Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui me concerne, j’évoquerai un secteur industriel qui, s’il n’est pas sinistré, soulève néanmoins un certain nombre de questions, je veux parler de l’industrie pharmaceutique.

Au préalable, je relève qu’au même titre que l’aéronautique, le spatial, voire l’agroalimentaire, le secteur de l’industrie pharmaceutique, en dégageant des excédents, permet de limiter en quelque sorte la « casse » quant à notre commerce extérieur.

Mais l’actualité nous rattrape ! En effet, Sanofi-Aventis, quatrième laboratoire mondial, réalise un chiffre d’affaires évoluant entre 35 milliards et 40 milliards d’euros, pour des bénéfices qui se situent entre 5 milliards et 9 milliards d’euros par an. Cette bonne santé se traduit par son placement au sein du CAC 40, où il est lancé avec Total dans une course-poursuite pour détenir la première place, que l’un et l’autre occupent alternativement.

Pourtant, on annonce une réorganisation de ce laboratoire qui serait finalisée en 2015, l’objectif avancé étant de muscler la recherche et développement, en y injectant d’ailleurs 2 milliards d’euros par an.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes si ce constat correspondait au diagnostic réalisé par les salariés de Sanofi. Or tel n’est pas le cas, c’est le moins que l’on puisse dire !

Dans le cadre de cette réorganisation annoncée, en effet, il est envisagé de supprimer 1 000 postes. Vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, avez fait en sorte de diminuer l’étiage en la matière puisqu’il était initialement question de supprimer 1 000 à 2 000 postes. Bien entendu, ces suppressions de postes s’accompagnent de la disparition de sites. Je note que huit ont déjà disparu en cinq ans et que, sur les neuf centres de recherche existants, quatre seulement doivent être conservés, deux d’entre eux dans la région parisienne, les autres à Lyon et à Strasbourg.

Une telle perspective, on le comprendra, ne fait l’affaire ni du site de Toulouse ni de celui de Montpellier, où seraient respectivement remis en cause 600 et 300 postes. Depuis près de huit mois, on assiste donc à une mobilisation très importante, qui du reste ne mollit pas, des employés de ces deux sites. Ils font valoir un certain nombre d’arguments très pertinents, que je ne suis pas le seul à partager.

Ils constatent d’abord que la masse des dividendes distribués aux actionnaires a enregistré une augmentation pour le moins spectaculaire puisqu’elle a doublé en dix ans ! On est fondé à se demander si, mécaniquement, ce qui va aux actionnaires est autant qui ne va pas à la recherche et développement. Mes chers collègues, cela s’appelle tout simplement la financiarisation de l’activité !

Dans le même temps, s’agissant de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique, on observe que de plus en plus de molécules tombent dans le régime des génériques et rapportent donc moins d’argent aux laboratoires. Il arrivera même un moment où ces derniers seront en situation difficile s’ils ne se donnent pas les moyens d’avoir deux ou trois molécules d’avance. Par conséquent, de mon point de vue et de celui de nombreux observateurs, ce n’est vraiment pas le moment de baisser la garde en matière de recherche !

Notons aussi que le même laboratoire n’hésite pas à externaliser sa recherche du côté soit des laboratoires publics, soit des start-up considérées, de manière lapidaire, comme des prestataires de services, le tout, bien sûr, pour diminuer les frais fixes de recherche qui sont situés jusqu’à présent en interne. On est en droit de se demander à partir de quel moment il y aura effectivement une rupture.

Parallèlement, même s’il existe encore, au niveau de ces laboratoires, des produits phares – je pense notamment à Lantus –, on semble mettre un peu plus l’accent sur les vaccins – c’est un moindre mal ! –, les médicaments délivrés sans ordonnance, la santé animale, voire ce qu’on appelle des alicaments ; eu égard au rapprochement avec Coca-Cola, ce sont surtout des inquiétudes que ces alicaments nous permettent de nourrir ! §

Ces inquiétudes sont d’ailleurs partagées par l’immense majorité des salariés de Sanofi. En effet, ils sont conscients non seulement des répercussions sur la stratégie industrielle de leur laboratoire, mais aussi du fait que l’on va ainsi les faire sortir de leur cœur de métier, un métier qu’ils aiment, qu’ils pratiquent avec talent, et qui consiste tout simplement à rechercher des médicaments destinés à soigner les gens.

Monsieur le ministre, quel est votre sentiment à ce sujet et, surtout, quelles sont vos intentions ? En vous posant ces questions, je n’ignore pas que, depuis maintenant huit mois, vous observez cette situation et que vous ne vous interdisez pas, il s’en faut, d’intervenir.

Il faut savoir que les laboratoires pharmaceutiques ont un sort particulier. En effet, par le biais des autorisations de mise sur le marché, les AMM, ils voient mécaniquement les produits qu’ils fabriquent remboursés par la sécurité sociale que les Français s’échinent à financer au jour le jour !

Par ailleurs, ils ont bénéficié et continuent de bénéficier du crédit d’impôt recherche. À cela s’ajoutent, s’agissant du site de Toulouse, les efforts consentis par les collectivités locales pour aménager l’Oncopôle dans les meilleures conditions. À mon sens, cela signifie très clairement que, dans ce dossier, les pouvoirs publics ont un droit, j’allais dire un devoir d’ingérence.

Monsieur le ministre, vous imaginez bien que vos réponses sont très attendues sur le site de Toulouse, qui est le plus exposé et où la colère sociale pourrait très rapidement éclater ! Les salariés ont d’autant plus raison de formuler des exigences et de demander des éclaircissements que, dans ce qui est finalement une partie de poker menteur face à la direction de Sanofi, la seule réponse qui leur est faite est qu’il n’y a pas urgence et qu’ils verront bien ce qui se passera d’ici à 2015 !

C’est dire, monsieur le ministre, avec quelle impatience nous attendons les conclusions du chargé de mission que vous avez bien voulu nommer et qui devra poser un diagnostic afin d’envisager un traitement.

Pour sa part, le groupe socialiste du Sénat a demandé la nomination d’un médiateur, afin de tenter, dans le cadre du traitement qui sera envisagé par le chargé de mission, de rassembler les points de vue des uns et des autres, le dialogue social étant aboli sur le site de Toulouse depuis maintenant huit mois !

Monsieur le ministre, je ne doute pas que vos réponses seront satisfaisantes. On a compris qu’il s’agissait, à travers cet exemple bien précis, d’un combat à moyen et à long terme concernant un problème de nature industrielle et aussi de santé publique. §

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