Intervention de Gérard Bailly

Réunion du 19 février 2013 à 14h30
Débat sur les nouveaux défis du monde rural

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Car la France demeure un espace essentiellement rural, maillé par près de 30 000 « communes rurales » au sens de l’INSEE, représentant 78 % du territoire métropolitain et 22 % de la population.

Par-delà la diversité des campagnes françaises et des configurations locales, les multiples dynamiques en œuvre dans les aires rurales ont fini par inverser les flux de population. Après plus d’un siècle d’exode rural, le solde migratoire dans les campagnes est devenu positif à la fin des années soixante-dix. C’est là, sans doute, un motif de satisfaction pour qui redoutait, il y a quelques décennies encore, une tendance irrésistible à la désertification d’une portion majeure de notre territoire.

Mais aujourd’hui la crise et son cortège de fermetures d’entreprises – des PME, des PMI, des exploitations agricoles... – posent la question cruciale de la résilience des économies rurales. Sur le terrain, interrogations et difficultés tendent à se multiplier, avec l’apparition de nouvelles fractures sociales et générationnelles, même si, vous le savez tous, les réalités sont toujours très contrastées d’un territoire à l’autre.

Le contexte général apparaît plus mouvant et incertain que jamais. À y regarder de près, les opportunités sont bien plus rares que les menaces au nombre desquelles je citerai notamment l’ajustement, voire la diminution, accéléré des finances publiques, l’étiolement du premier pilier de la PAC, le renforcement des contraintes énergétiques, la périurbanisation rampante, les besoins croissants de mobilité, les exigences environnementales accrues, l’éloignement des pôles de décision.

Devant pareil inventaire, il convient de ne pas céder au découragement, ni davantage à une quelconque rêverie d’inspiration technicienne. Il faut, avec lucidité, identifier les leviers structurels qui conditionneront l’essor économique, social et culturel des campagnes. Que faire pour leur donner les moyens de s’inscrire, au cours des trois prochaines décennies, dans un scénario, que vous souhaitez tous, me semble-t-il, de développement optimal ?

La capacité de projection, l’imagination et la créativité des acteurs territoriaux, dont nous sommes témoins, seront fondamentales pour saisir de nouvelles opportunités et identifier de nouveaux leviers de développement pour les territoires ruraux.

Comprenons bien, chers collègues, que les campagnes, dans leur diversité, sont non pas une charge, mais une chance pour la France !

Voyez ces vastes espaces, cette nature fragile mais généreuse, la variété de ces paysages et de ces cultures ! Voyez encore ces hommes bien décidés à innover et à se battre pour faire vivre leurs territoires en y exerçant les activités les plus variées, traditionnelles ou d’avant-garde !

Notre potentiel de croissance est en gestation dans le creuset de nos campagnes. Protégeons ce laboratoire où s’invente la modernité de demain ! Mais ces territoires ne peuvent plus être pensés indépendamment des villes avec lesquelles ils entretiennent un rapport de complémentarité et de dépendance réciproque.

J’évoquerai, en quelques mots, l’état des lieux.

En 2010, les surfaces agricoles, cultivées ou en herbe, représentent 51, 4 % de l’espace métropolitain. Les espaces naturels – sols boisés, landes, sols nus, zones humides et sous les eaux – en représentent 39, 6 % et les sols artificialisés – sols bâtis, sols revêtus ou stabilisés, les autres sols artificialisés – 8, 9 %.

Quelles sont les évolutions récentes ?

L’artificialisation des sols s’est accélérée entre 2003 et 2009, affectant, en sept ans, l’équivalent d’un département français moyen – 6 100 kilomètres carrés –, contre la même surface en dix ans entre 1992 et 2003.

Sur une période de cinq ans, de 2006 à 2010, la surface des sols artificialisés a progressé de 6, 8 % au détriment des terres agricoles, dont il est avéré que plus d’un tiers étaient de très bonne qualité agronomique. Bien sûr, cette artificialisation a principalement eu lieu à l’approche des zones urbaines.

La forêt a gagné de l’espace, non seulement sur les landes et les friches, mais encore, de façon marginale, sur les terres agricoles, avec une progression notable en montagne et dans les zones rurales profondes, où elle a parfois entraîné une « fermeture » du paysage.

Comme vous le savez, chers collègues, nous trouvons plusieurs diversités dans nos territoires ruraux : d’abord, les campagnes très agricoles dont les productivités sont bonnes, où les agriculteurs et les professions qui les entourent sont au-delà de 10 % de la population ; ensuite, les campagnes cadre de vie, plutôt résidentielles, où sont venus habiter les citadins, que l’on trouve plus particulièrement dans les zones de trente kilomètres autour des grandes agglomérations ; en outre, les campagnes mixtes caractérisées par les activités agricoles, industrielles et résidentielles, qui sont estimées à 10 500 communes avec 5, 5 millions d’habitants sur 140 000 kilomètres carrés ; enfin, malheureusement, les campagnes vieillies et à faible densité, qui représentent 5, 2 millions d’habitants sur 12 800 communes et 227 000 kilomètres carrés dans un environnement fortement rural, souvent difficile d’accès, sur lequel les grandes métropoles n’exercent que peu d’influence.

Le monde rural a des défis à relever. Il doit croire en ses chances ! C’est déjà ce que nous avons pu constater ces dernières décennies. Mais encore faut-il que ses projets, son dynamisme, ses ambitions soient accompagnés par l’État, …

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