Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur la situation à mayotte

Victorin Lurel :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier de son intervention M. le président de la commission des lois, qui, appelé par d’autres obligations, a dû quitter l’hémicycle, et à saluer la présence dans les tribunes de M. Dominique Baudis, Défenseur des droits.

Le Gouvernement se réjouit du vif intérêt que la Haute Assemblée porte à la situation de l’île de Mayotte, et qui s’est manifesté au travers de la mission sénatoriale conduite, au nom de sa commission des lois, par les sénateurs Félix Desplan et Didier Cointat, sous la houlette de Jean-Pierre Sueur. Au nom du Gouvernement, je souligne l’importance du travail que ces derniers ont mené, la pertinence des diagnostics qu’ils ont établis et la qualité des propositions qu’ils ont formulées.

Cet intérêt que le Sénat porte à Mayotte rejoint celui qu’expriment le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement, qui, dès le mois de mai 2012, ont accordé une attention particulière à ce territoire, devenu le cent unième département français.

Je le rappelle, le chef de l’État connaît bien Mayotte pour s’y être rendu par deux fois avant d’être élu à la présidence de la République, en 2007 et en avril 2012. Il y a par ailleurs dépêché des délégations. Il connaît donc la situation particulière de l’île et a pu, parallèlement, en mesurer l’évolution depuis la mise en œuvre du processus de départementalisation. Sur place, il a pris des engagements très clairs, qui figurent parmi ses trente engagements de campagne en faveur des outre-mer. Ils constituent aujourd’hui la feuille de route du Gouvernement en la matière, celle que je suis, pour ma part, chargé de mettre en œuvre.

Moi-même, avant d’entrer au Gouvernement, je me suis rendu à deux reprises à Mayotte, et j’y ai effectué mon premier déplacement officiel en tant que ministre, en juillet 2012. Je crois pouvoir le dire, je connais les élus mahorais, et je salue, à cet égard, le sénateur maire de Mamoudzou, Abdourahamane Soilihi, ainsi que le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Je connais leurs attentes et celles des forces vives de Mayotte, qui souhaitent par-dessus tout que la départementalisation, transformation en marche, devienne un processus concret et atteignable à un horizon raisonnable.

Les engagements du Président de la République vont précisément dans ce sens. De fait, sans vouloir heurter quiconque, je me dois de rappeler que, jusqu’à la dernière alternance, les perspectives offertes aux Mahoraises et aux Mahorais pour atteindre le statut plein et entier de département étaient bien trop lointaines pour ne pas engendrer des inquiétudes et des frustrations.

Le président de la commission des lois a rappelé avec justesse et lucidité les réalités « insupportables » de Mayotte en matière d’éducation, de justice et de gestion des flux migratoires. Des réalités qui, il l’a souligné, sont largement méconnues du reste de nos compatriotes.

Mayotte exprime une légitime soif de liberté et même une exigence d’égalité, que la République doit entendre, surtout au regard de cette « révolution culturelle », évoquée par M. Cointat – qui, lui aussi a dû quitter l’hémicycle –, qu’ont accomplie les Mahorais en acceptant la départementalisation. C’est un défi pour la République de répondre à cet appel dans des délais raisonnables.

La difficulté majeure à laquelle nous sommes collectivement confrontés est de parvenir à conduire ce processus de départementalisation tout en apportant, dans le même temps, des réponses urgentes et concrètes aux tensions migratoires considérables qui s’exercent sur l’île, mais aussi à la situation économique et sociale d’un territoire en quête d’un modèle de développement viable, sans oublier la question prégnante de l’éducation dans un contexte de choc démographique.

Ce n’est pas céder à des manœuvres dilatoires que d’affirmer qu’il ne faut pas bouleverser les équilibres fondamentaux de la société mahoraise.

La tâche est ardue, surtout quand l’argent public est devenu, vous le savez, si rare. Et elle est d’autant moins aisée quand les partenaires naturels de l’État que sont les collectivités locales sont, c’est le cas à Mayotte, dans une situation financière très difficile qui leur impose de faire des efforts importants en matière de gestion et de rationalité budgétaire.

Pour difficile qu’il soit, le Gouvernement a toutefois choisi de relever courageusement ce défi depuis neuf mois, car la République est une promesse qui engage tous ceux qui croient en ses valeurs, et j’ai bien entendu le cri du sénateur Michel Vergoz !

