Il marque aussi, il faut l’espérer, une prise de conscience de la part de nos concitoyens. Je remarque qu’il a en outre marqué un tournant dans la politique du Gouvernement, tournant salutaire et salué comme tel, mais sans doute insuffisant, tant les signaux contradictoires se multiplient.

La reconquête de la compétitivité industrielle doit en effet être considérée comme la priorité de la politique économique de notre pays. Elle conditionne tout le reste : la perte de compétitivité de notre économie est à l’origine de nos déficits publics, mais aussi de celui de notre commerce extérieur ; elle contribue au chômage et, donc, aux déséquilibres qui affectent notre système de protection sociale. À terme, c’est notre niveau de vie qui est en cause.

Il y a urgence à agir pour réindustrialiser notre pays. Mais cette action demandera du temps, de la persévérance, et notre pays devra accomplir des efforts. Cela demandera également un fort consensus national autour de cet objectif : redresser notre industrie. Car l’image de cette dernière est déjà dévalorisée en France et commence malheureusement à l’être de manière critique à l’étranger.

La France possède pourtant de grands groupes, leaders mondiaux dans leur secteur : Axa, Total, Airbus, Air Liquide, Safran, Carrefour, BNP Paribas, etc. Avec quatre compagnies dans le classement des vingt-cinq plus grandes entreprises mondiales, elle arrive en deuxième position derrière les États-Unis. C’est toute la dualité du constat : des difficultés, mais de vrais savoir-faire et des pôles industriels d’excellence !

Ces champions nationaux contribuent à tirer nos exportations. Nous conservons des filières d’excellence : l’aéronautique, qui m’est chère, l’agroalimentaire, le luxe, le nucléaire, la pharmacie, des secteurs sur lesquels nous devons nous appuyer et pousser notre avantage comparatif.

Il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation, monsieur le ministre, nous serons d’accord sur ce point. Nous partageons d’ailleurs votre volontarisme en la matière. Il ne faut pas se résigner : l’action est bienvenue ; le verbe est souvent moins productif.

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