Intervention de Christian Bourquin

Réunion du 19 février 2013 à 14h30
Débat sur les nouveaux défis du monde rural

Photo de Christian BourquinChristian Bourquin :

… mes chers collègues, quels nouveaux défis pour le monde rural ? Voilà un débat qui tombe à point nommé, dans la foulée de la publication du rapport d’information, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, qui interroge l’avenir de nos campagnes, mais aussi à la veille de l’ouverture du nouveau volet 2014–2020 de la politique de cohésion européenne.

Sur ce point, je crois qu’il serait utile de s’interroger sur l’utilisation, à l’échelon national, des investissements territoriaux intégrés. Ces derniers sont encore, pour l’essentiel, concentrés vers les villes et profitent, le cas échéant, par ricochet, à leurs alentours, ce qu’on appelle leur hinterland.

Rien pourtant ne nous empêche de recourir à cet instrument, destiné à promouvoir une approche locale de développement, pour appuyer des projets communaux ou régionaux en faveur de la ruralité. D’ailleurs, tout laisse accroire – j’en reparlerai tout à l’heure – que les habitants des villes sont loin de se désintéresser des possibilités de vie offertes loin de leurs murs, à la condition que les riantes campagnes dans lesquelles ils aimeraient désormais pouvoir s’installer soient aménagées.

Tel est, monsieur le ministre de la ruralité, le changement de paradigme que j’appelle de mes vœux. Car il est bien là, ce nouveau cadre général dans lequel on gagnerait à resituer les nouveaux enjeux d’aménagement du territoire : créer une véritable solidarité républicaine entre le monde urbain et le monde rural. Une solidarité qui serait conçue non pas comme une démarche de sauvetage d’un monde rural considéré, depuis la capitale, comme un lieu trop particulier car pas assez peuplé, mais comme une démarche visant à organiser des échanges fructueux entre nos villes et nos campagnes, à déployer de véritables projets structurants pourvoyeurs d’avenir, qui pourraient relever de l’initiative même des territoires ruraux.

Le monde rural, cela a été rappelé au cours de ce débat, représente 80 % du territoire et 20 % de la population. Cela étant posé, je pense que nous sommes tous d’accord – c’est en effet le cœur de la proposition de résolution relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires, déposée par mon groupe et votée à l’unanimité par le Sénat – pour dire, mes chers collègues, que l’angle démographique et comptable ne doit pas structurer à lui seul une politique publique digne de ce nom pour le monde rural. Je renvoie notamment au binôme…

En outre, cette réalité territoriale rurale n’est pas homogène. Il faut distinguer ce qui relève de la ruralité – il est sur ce point très significatif d’observer que l’INSEE la caractérise par défaut, puisque l’institut considère qu’elle englobe tout ce qui n’est pas une unité urbaine ; c’est tout de même un peu fort ! – de ce qui relève de l’hyper-ruralité, laquelle se caractérise par un éloignement généralisé des services publics, de la culture, des cabinets médicaux, des universités, des pharmacies, et même des commerces de bouche tels qu’épiceries ou boulangeries.

Enfin, les territoires ruraux ne constituent pas des zones figées dans le temps. Là aussi, la donne change. Ainsi, depuis une quinzaine d’années, on constate que de nouvelles populations s’y installent. Elles sont en quête d’un mode de vie plus harmonieux, plus proche de la nature, tout en exprimant le souhait de ne pas renoncer à ce que trop longtemps les pouvoirs publics ont procuré en priorité aux urbains.

Certains font ainsi le choix d’y passer leur temps libre, d’autres d’y acquérir une résidence secondaire ; d’autres encore aimeraient s’y installer à la condition de pouvoir y trouver de nouveaux équipements, un accès aux services publics, une connexion permanente avec l’extérieur, la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies de communication...

Je souhaiterais écarter d’emblée la question de l’accessibilité à ces nouvelles technologies. Non pas que l’enjeu soit ténu. Au contraire, il est l’une des conditions sine qua non de la réussite des territoires ruraux, notamment en termes d’accès au service public. Toutefois, selon moi, il n’entre pas dans le sujet du débat qui nous occupe. En effet, en matière d’accès au haut débit, les décisions ont déjà été prises : il s’agit de rattraper le retard pris dans leur mise en œuvre et non de travestir un ancien dossier pour le présenter comme un nouveau projet !

S’agissant des nouveaux défis à relever pour les territoires ruraux, deux axes de réflexion se dégagent : le premier concerne la gouvernance, le second la mise en valeur du potentiel de nos territoires.

La pertinence du choix de gouvernance pour le monde rural constitue en elle-même un enjeu important. La ruralité s’appuie encore aujourd’hui sur un découpage très traditionnel de la représentation démocratique : les communes et les cantons. Or, dans bien des cas, on constate que la commune n’est plus en capacité de répondre seule aux besoins d’aménagement. Elle n’en demeure pas moins le lieu de vie par excellence, l’espace incontournable de la proximité sociale, de l’expression républicaine et des échanges.

Toutefois, c’est bien souvent à la communauté de communes de prendre le relais en matière d’investissements et de gestion, par exemple pour acquérir et faire fonctionner des équipements lourds et coûteux, ce qui nécessite la mobilisation de capacités financières mutualisées.

De manière générale, la réflexion sur le développement gagnerait à être appréhendée au moyen d’échelles plus pertinentes, suivant la logique des bassins de vie. Tel fut le principe, par exemple, qui présida à la création des parcs naturels régionaux. Je constate d’ailleurs que ces derniers tendent à être désormais perçus par certains observateurs comme des outils de protection au sens strict. Il s’agit d’une bien étrange vision, étriquée, appauvrie, réductrice... Voilà qui est bien dommage !

En ce qui concerne les bassins de vie, nous pourrions également, avec profit, veiller à leur intégration dans un ensemble plus large, irrigué par les réseaux de transports, les flux et les échanges économiques avec les agglomérations et accueillant des espaces de loisirs... Telle est la vision développée dans la révision du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, le SRADDT, que j’ai conduite dans ma région, en Languedoc Roussillon, …

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