Pour Mayotte, nous avons d’abord consenti un effort budgétaire important, qui reflète la volonté du Président de la République et du Premier ministre de faire des outre-mer l’une des missions gouvernementales qui progresse le plus dans la loi de finances 2013.

Ainsi, dans la loi de finances initiale pour 2013, l’effort budgétaire global de l’État pour Mayotte est passé de 715 millions d’euros en 2012 à 738 millions d’euros, soit une augmentation de 23 millions d’euros. Dans le contexte actuel, ce n’est pas négligeable.

Au-delà, plusieurs décisions importantes et attendues ont été prises. Il y a l’accès de Mayotte au statut de région ultrapériphérique d’Europe, qui sera effectif le 1er janvier 2014 et qui permettra au territoire d’être éligible notamment aux fonds structurels en matière de coopération transfrontalière, afin de réaliser aux Comores, à Anjouan, les équipements et infrastructures de nature à rééquilibrer la pression migratoire. Cela représente 15 millions d’euros sur la période 2014–2020.

Dans le débat difficile sur le cadre financier pluriannuel, la « rupéisation » de Mayotte a été prise en compte. Même si ce codicille ne figure pas en lettres de feu dans l’accord, elle pourra être réévaluée en fonction du rythme de la consommation que nous ferons des enveloppes budgétaires.

Le salaire minimum, le SMIC, a été augmenté à deux reprises, en juillet 2012, de 2, 09 %, soit plus que le SMIC national, puis au 1er janvier 2013, de 1, 9 %, pour tenir compte de deux paramètres, l’application du taux d’évolution du SMIC national et la deuxième tranche du processus de convergence afin de poursuivre le rattrapage par rapport au SMIC national. Aujourd’hui, le SMIC mensuel net est de 1 073 euros par mois à Mayotte, contre 1 120 euros net dans l’Hexagone.

L’allocation de rentrée scolaire a été revalorisée à la rentrée 2012, avec une augmentation du même montant que celle servie aux familles des autres départements français, auquel nous avons ajouté le montant défini par le plan de rattrapage prévu par l’ordonnance du 7 février 2002, avec un objectif de parité complète prévu pour 2015.

La prestation spécifique de restauration scolaire, la PARS, a également été augmentée de façon substantielle afin d’être alignée au 1er janvier 2013 sur les montants unitaires concernant les DOM, soit 1, 25 euro par collation et 1, 92 euro par repas. J’ai personnellement pu constater cela au sein de la société qui prépare les repas et qui fournit les collectivités et les écoles.

Pour ce qui concerne le RSA, qui a été mis en œuvre à Mayotte le 1er janvier 2012, je rappelle que son montant représentait un quart, 25 %, de celui en vigueur ailleurs dans la République, soit 119 euros contre 476 euros au niveau national. Je vous rappelle également, il est bon de le faire, que le précédent gouvernement avait décidé d’aligner le RSA sur une durée, tenez-vous bien, de 25 ans ! Nous avons décidé, nous, de le faire sur la durée de la législature.

À l’occasion de la restitution nationale des conférences économiques et sociales outre-mer, le 10 décembre 2012, le Premier ministre a annoncé la revalorisation du RSA à Mayotte à hauteur de 50 % du niveau national à la fin de 2013, avec une première étape de revalorisation, à hauteur de 37, 5 % du niveau national, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Le RSA mahorais est donc aujourd’hui de 181, 22 euros par mois. Nous savons qu’il y a du rattrapage à faire, mais le processus a bien commencé.

Pour Mayotte, toujours dans l’objectif de concrétiser la départementalisation, nous avons conduit et nous continuons de conduire un travail considérable d’adaptation des lois et des règlements en vue d’une convergence avec le droit commun.

Je citerai pêle-mêle, sans chercher à être exhaustif, l’article 9 de la loi de régulation économique outre-mer – sur laquelle je reviendrai pour parler de la lutte contre la vie chère –, qui habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance à Mayotte diverses dispositions en matière d’action sociale, de code du travail, de régime de retraite des fonctionnaires, d’indemnisation des chômeurs.

Je citerai également l’ordonnance sur les allocations de logement, publiée le 26 janvier 2013, qui aligne, pour les familles, l’allocation de logement sur le droit commun des départements d’outre-mer et crée, pour les personnes sans enfant à charge, l’allocation de logement sociale.

