Intervention de Benoît Huré

Réunion du 19 février 2013 à 14h30
Débat sur les nouveaux défis du monde rural

Photo de Benoît HuréBenoît Huré :

Les collectivités doivent également participer aux investissements dans l’immobilier, non seulement dans l’immobilier d’entreprise – artisanal, commercial et de services –, mais aussi dans l’immobilier locatif car nous assistons à une augmentation du nombre de foyers rencontrant les plus grandes difficultés afin de pouvoir emprunter pour devenir propriétaires de leur logement.

Les collectivités doivent de surcroît participer aux investissements dans les domaines de la santé, de la petite enfance et des pôles scolaires modernes, avec la généralisation des écoles numériques durables.

Elles doivent faciliter l’émergence d’un tissu associatif rendant le territoire vivant et permettant d’y trouver les mêmes activités sportives et culturelles qu’en ville, construire un réseau de transports collectifs, dont fait partie le covoiturage, afin de réduire le coût du transport dans le budget des ménages ruraux.

Cette énumération n’est pas exhaustive, mes chers collègues.

Loin de favoriser les villages dortoirs, le nouvel espace rural doit être attractif et actif, comme l’avait si bien démontré notre ancien collègue Jean François-Poncet.

Revivifié, cet espace rural pourra amplifier et conforter son développement à travers l’agriculture, pierre angulaire du monde rural, l’artisanat, le commerce, les services, le tourisme, le télétravail, bref, toutes les formes d’économies résidentielles, ainsi que l’économie sociale et solidaire, à laquelle il offre les plus sûrs moyens d’un ancrage durable.

Pour arriver à ce renouveau de la ruralité, ses différents acteurs – élus mais aussi responsables socio-économiques – doivent faire preuve d’une grande ténacité parce que régulièrement les décideurs parisiens n’ont de cesse de tenter de réduire le peu de moyens publics nécessaires. Ils ont d’ailleurs parfois réussi.

Si, au cours de ces trente dernières années, a pu être enrayé le déclin du monde rural, aujourd’hui, pour relever les nouveaux défis de la ruralité, dont j’ai donné quelques exemples précédemment, nous avons plus que jamais besoin du soutien de l’État et des financements publics qui vont avec ; nous avons aussi besoin que celui-ci soit le garant d’une péréquation entre métropoles et territoires très riches et le reste de la France. L’écart de richesses entre territoires s’est fortement accentué et devient inacceptable, voire indécent. Il va à l’encontre de l’égalité des citoyens et compromet autant leur confiance dans les élus que la crédibilité de nos institutions et l’unité même de notre République.

Trois décisions gouvernementales récentes me préoccupent au plus au point.

Tout d’abord, le choix de l’organisation du territoire français autour de très grandes métropoles, concentrant, à terme, l’essentiel des moyens publics.

Ensuite, la baisse importante, et même inquiétante, des dotations de l’État aux collectivités locales, qui est une première sous la Ve République. Elle a pour conséquence d’affaiblir encore plus les territoires fragiles, qu’ils soient ruraux ou urbains d’ailleurs, parce que l’essentiel de leurs moyens consacrés au fonctionnement et à l’investissement provient des dotations de l’État, alors que dans les métropoles et territoires riches, c’est la fiscalité économique qui est primordiale.

Enfin, la réforme des conseils généraux aboutira à une diminution très importante du nombre d’élus dans les territoires ruraux et fragiles, et donc de leurs défenseurs qui sont les mieux à même de porter les aspirations et les attentes de la population. Par ailleurs, la reconcentration de l’État en région au détriment de sa proximité dans les départements, outre le coût supplémentaire et la lourdeur du fonctionnement qui en résulteront pour tous les acteurs de proximité, rendra incontestablement l’État plus lointain, au risque de le mettre en décalage avec toute cette réalité territoriale qui est une richesse pour notre pays et qui le sera peut-être encore plus demain, au regard, notamment, des enjeux énergétiques et des outils de croissance qu’il faudra valoriser.

Même si j’ai l’habitude de dire que le pire n’est pas certain, ce qui est sûr aujourd'hui, c’est qu’il va falloir se mobiliser pour faire prendre en compte les légitimes aspirations du monde rural et la nécessité pour l’État de le traiter avec équité.

Mes chers collègues, ne voyez dans mes propos aucun esprit polémique. Je n’ai pas attendu le printemps 2012 pour découvrir l’état calamiteux des finances publiques et je sais depuis longtemps que nous devrons participer à la résorption des déficits à condition que l’effort nécessaire soit équitablement réparti.

Alors, monsieur le ministre, quelle est votre vision de l’avenir pour le monde rural ? Quels moyens êtes-vous prêt à mettre avec les acteurs locaux pour y relever rapidement tous les nouveaux défis ?

Selon moi, mettre fin à un certain nombre d’inégalités serait déjà un début de réponse.

Pourquoi pas une DGF, ramenée à l’habitant, égale en rural et en urbain, alors qu’aujourd’hui elle va du simple au double ? Il en va de même pour la DSR par habitant au regard de la DSU par habitant.

Pourquoi ne pas renforcer et accélérer la péréquation horizontale, c’est-à-dire un début de partage de la richesse entre territoires riches et territoires pauvres, celle-là même que la majorité précédente a commencé à mettre en place et qui ne représente pourtant à ce jour que 2 % des richesses ? Or l’enveloppe déjà insuffisante a été récemment amputée d’une partie des sommes pour qu’à la faveur d’une modification réglementaire dans la dernière loi de finances des territoires comme la Seine-Saint-Denis ou les Bouches-du-Rhône puissent en bénéficier...

Monsieur le ministre, vouloir réduire significativement les écarts de richesses entre les grandes métropoles et le reste de la France, c’est rétablir une égalité entre les territoires et faire un investissement d’avenir pour la France. §

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