Intervention de Alain Chatillon

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Alain ChatillonAlain Chatillon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous livrer quelques chiffres.

La part de l’industrie dans le PIB était de 22 % en 1999, contre 16 % en 2009. Ce secteur représente maintenant 14 % du PIB en France, contre 28 % – le double ! – en Allemagne. Et n’oublions pas que l’industrie représente aussi 85 % de notre recherche.

Vaste sujet que la désindustrialisation de la France, avec 70 000 emplois perdus chaque année depuis trente ans. C’est donc un mouvement qui progresse à pas de géant et qui tend même à s’accélérer encore !

J’ai été rapporteur de la mission commune d’information sur ce sujet en 2011 et, après une année de travail, nous avons formulé pas moins de dix-sept propositions ; j’espère que certaines d’entre elles pourront être mises en œuvre.

Il est en tout cas urgent de mettre en place une nouvelle stratégie économique. Nous connaissons les causes de notre mal, mais les remèdes que nous propose actuellement le Gouvernement ne me semblent pas adéquats : ils manquent de cohérence stratégique et sont, à mon sens, mal ciblés.

Permettez-moi d’évoquer plus précisément certains points, en commençant par le coût du travail.

Un ouvrier qualifié percevant un salaire annuel brut de 40 000 euros en France coûte 59 000 euros à son employeur, contre 48 000 euros en Allemagne ; un cadre rémunéré 70 000 euros en France coûte 100 000 euros à son employeur, contre 81 000 euros outre-Rhin.

Autrement dit, l’allégement du coût du travail, ce n’est pas la baisse du salaire versé, c’est tout simplement un signal fort adressé aux entreprises par la diminution des charges. À cet égard, la TVA sociale ou « anti-délocalisation » nous semblait être la bonne solution. De surcroît, cette mesure permettait de récupérer 8 milliards à 12 milliards d’euros sur les importations, ce qui diminuait d’autant la fiscalité et améliorait sensiblement la compétitivité de nos entreprises.

Deuxième point : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Le CICE concerne très peu les PME puisque 85 % d’entre elles n’ont pas d’impôt à payer. Ainsi se trouvent exclus bon nombre de bénéficiaires potentiels.

À l’origine, le CICE visait à donner aux entreprises les moyens de redresser la compétitivité de la production française et à soutenir l’emploi. Qui plus est, il pouvait être de nature à créer un véritable choc de confiance. Or qu’en est-il réellement ?

Je l’ai dit, les PME sont très peu susceptibles d’utiliser ce dispositif. En outre, s’il a été mis en place en 2013, ce n’est qu’en 2014 qu’elles pourront le cas échéant en bénéficier.

Or nous savons que nos PME créent plus de richesses que leurs homologues allemandes, pourtant deux fois plus nombreuses.

Selon une étude conduite sur 500 entreprises non cotées dont le chiffre d’affaires est compris entre 2 millions et 50 millions d’euros, les PME ont réalisé en moyenne 1, 737 million d’euros de valeur ajoutée l’an passé, contre 1, 576 million d’euros pour les entreprises d’outre-Rhin. Globalement, les PME ont donc la capacité de développer l’emploi ; elles font mieux que la moyenne européenne. Accompagner leur développement m’apparaît dès lors comme une nécessité absolue !

Troisième point : l’innovation et l’accroissement de la valeur ajoutée grâce au crédit d’impôt recherche, ou CIR.

Le développement des ETI reste un objectif majeur pour la France, en vue de rattraper nos voisins allemands : il faut accompagner et faciliter la création de nouvelles ETI, en regroupant des entreprises dans chaque filière. Les pôles de compétitivité jouent un rôle essentiel en soutenant les entreprises et les filières en matière de recherche et développement. En effet, c’est par l’innovation dans tous les domaines que l’on créera de la valeur ajoutée.

Concernant le crédit d’impôt recherche, rappelons que 85 % des bénéficiaires, à hauteur de 50 % du montant global affiché, sont des PME. Est-il vraiment nécessaire que le fisc traque actuellement les PME pour vérifier qu’elles font bien un bon usage de ce dispositif ? À mon sens, il conviendrait plutôt de regarder si le CIR participe véritablement à l’innovation dans les grandes entreprises. C’est là que devrait s’exercer le contrôle !

Est-il nécessaire qu’une politique fiscale spécifique à l’endroit des classes moyennes et entrepreneuriales, plus particulièrement les dirigeants de TPE et de PME, soit mise en place ? Cela, loin de résoudre les problèmes, va les accentuer ! Ne l’oublions pas, la plupart de ces entreprises sont familiales.

Quatrième point : les exportations.

Gardons toujours à l’esprit que l’industrie représente 80 % de nos exportations.

Voilà dix ans, la France comptait 130 000 entreprises exportatrices ; elles ne sont plus que 117 000 aujourd'hui.

Quant aux PMI exportatrices, en 2005, on en dénombrait 100 000 en France, contre 219 244 en Allemagne. En 2009, nous n’en comptions plus que 91 000, contre 241 446 en Allemagne. En d’autres termes, nous avons assisté une diminution de 9 % en France et à une progression de plus de 10 % en Allemagne. Il conviendrait de savoir quelles sont les raisons d’une telle évolution.

Au moment où le marché mondial s’accroît, la France doit poursuivre la montée en qualité de ses produits. Cette stratégie est un facteur de différenciation très important ; j’en veux pour preuve le succès de nos marques à l’exportation dans certaines catégories de produits : vins et spiritueux, produits laitiers, produits à forte valeur ajoutée.

Les chiffres récents permettent d’affirmer que l’Europe reste une zone de prédilection pour 91 % des entreprises françaises présentes à l’export. Dans le secteur industriel, elles sont même 97 % à exporter en Europe. Cette situation est favorisée par la proximité et par l’existence d’une zone de monnaie unique.

Reste qu’il nous faut apporter des solutions aux problèmes qui se posent. En particulier, nous devons rendre la fiscalité plus incitative et mieux répondre aux besoins de financement des entreprises exportatrices, que ce soit par des prêts directs ou par des garanties.

À cet égard, monsieur le ministre, je m’interroge sur les raisons pour lesquelles la COFACE diminue actuellement les montants d’engagement. Ce problème est grave et je vous demande de l’examiner de près. Aujourd’hui, la COFACE finance très peu les entreprises du secteur agroalimentaire, notamment celles qui exportent vers l’Espagne.

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