Intervention de Michel Vergoz

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur la situation à mayotte

Photo de Michel VergozMichel Vergoz :

« Mayotte, un nouveau département confronté à de lourds défis » : tel est le titre de l’excellent rapport sénatorial d’information rédigé par nos collègues Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan en juillet 2012. Ces lourds défis sont identifiés, et certains présentent une gravité exceptionnelle.

L’attractivité de Mayotte dans son environnement régional est déjà une réalité : ce constat est clairement établi. Cette attractivité ne peut que se développer et partant accentuer la gravité des situations à affronter, avec l’accession récente de Mayotte au statut de département français, bientôt doublé de celui de RUP.

Je suis doublement concerné par l’avenir de Mayotte, île située à moins de trois heures d’avion de la Réunion, où je vis.

Premièrement, baignées par le même océan, Mayotte et la Réunion se parlent, échangent depuis longtemps. Nous sommes pour ainsi dire liés par une communauté de destin. Nos interrogations respectives sur des questions aussi cruciales que le développement économique et social s’entrecoupent à bien des égards, se rejoignent et font même corps.

Deuxièmement, de même qu’une importante communauté originaire de Mayotte vit à la Réunion, Mayotte accueille de plus en plus de Réunionnais, qui s’y installent. Dès lors, comment imaginer que nous ne partagions pas l’exigence forte de travailler ensemble ?

Je me félicite de l’issue des débats menés durant des décennies par la population mahoraise et ses élus, pour l’intégration de ce territoire à la France. Pour Mayotte, la départementalisation est aujourd’hui acquise dans la loi. Reste à la traduire au quotidien. C’est le long travail qui occupera nos amis Mahorais pendant de nombreuses années, tout comme il a occupé et occupe encore la Réunion, depuis 1946.

Dès lors, dans le principal but de garantir une efficacité optimale à l’action des pouvoirs publics, il apparaît nécessaire de prioriser celle-ci.

Oui, il convient de déterminer l’objectif prioritaire ou les tout premiers parmi tous les lourds défis déjà recensés dans des domaines aussi divers et fondamentaux que la justice, l’éducation, la santé, l’égalité sociale, la vie chère, la fiscalité ou l’immigration illégale. C’est une méthode essentielle.

Chacun l’a compris et tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune l’ont souligné : la tâche est immense. Raison de plus pour l’organiser rigoureusement.

L’immigration massive illégale à Mayotte est la première urgence à traiter. Ce constat vient d’être dressé à plusieurs reprises. En effet, cet enjeu détermine directement tous les autres. La puissance de cette immigration est telle qu’elle est capable de balayer toutes les avancées longtemps attendues et souvent durement acquises. Aucune institution locale ne peut y faire face seule.

Monsieur le ministre, je le souligne, la responsabilité nationale est en première ligne.

Parlons clairement, tenons un langage de vérité : les mesures adoptées jusqu’à présent se sont révélées insuffisantes et inefficaces, même si Mayotte atteint à elle seule près de 50 % de l’objectif national des reconduites à la frontière.

De même, ces mesures n’ont empêché ni les drames en mer qu’ont évoqués ceux qui m’ont précédé à cette tribune, ni les véritables tragédies qui ont causé des milliers de victimes au cours des dernières années. Il est à craindre que nous ne soyons bientôt de simples témoins, passifs, face à la banalisation de ces catastrophes à répétition.

Une autre politique de contrôle des flux migratoires est nécessaire et même indispensable. Parallèlement, des moyens à la hauteur des enjeux doivent être mobilisés.

Ces enjeux concernent certes Mayotte et la Réunion dans leur environnement régional, mais, là aussi, parlons clairement, ils touchent également l’Hexagone : on connaît la sensibilité de l’opinion publique métropolitaine aux questions ayant trait à l’immigration !

Cette nouvelle politique de contrôle des flux migratoires à Mayotte doit faire l’objet d’une large concertation, au plus haut niveau de l’État, avec la représentation nationale mahoraise, afin que les réponses apportées tiennent compte des liens familiaux forts qui unissent les communautés mahoraises et comoriennes. Les Mahorais eux-mêmes ont à éclairer un chemin dans cet important dossier.

Nous devons agir en responsabilité et refuser l’hypocrisie, avant que les incompréhensions ne prospèrent et que la facilité de la stigmatisation ne prenne le dessus.

Toutefois, si une autre politique d’immigration à Mayotte est incontournable, elle ne peut, à elle seule, réunir les conditions du succès si la France ne se mobilise pas pour nouer un dialogue respectueux et pragmatique avec les Comores, sur la base d’initiatives nouvelles. Nombreux sont ceux qui l’ont également souligné. Je rappelle simplement ce fait pour mémoire : la France mobilise 20 millions d’euros pour la coopération bilatérale avec les Comores, quand elle dépense entre 50 millions et 70 millions d’euros par an pour les reconduites à la frontière depuis Mayotte.

De même, en février et mars 2011 – c’était hier ! –, 10 000 personnes interpellées par les autorités françaises à Mayotte ont été libérées, car les autorités comoriennes refusaient de les accueillir sur leur sol.

Enfin, dans le principal souci de recherche d’un développement mutuel dans la zone de l’océan Indien, la Commission de l’océan Indien, la COI, qui réunit Maurice, les Seychelles, Madagascar – île qui compte plus de 20 millions d’habitants ! – les Comores et la Réunion, doit jouer un rôle primordial également dans le cadre d’actions de codéveloppement dans lesquelles chacun doit trouver son compte. La COI est un outil précieux au sein de cette zone, mais insuffisamment mobilisé.

Monsieur le ministre, je tiens à conclure mon intervention par une demande pressante au Gouvernement. La réponse à y apporter ne coûte rien financièrement mais demande une exigence sans faille quant à la défense des valeurs qui fondent notre République.

En février 2011, un fonctionnaire de l’État, vice-recteur en poste à Mayotte, déclarait : « Le rythme des constructions scolaires ne pourra jamais suivre le rythme des utérus des Mahoraises. »

En mai 2011, le même fonctionnaire de l’État récidivait en affirmant : « Les jeunes Mahorais ont une problématique d’accent. Un accent que les jeunes Mahorais devraient gommer devant la société, ce qui leur donnerait un travail. »

Il a fallu attendre août 2012 et le nouveau gouvernement pour que ce fonctionnaire soit muté et remplacé.

À l’heure où Mayotte s’apprête à fournir tous les efforts possibles pour ouvrir une nouvelle page de son histoire – et ces efforts seront bien nécessaires –, puisse le Gouvernement lui faciliter la tâche en nommant des serviteurs de l’État exemplaires, nourris d’une haute idée des valeurs fondamentales de la République, et qui respectent les outre-mer à défaut de les aimer ! Je sais que de tels fonctionnaires sont nombreux. Il suffit et il importe de bien les choisir.

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