Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde rural est un espace en constante évolution et en éternelle recomposition. Comme le monde urbain, il réagit aux évolutions technologiques et sociétales, parfois rapides, mais agit aussi sur elles.
Selon l’INSEE, les trois quarts des communes, soit 95 % de la population, vivent dans l’aire d’influence des villes.
Depuis le début des années 2000, nous assistons à une inversion de la tendance démographique de l’après-guerre. L’exode rural se transforme en exode urbain : 75 % des cantons ruraux voient leur population progresser. Les Français aiment leur espace rural et 10 millions de citadins nourriraient le projet ou le désir de vivre en milieu rural.
La formule de Jean-François Gravier, « Paris et le désert français », n’est plus de mise. Une dynamique des territoires s’est mise en place depuis les années soixante et s’est accentuée avec les politiques de décentralisation des années quatre-vingt. Les inégalités régionales se sont considérablement réduites, même si les inégalités infrarégionales et infradépartementales restent importantes.
Élu du treizième département le plus rural de France, je mesure chaque jour les difficultés qui ont provoqué le malaise des territoires. Oui, chaque jour, je mesure les défis que nous avons à relever pour combattre les fractures, accentuées par les politiques publiques du précédent gouvernement et par les évolutions sociétales et technologiques.
Comme beaucoup d’autres, mon département a souffert de la stigmatisation des territoires et du désengagement de l’État, lequel s’est traduit par la fermeture de nombreux services publics ces dix dernières années.
La révision générale des politiques publiques, réalisée dans une logique purement comptable, a constitué un non-sens en matière d’aménagement de l’espace national et s’est traduite par un malaise profond des populations au sein des territoires.
Monsieur le ministre, les défis sont nombreux pour le nouveau gouvernement, dans un contexte économique et financier exceptionnellement dur dont nous savons qu’il va peser sur les politiques publiques et les rendre plus difficiles.
Cependant, nous sommes confiants, parce que la nouvelle approche du Gouvernement a pour matrice la reconnaissance du rôle majeur que jouent les collectivités locales dans les dynamiques économiques, sociales et territoriales. Cette nouvelle confiance dans l’intelligence des territoires nous permettra de mieux faire face, ensemble, aux nouveaux défis du monde rural.
Au-delà des enjeux majeurs concernant l’agriculture, l’économie rurale, les services publics, la péréquation et les capacités financières des collectivités qui animent les territoires ruraux, je souhaite revenir à mon tour sur deux thèmes qui constituent des défis particulièrement sensibles et urgents pour les territoires ruraux : la démographie médicale et le très haut débit.
La question de la démographie médicale a déjà été évoquée par Jean-Luc Fichet, dont je fais miennes les analyses. Je veux simplement rappeler ici que l’urgence est avérée et que, si nous ne prenons pas rapidement les mesures adaptées, la situation pourra devenir irréversible dans certains territoires ruraux ou même périurbains.
En Lot-et-Garonne, la démographie médicale est telle que, avec les départs en retraite prévus pour ces cinq prochaines années, un tiers du territoire pourrait se retrouver sans médecin si la tendance au non-remplacement n’était pas inversée. C’est pour cette raison que le département, en partenariat avec les services de l’État, les professionnels de santé et l’ensemble des acteurs intéressés, a mis en place une commission départementale de la démographie médicale. Celle-ci a établi un cadre pour l’accueil et l’exercice des professionnels de santé, autour de quinze aires de santé qui concernent tout le département.
Dans ces aires, les professionnels sont regroupés en réseau et bénéficient de maisons de santé multisites. Ils doivent établir un projet de santé qui définit et organise les moyens d’accéder aux soins dans chacune des aires de santé.
Le très haut débit constitue également un enjeu majeur pour l’avenir de nos territoires : un enjeu en termes d’attractivité, de compétitivité économique, sociétale et territoriale ; un enjeu à la mesure de ce que fut la généralisation de l’adduction de l’eau et de l’électrification par le passé.
Le Président de la République a très clairement indiqué sa volonté de faire du très haut débit une priorité pour notre pays – c’était le quatrième engagement de son programme électoral.
La mission « Très haut débit », installée par Fleur Pellerin, a récemment présenté son projet de feuille de route pour une « stratégie nationale de déploiement du très haut débit ». Elle ouvre des perspectives intéressantes pour le déploiement de cette technologie, avec la mise en perspective de l’extinction progressive de la boucle cuivre et le rôle prépondérant donné aux collectivités territoriales dans l’élaboration et la mise en œuvre des déploiements sur l’intégralité de notre territoire, y compris dans les zones denses. L’architecture assurant une complémentarité entre le département, pour le déploiement, et la région, pour la commercialisation, me paraît aussi novatrice et efficace.
Les territoires ruraux sont en attente de mesures fortes concernant le déploiement de ces réseaux, ainsi que des financements qui permettront aux collectivités territoriales d’agir, mais des incertitudes pèsent encore en la matière. À cet égard, j’appelle de mes vœux un abondement pérenne du Fonds d’aménagement numérique du territoire, un fonds national.
Le monde rural n’est pas replié sur lui-même. Il est capable de faire face à ces nouveaux défis et de construire un avenir meilleur, pour peu que l’État donne l’impulsion et s’engage aux côtés des collectivités territoriales.