Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, c’est en tant que coprésident, avec Jean-Pierre Chevènement, du groupe de travail « Sahel » de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mis en place en novembre, que je m’exprime aujourd’hui.
Je redis mon soutien à l’opération en cours au Mali. Mais cette attitude de responsabilité républicaine n’empêche pas le questionnement, qui est, lui, une nécessité démocratique. Je formulerai donc quatre interrogations.
Première question : la guerre contre le terrorisme au Mali est-elle gagnée ? Évidemment non. Il ne faut pas nous laisser leurrer par les victoires d’une guerre de mouvement dont nous avons su imprimer le tempo, de ville en ville, vers l’objectif final du Nord. Soyons lucides sur le caractère asymétrique des forces en présence et le degré d’engagement qui demeure nécessaire.
Le Président de la République vient de nous apprendre qu’un « accrochage sérieux » avait eu lieu dans l’Adrar des Ifoghas, causant la mort de plusieurs terroristes mais aussi d’un soldat du 2e régiment étranger de parachutistes.
Je vois plusieurs risques : le risque de harcèlement terroriste - attaques kamikazes, enlèvements, engins explosifs improvisés, attentats contre les civils ; le risque d’exactions, qui auraient pour effet de « retourner » des communautés entières, les transformant en adversaires ; le risque de dispersion des terroristes au-delà du septentrion malien et de leur enkystement dans des zones fragiles, en particulier le sud libyen. Nous n’en avons pas fini avec cette guerre, avec l’onde de choc qu’elle a créé en plaçant notre pays seul en avant, qu’on le veuille ou non, dans une nouvelle version de l’indispensable lutte contre le terrorisme, qui est pour nous tout autre chose que ce que certains ont appelé un « choc de civilisations ».
Cependant, nous n’ignorons pas que la rue arabe crie parfois « France dégage ! », et la lecture de la presse d’un certain nombre de pays – Jean-Pierre Chevènement et moi-même nous y attelons quotidiennement en ce moment – est éloquente et parfois décourageante.
Ce qui reste, malgré tout, une intervention étrangère sur le sol africain, est aussi un constat des limites de la politique africaine telle que nous l’avons reformulée depuis un certain temps - je parle aussi bien de l’actuel gouvernement que du précédent, madame Goulet -, une politique partagée avec les Européens et permettant aux Africains de prendre en charge leur sécurité.
Serval, comme Janus, a un double visage : celui d’une guerre nécessaire mais aussi – il faut avoir le courage de le dire – celui de l’absence d’une réelle architecture de défense proprement africaine.