Ainsi avons-nous amélioré des droits existants et créé des droits nouveaux.

Un autre volet important de notre action a concerné la lutte contre la vie chère qui, dans un passé récent, vous l’avez tous dit, avait mobilisé très fortement les Mahorais comme les habitants des autres départements. La loi de régulation économique s’applique à Mayotte, où les écarts de prix avec l’Hexagone, notamment pour les produits de consommation courante, sont très élevés.

Le bouclier qualité prix, qui est un chariot type, est le premier dispositif actuellement mis en œuvre en application de la loi. Ce dispositif institue la négociation annuelle sur le prix global d’un panier de produits de grande consommation avec les organisations du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, qu’ils soient producteurs, grossistes ou importateurs.

Cette négociation est en cours. Cinq réunions ont déjà eu lieu entre le 23 janvier et le 15 février. À l’heure actuelle, une liste de 65 produits a été établie et devrait être appliquée aux commerces dont la surface excède 120 mètres carrés, soit 31 établissements.

Les négociations sont entrées dans leur seconde phase depuis le 15 février, durant laquelle sera établi le prix global de la liste sur lequel sera ensuite appliquée la modération. Pour ce premier exercice, un effort global d’au moins 10 % est attendu.

L’arrêté préfectoral publiant la liste, son prix global, ainsi que les établissements concernés par le dispositif, entrera en vigueur le 1er mars 2013, conformément aux dispositions du décret.

Mais, dès avant la mise en œuvre de ce décret, je tiens à le rappeler, nous avions obtenu en 2012 une baisse très importante du prix de la bouteille de gaz que nous avons fait passer, après négociation avec les fournisseurs, de 35 euros à 26 euros, aujourd’hui 27 euros, pour tenir compte de l’augmentation des intrants.

C’est, à mon sens, une illustration du volontarisme dont le Gouvernement a voulu faire preuve à Mayotte.

Bien sûr, je ne veux pas me livrer ici à un exercice d’autosatisfaction. Il y a encore beaucoup à faire sur ce qui est l’une des problématiques majeures, la maîtrise des flux migratoires. Je veux dire très clairement que le Gouvernement a pris toute la mesure de ce dossier très complexe.

La maîtrise de l’immigration est un enjeu pour le développement économique mais aussi pour la préservation de l’ordre public, des équilibres sociaux et de la cohésion sociale à Mayotte. Les chiffres sont connus mais il faut les rappeler : 40 % de la population résidant à Mayotte légalement est étrangère, avec une majorité de Comoriens installés depuis plusieurs générations. La population étrangère en situation irrégulière est estimée entre 50 000 personnes et 60 000 personnes. Pour l’année 2011, 21 762 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits dans leur pays d’origine, contre, je le rappelle, une moyenne de 16 000 reconduites par an entre 2006 et 2008.

Comme le souligne le rapport, l’État consacre à la maîtrise des flux migratoires des moyens très importants : quatre radars fixes, qui couvrent 100 % du territoire mais dont l’efficacité est tributaire des conditions météo ; deux vedettes de la gendarmerie nationale, une de la gendarmerie maritime, une de la marine nationale et une des douanes ; une embarcation de la PAF, opérationnelle depuis la fin 2012 ; un hélicoptère de la gendarmerie nationale, qui complète efficacement le dispositif ; enfin, un groupe d’intervention régional, ou GIR, rattaché à la gendarmerie, dont la mission est de lutter contre les filières d’immigration clandestine.

Malgré des améliorations notables, les conditions de rétention sont toujours difficiles. Je veux tout de même vous dire que le centre de rétention a été reconfiguré depuis le passage de la mission sénatoriale. De nouveaux travaux sont programmés d’ici à la fin de cette année pour créer un espace pour les familles, soit trois salles conformes aux normes et confortables, une cour de promenade ainsi que des sanitaires autonomes pour chaque pièce de vie.

Le Gouvernement, conscient de la difficulté de cette situation, a relancé la construction du nouveau centre de rétention administrative qui avait été annoncé en 2010. Les travaux commenceront dans quelques semaines, l’ancien préfet de Mayotte, qui vient de quitter son poste pour occuper un poste au ministère des outre-mer, pourrait en témoigner. Cette construction représente pour l’État un investissement de 25 millions d’euros.

