Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’industrie européenne représente un potentiel impressionnant de savoir-faire : 2, 3 millions d’entreprises emploient 35 millions de salariés, qui produisent plus de 1 600 milliards d’euros de valeur ajoutée par an.

Pourtant, la crise mais aussi la mondialisation ont fortement mis à mal notre industrie. En effet, celle-ci connaît un recul qui se manifeste par des signaux particulièrement inquiétants : pertes d’emplois, stagnation de l’effort d’innovation, déséquilibres commerciaux. À titre d’exemple, au cours des dix dernières années, l’Europe a accumulé près de 1 200 milliards d’euros de déficit commercial dans ses échanges de produits manufacturés avec la Chine.

En France, nous subissons ce recul de plein fouet ; les conséquences en sont extrêmement préoccupantes pour notre économie. Heureusement, ayant pris la mesure du problème, le Gouvernement a déjà commencé de mettre en place un arsenal complet de mesures, combinant des actions d’urgence avec des actions à plus long terme. Des efforts particuliers sont réalisés en direction des PME et PMI.

La France compte 2 550 000 PME, qui représentent plus de 97 % de ses entreprises et emploient près de 7 millions de salariés. Pour ces entreprises, l’une des mesures les plus importantes prises par le Gouvernement est la création de la Banque publique d’investissement, qui permettra notamment de diminuer les conséquences des délais de paiement.

Le fait est qu’en 2011 la réduction des délais de paiement engagée depuis 2008 a malheureusement marqué le pas. C’est ainsi qu’un tiers des entreprises françaises voient toutes leurs factures réglées au-delà de soixante jours, ce qui fragilise leur situation financière.

Cependant, depuis le début de l’année, un fonds spécifique créé au sein de la BPI permet de garantir des crédits accordés par les banques privées ; les décisions sont prises totalement au niveau local, avec un délai de réponse de quelques jours. Cette décentralisation de l’action de la BPI est indispensable et particulièrement utile à nos entreprises.

Une autre piste pour aider les PME et PMI consiste à améliorer le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit. L’assurance-crédit, qui permet aux entreprises de se garantir contre le risque de non-paiement d’une créance, peut constituer un outil efficace de protection contre les aléas économiques. Seulement, il apparaît que l’organisation de ce marché ne permet pas à l’ensemble des entreprises d’y avoir accès. Un travail doit donc être mené dans ce domaine. Je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé une consultation de l’ensemble des acteurs en vue de favoriser le développement de l’assurance-crédit par le biais de contrats de filière.

Je voudrais maintenant aborder la dimension européenne de la politique industrielle, notamment les obligations légales qui pèsent sur nos entreprises par comparaison avec celles qui pèsent sur les entreprises des pays extérieurs à l’Union européenne.

Indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur, la politique européenne de la concurrence est l’une des plus exigeantes au monde. Rares, en effet, sont les pays qui disposent d’une législation aussi restrictive en matière d’aides d’État.

Or, face au recul de l’industrie européenne, le succès du géant chinois est tout à fait impressionnant : au cours des cinq dernières années, la Chine a augmenté de 7, 7 % sa part dans la production manufacturière mondiale ; cette part s’établit aujourd’hui à 21, 7 %, ce qui place la Chine devant les États-Unis et l’Europe. Le fait est que les aides d’État substantielles dont bénéficient les entreprises chinoises jouent un rôle non négligeable dans ces bons résultats, tandis que la Commission européenne les encadre très strictement, et même parfois de manière obsessionnelle. La concurrence déloyale à laquelle les pays de l’Union européenne sont ainsi confrontés est incontestablement un frein pour notre économie.

Il faut exiger des pays qui adhèrent à l’Organisation mondiale du commerce qu’ils respectent les normes édictées par l’Organisation internationale du travail, voire renforcer ces exigences pour contrecarrer le dumping social.

En dépit de cette situation d’inégalité face à ses concurrents, l’Europe tente quelques réactions. Ainsi la Commission européenne s’est-elle saisie du problème de la baisse de la production industrielle en se fixant comme objectif de porter la part de l’industrie dans le PIB européen de 15, 6 % aujourd’hui à 20 % en 2020. Pour atteindre cet objectif, les efforts en direction de la recherche sont absolument essentiels, car nous savons bien qu’il faut toujours avoir un temps d’avance sur ses concurrents.

Le programme Galileo, par exemple, est une formidable initiative. Ce projet de navigation par satellite présente de multiples intérêts : il met à contribution le meilleur de la recherche et de la technologie européennes dans le domaine spatial et il assurera à l’Europe l’autonomie qui lui manque pour identifier les lieux où il convient d’intervenir. Ce système aura des applications pour le sauvetage de vies après les catastrophes, la couverture de missions de la paix, la sécurité des transactions financières et, de manière massive, pour les transports en tous genres.

Galileo participe à la compétitivité internationale de l’industrie européenne dans le secteur, en pleine croissance, des services et des applications de la navigation par satellite : le marché mondial est évalué à plus de 240 milliards d’euros en 2020. Félicitons-nous donc de la réalisation de ce projet emblématique, dont les quatre premiers satellites seront lancés cette année depuis la base de Kourou. Galileo, c’est l’exemple type de ce qu’il convient de faire !

Tous les espoirs peuvent être permis à l’industrie européenne et française, mais il faut que plusieurs conditions soient réunies.

D’abord, une vraie volonté politique est nécessaire ; je pense que notre Gouvernement en fait preuve. Ensuite, il faut une détermination sans faille à mettre la finance européenne et française au service de notre économie, particulièrement de notre industrie, en condamnant fermement toute dérive spéculative. Il faut aussi une vigilance dans le soutien que nous apportons à notre tissu de PME et PMI, pour encourager les relations gagnant-gagnant avec les grosses entreprises. Enfin, il ne faut pas avoir la naïveté de soutenir la concurrence libre et non faussée sans surveiller, avec la même rigueur, le respect des droits sociaux chez nos partenaires commerciaux.

Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, ne manquez pas de volonté. Cette attitude nous convient, raison pour laquelle nous vous soutenons ! §

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