Intervention de Christian Cointat

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur la situation à mayotte

Photo de Christian CointatChristian Cointat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mayotte a besoin de nous et je suis heureux que ce débat nous permette de manifester à ce département français et à ses habitants notre intérêt, notre attachement et notre affection. L'« île hippocampe » se dresse fièrement dans les eaux bleues de son lagon et porte avec force les couleurs de la France !

Nous ne devons jamais oublier, mes chers collègues, que Mayotte fait partie des rares territoires français d'outre-mer qui ont non pas été conquis mais qui ont librement choisi leur appartenance à la France. Certes, leur choix n'était pas sans intérêt puisque les Mahorais réclamaient à l'époque la protection du roi de France contre les exactions de ses voisins. Comme l'a déclaré le commandant Passot, premier gouverneur de Mayotte, le 13 juin 1843, lors de sa prise de fonction : « Louis-Philippe Ier, roi des Français, a bien voulu accepter l'offre que vous lui avez faite de la cession en toute propriété de la souveraineté de l'île Mayotte, et son représentant à Bourbon m'a envoyé vers vous pour vous commander et vous protéger contre vos ennemis. »

Ainsi, Mayotte devint française une cinquantaine d'années avant le reste de l'archipel des Comores. Il convient de souligner que, lorsque les Comores passèrent sous pavillon français, le territoire ainsi formé avec Mayotte prit le nom de « Mayotte et dépendances » et non celui de « Comores », comme ce fut le cas plus tard.

Ce bref rappel historique n'est pas sans intérêt, car il montre que, depuis au moins deux siècles, les relations entre Mayotte et les autres îles de l’archipel des Comores sont difficiles, voire conflictuelles. Pourtant, ces relations sont fréquentes, voire vitales, car la géographie oblige ces îles à vivre ensemble. « Je t'aime, moi non plus », pourrait-on dire ! En fait, tout le problème est là.

La situation de Mayotte est en plus assez paradoxale. D’un côté, le niveau de vie y est presque dix fois inférieur à celui de la métropole et, de l'autre côté, il est presque dix fois supérieur à celui des Comores. Ainsi, aussi curieux que cela puisse paraître, au sein de l'archipel des Comores, Mayotte a des relents d'Amérique ! Elle apparaît comme une forme d'Eldorado en dépit des sérieuses difficultés économiques, sociales et financières dont elle souffre.

Mayotte est ainsi devenue le point de mire de ses voisins, qui veulent, par tous les moyens – y compris au péril de leur vie, comme vient de le rappeler le président de la commission des lois –, s'y rendre pour trouver de meilleures conditions de santé, d'étude ou de formation, bref, pour trouver un meilleur avenir.

Pourtant, les infrastructures locales de Mayotte ne peuvent faire face à un tel afflux d'immigrés. Mayotte a donc besoin – j’y insiste, monsieur le ministre – de la solidarité nationale.

Pour affirmer leur identité française, les Mahorais ont eu beaucoup de courage. Ils ont accepté de modifier leurs traditions, de remodeler leur culture, d'adapter leur religion. Ils ont ainsi dû choisir un état civil modifiant leurs vocables traditionnels et leur imposant un nom et un prénom, mettre au point un cadastre, abandonner la justice musulmane…

On ne soulignera jamais assez l'ampleur de la révolution culturelle et personnelle qu’ils ont dû accomplir afin d'être comme les autres Français. Ces efforts impliquent maintenant un retour sur investissement. Aussi faut-il une accélération du rattrapage économique et social avec le reste de la nation.

Cela suppose parallèlement que la France s’engage résolument dans une reconstruction des relations avec les Comores, car il ne peut y avoir de développement durable de Mayotte sans une coopération sereine et fructueuse avec ses voisins.

Le niveau d'immigration clandestine a largement dépassé le seuil de dangerosité supportable. Les jeunes en déshérence seront de véritables bombes pour l’avenir s'ils ne sont pas pris en main sur le plan social et sur celui de la formation.

Leur nombre est tel que l'on est obligé d'avoir, comme l’a rappelé le président de la commission des lois, des écoles du matin et des écoles du soir, faute d'équipements suffisants ! On est confronté, en quelque sorte, au phénomène des « chaises chaudes », par analogie avec les « lits chauds » de l'industrialisation du XIXe siècle ! C’est totalement inacceptable à notre époque.

Force est de constater qu’en dépit des équipements de surveillance, des mesures administratives, des contrôles de plus en plus draconiens pour lutter contre l’immigration clandestine et d’un visa délivré au compte-gouttes, rien, absolument rien n'a empêché l'invasion de Mayotte par ses voisins !

Mes chers collègues, quand une politique ne marche pas, ou l’on ferme les yeux et l’on se donne bonne conscience, mais les choses iront encore moins bien, ou l’on ouvre grand les yeux pour mieux voir où cela coince.

C’est le second choix que nous devons faire, parce que cela coince : le visa Balladur, s’il a constitué une excellente décision en son temps et est parfait en lui-même, n’est absolument plus adapté puisqu’il n’empêche en rien l’immigration clandestine.

Tout le monde le sait parfaitement, même si l’on ne veut pas toujours se l'avouer, rien de bien solide et de pérenne ne peut se faire à Mayotte sans une participation active des Comores.

Il convient donc de rétablir la confiance avec ce voisin – n’oublions pas qu’il fut autrefois français ! – en lui démontrant que, pour autant que l'on en ait la volonté, cette coopération lui sera tout aussi profitable qu’à nous-mêmes. Il est impératif de l'inviter et de lui permettre d'aborder cette question délicate la tête haute, car chacun doit pouvoir sauver la face. Seul un « gagnant-gagnant » peut aboutir. Sinon, mes chers collègues, ce sera un « perdant-perdant » ! Il faut donc un geste fort et habile de la part de la France.

Dans le rapport d'information de la commission des lois, des pistes sont évoquées, et je n'y reviens donc pas ; il suffit de les prendre en compte. D’ailleurs, nous n’avons rien inventé. Nous avons beaucoup écouté, échangé et réfléchi.

Je me limiterai simplement à dire en conclusion que le département de Mayotte ne pourra prendre son véritable essor que dans un archipel où une libre circulation sereine, confiante, contrôlée et maîtrisée sera rétablie dans l’intérêt de tous.

Alors, oui, mes chers collègues, l’hippocampe s’élèvera au-dessus du lagon. Il deviendra Pégase et, comme lui, sera en mesure de vaincre les chimères !

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