Le Gouvernement a missionné le 31 juillet dernier le conseiller d’État Alain Christnacht qui, au terme d’un travail remarquable, a dressé un état de la situation de l’immigration irrégulière à Mayotte et formulé des propositions.

Ses recommandations couvrent plusieurs champs : le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière ; la relance d’une coopération active avec l’Union des Comores ; le maintien de l’effort en matière sanitaire et sociale pour que les Mahorais puissent disposer de services publics à la hauteur de leurs attentes.

Je sais que beaucoup de ces propositions rejoignent des préoccupations qui ont été exprimées dans le rapport de la mission sénatoriale.

Le Gouvernement, et en particulier les ministères de l’intérieur et de la justice, est en tout cas très fortement mobilisé pour traiter cette problématique avec fermeté mais aussi avec humanité.

Pour ce qui est de nos relations avec les Comores, il me paraît important de tirer profit du contexte actuel, a priori favorable, en tout cas jusqu’à la fin de la présente année.

Le groupe de travail de haut niveau a été réactivé et le dialogue est renoué. Une prochaine séance de négociation va s’ouvrir à la mi-mars, avant une visite d’État du président des Comores annoncée pour le mois de mai. Il conviendrait qu’un texte commun puisse être élaboré d’ici là.

J’ai moi-même pu, en compagnie du Président de la République et de Laurent Fabius, à Kinshasa, avoir une discussion approfondie avec le président Ikililou Dhoinine. Et mercredi dernier, toujours avec le ministre des affaires étrangères, nous avons discuté d’une reprise approfondie des discussions, en particulier au sujet d’une coopération plus active avec l’Union des Comores, et en particulier avec l’île d’Anjouan.

Je crois beaucoup à cette voie du dialogue avec les Comores pour trouver des solutions durables et soutenables afin de traiter cette question des flux migratoires.

Le codéveloppement ne doit plus être un simple mot, il doit trouver des prolongements concrets, sans lesquels notre lutte contre l’immigration clandestine ressemblera à celle de Sisyphe, poussant son rocher.

Même si la question n’est pas tranchée – les arbitrages ministériels n’ont pas encore été rendus –, j’envisage, si c’est possible, de procéder à un redéploiement des 50 millions à 70 millions d’euros consacrés aux mesures de reconduite à la frontière de manière à renforcer la coopération avec l’Union des Comores et en particulier avec Anjouan. Le ministère des affaires étrangères étudie cette possibilité, et j’espère que la décision sera prise avant la visite du président Ikililou Dhoinine.

Le codéveloppement est donc une nécessité non seulement en matière sanitaire, mais également en matière économique, ainsi qu’en matière policière et judiciaire ; bref, sur tous les plans.

Je veux dire à M. le président de la commission des lois que le Gouvernement a été très heureux de recevoir le rapport d’information, ce dont je le remercie, ainsi que les deux corapporteurs. Les solutions pertinentes qu’il contient, et dont nous nous inspirons véritablement, vont nous faire avancer considérablement.

Je partage avec vous l’impérieuse nécessité de prendre en charge la jeunesse, tant en matière scolaire – vous le savez, l’effort de l’État est important – que pour la prise en charge des mineurs.

Concernant l’immigration, le Gouvernement a conscience de l’urgence de conduire une politique ferme et équilibrée. Vous avez rappelé des chiffres qui frappent les consciences. Oui, la pression migratoire est très forte, le taux de récidive est de 40 %. C’est, on le sait, insoutenable.

Je le répète, je suis, comme vous, très favorable à une relance de la coopération avec les Comores. J’en suis convaincu, nous ne pourrons pas avancer sans elles. Je suis persuadé qu’il existe des marges concrètes pour développer des coopérations avec ce pays.

Ce travail est en cours sous l’égide du ministère des affaires étrangères, et nous avons bon espoir, je l’ai dit, d’aboutir d’ici au mois de mai prochain.

D’ailleurs, cette proposition émane de votre rapport d’information. Je le répète, il faudra peut-être redéployer, si c’est possible, les crédits importants consacrés aux mesures de reconduite à la frontière.

Je le dis à M. Cointat, qui, lui aussi, a dû quitter l’hémicycle, oui, l’ancrage de Mayotte dans la République a impliqué de profonds changements. La solidarité s’exprime pleinement à Mayotte, même s’il reste encore beaucoup à faire.

L’immigration clandestine constitue évidemment un frein au développement de ce territoire. Ainsi, le renforcement des moyens de lutte est une nécessité. Le débat sur le visa Balladur a été, je le sais, vif. Pour ma part, je crois qu’il faut maintenir un visa, tout en avançant sur les possibilités d’assouplir les conditions de délivrance, en faisant preuve d’une plus grande rigueur en termes de conditions de ressources ou de visas de long ou de très long séjour pour certaines catégories de population.

Monsieur Desplan, je partage le constat que vous avez dressé. Ce constat, sévère, mais avéré, nous oblige tous. Vous avez évoqué trois sujets essentiels.

Pour ce qui concerne les constructions scolaires, on l’a dit et répété, cette question est un enjeu majeur pour l’avenir de ce territoire. Je le répète, l’effort de l’État est considérable. La dotation spéciale de construction et d’équipements pour les établissements scolaires a été doublée et s’établit désormais à 10 millions d’euros par an pour les établissements du premier degré.

Des dotations du Fonds exceptionnel d’investissement de 5 millions d’euros en 2009 et de 3, 5 millions d’euros en 2012 dans le cadre du plan de relance de l’économie ont été mises en place pour la réhabilitation et la mise aux normes des constructions scolaires du premier degré. Sur les dernières années, 45 classes ont été livrées en 2010, 34 en 2011 et 28 en 2012.

Ce rythme n’est pas satisfaisant et ne permet pas de réduire les rotations des classes, qui concernent 30 % des élèves. J’ai donc demandé qu’une mission d’inspection puisse se rendre prochainement sur place pour évaluer les besoins et proposer les recommandations qui s’imposent pour relever le défi des constructions scolaires, selon une programmation. À partir de ce diagnostic, nous réévaluerons les besoins budgétaires nécessaires pour l’après–2013.

C’est vrai, Mayotte est particulièrement en retard pour ce qui concerne les conditions de scolarisation des enfants en école maternelle et primaire : alors que 100 % des enfants sont scolarisés dès l’âge de trois ans au niveau national, 67 % d’entre eux le sont à Mayotte. Ce taux augmente régulièrement ; il était de 35 % en 2002. Le vice-rectorat a inscrit dans son projet académique l’objectif d’atteindre un taux de scolarisation de plus de 95 % des enfants de trois ans à l’horizon 2015, c'est-à-dire très prochainement.

En outre, à compter de la rentrée 2014, l’accueil des enfants de deux ans sera rendu possible.

L’accueil des mineurs isolés constitue également une préoccupation majeure, et je m’en suis entretenu récemment avec le Défenseur des droits, M. Dominique Baudis. J’attends les conclusions du rapport sur la situation des mineurs qu’il est en train de rédiger. Aussi, je ne puis répondre dans le détail à la question qui m’a été posée par M. Mohamed Soilihi. Quoi qu’il en soit, je suis déterminé à prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que la protection effective de ces mineurs soit assurée.

Là aussi, cette question n’est pas encore tranchée, et vous le comprendrez. Elle a déjà été évoquée avec d’autres ministres et je m’en suis personnellement entretenu avec le Défenseur des droits. Face au déficit et à l’inertie – je choisis mes mots –, peut-être faut-il que l’État s’implique davantage dans l’aide sociale à l’enfance, pour s’occuper non pas simplement des mineurs étrangers isolés, mais de l’enfance et de la petite enfance à Mayotte en vue de trouver des solutions. Cela aurait un coût. Aussi, aucune décision n’a été prise pour l’instant, et j’attends avec quelque impatience le rapport de Mme le préfet chargée de cette mission.

Monsieur Desplan, vous avez également abordé la question de la transition fiscale.

Là encore, le sujet est d’importance. Le travail interministériel a commencé. Les bases du cadastre sont en cours de constitution, et vous avez tous évoqué les inquiétudes qui se sont exprimées à ce propos. Sur 60 000 parcelles connues, 40 000 font déjà l’objet d’un enregistrement au cadastre ; il reste à en traiter 20 000.

Les hypothèses mises sur la table permettent d’anticiper, à ce stade, une hausse des recettes des communes, mais une baisse de celles du conseil général, qu’il faudra compenser. Un travail d’évaluation a été mené, et j’ai bien entendu les inquiétudes quant à l’incapacité des collectivités à faire face aux nouvelles compétences qui leur seront dévolues. Tout au contraire, avec la fiscalité de droit commun, celles-ci seront, selon moi, mieux à même d’y faire face.

M. Mohamed Soilihi s’est demandé comment les habitants de Mayotte pourront faire face à leurs obligations fiscales, eu égard au fait que le revenu mensuel moyen est de 1 000 euros par habitant.

Sans vouloir charger la barque de l’État, lorsque les rôles sont émis et que les conseils municipaux ont délibéré, l’État est chargé du recouvrement et en cas d’exonération ou de non-assujettissement, l’État compense. Pardonnez-moi de le dire ainsi, vous ne devriez donc pas souffrir de manque.

En juin 2012, lors de la campagne fiscale de l’impôt sur le revenu, les habitants de Mayotte ont eu l’occasion de déclarer et de décrire leurs biens, les logements et les terrains qu’ils occupent.

Ainsi, la date du 1er janvier 2014, que le juge constitutionnel n’a pas censurée, soulignant qu’elle ne devait pas être reportée lors de l’adoption de la loi de décembre 2010, sera respectée.

Par ailleurs, j’ai demandé au nouveau préfet de Mayotte – cela avait déjà été demandé à Thomas Degos – de créer un comité local de préparation à la réforme fiscale et douanière rassemblant les élus – les parlementaires, le président du conseil général, le président de l’Association des maires – ainsi que les services de l’État. Cette instance, qui a été installée en janvier dernier, se réunit tous les mois afin de rendre effectives l’information et la transparence, en vue de respecter la date du 1er janvier 2014 pour ce qui concerne l’application du code général des impôts.

Monsieur Bockel, vous avez fait une très belle analyse des enjeux de la société mahoraise. J’ai dit moi-même qu’il s’agissait d’un défi pour la République. Pour sa part, M. Cointat a parlé de révolution culturelle, évoquant les efforts consentis par la population de Mayotte pour s’insérer, s’intégrer et vivre les valeurs de la République.

Oui, l’alignement sur le droit commun est en cours. Vous avez rappelé le travail réglementaire et législatif considérable qui est en train de se faire ; c’est un travail de titan.

Je l’admets, les obstacles sont nombreux. Vous les avez d’ailleurs énumérés. Pour ma part, j’ai rappelé en introduction un certain nombre de décisions que le Gouvernement a prises. Nous ne sous-évaluons pas ces freins. Notre feuille de route les prend en compte.

Oui, Mayotte deviendra une région ultrapériphérique le 1er janvier prochain. Ce statut de RUP sera un levier pour cofinancer les infrastructures de base qui manquent cruellement à ce territoire. Notre politique doit permettre d’utiliser les fonds européens comme levier du développement.

Concernant la vie chère, les négociations sur le bouclier qualité prix sont en cours, et j’ai bon espoir de parvenir à une baisse de l’ordre de 10 % au moins des prix des produits de grande consommation.

Vous avez tous évoqué la question migratoire, qui préoccupe chacun d’entre nous.

Le dispositif actuel est assurément perfectible. Nous sommes à l’écoute des avis et des recommandations qui ont été formulées. D’ailleurs, nous avons fait nôtres les propositions du rapport de M. Christnacht.

Monsieur Collin, l’attractivité de Mayotte est, il est vrai, évidente par rapport à son environnement régional. C’est tout l’objet de la politique de coopération, qui vise en quelque sorte, allais-je dire, à accroître l’attractivité des Comores, notamment d’Anjouan, afin d’éviter le différentiel d’attractivité, qui est à l’origine de la pression migratoire et qui se traduit par de très importants flux d’immigrés.

Je vous assure de notre détermination à mettre en œuvre une politique qui soit à la hauteur des enjeux de ces territoires. L’effort de l’État reste considérable, par exemple en matière de construction scolaire, un domaine où l’effort sera peut-être encore renforcé.

La départementalisation de Mayotte ouvre un champ des possibles. Mayotte reste un département jeune. Il faut lui laisser le temps nécessaire pour s’aligner sur le droit commun. Nous en sommes bien conscients, Mayotte n’est pas prête à attendre soixante-cinq ans pour l’égalité sociale, comme ce fut le cas pour les autres départements, qui ont dû subir cette longue phase pour parvenir à une égalité presque totale.

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