Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an passé, la France a célébré le cinquantième anniversaire du traité d’Évian et de la fin de la guerre d’Algérie. De son côté, l’Algérie a célébré le cinquantième anniversaire de son indépendance recouvrée. Durant ces cinquante années, les deux pays n’ont pas vraiment noué de liens de confiance. L’ancien département ou colonie française, comme on voudra, nourrissait beaucoup d’amertume à l’égard de son ex-colonisateur, tandis que celui-ci cultivait un fort ressentiment à l’encontre de l’Algérie.
Pourtant, pendant cette même période, un important mouvement d’immigration algérienne en France a fourni de la main-d’œuvre à bon nombre d’entreprises, tandis que la France a continué à acheter gaz et pétrole à l’Algérie.
Mais qu’en est-il de nos relations avec ce pays ? Elles semblent toujours marquées par le poids de l’histoire, ponctuée de bien des tragédies. De tous les pays qui, à la fin des années cinquante ou au début des années soixante, ont accédé à l’indépendance, l’Algérie est sans doute celui avec lequel il est, ou a été, le plus difficile de rétablir des relations apaisées, sans arrière-pensées d’ingérence, sans méfiance réciproque.
Aussi, à un moment où notre pays est engagé militairement au Mali pour lui permettre de retrouver son intégrité menacée par des bandes armées financées par les trafics en tout genre et les prises d’otages – ces groupes s’en sont aussi pris à l’Algérie, comme récemment à In Amenas –, force est de constater que la France et l’Algérie partagent aujourd’hui un intérêt commun, peut-être même une cause commune, ce qui peut constituer le point de départ d’une relation renouvelée, d’une relation de confiance.
Sans présumer la teneur des propos échangés par le président Hollande et le président Bouteflika, par vous-même, monsieur le ministre, et votre homologue algérien, ou encore par les ministres de la défense des deux pays, il est permis de penser que cet épisode peut être l’occasion de régénérer nos relations. Les signes d’un changement de leur nature existent d’ailleurs : neutralité bienveillante ou constructive, pour ne pas dire plus, s’agissant du contrôle de la frontière sud-algérienne ; échange d’informations, peut-être ; autorisations diverses, sans doute…
On sent que, à la faveur de cette intervention au Mali, les choses sont en train de bouger, au niveau institutionnel, entre la France et l’Algérie. Dans le dialogue indispensable entre les rives nord et sud de la Méditerranée, ne serait-ce que pour le règlement d’un certain nombre de problèmes entre l’Europe et l’Afrique, la France et l’Algérie peuvent – et même doivent – jouer un rôle déterminant.
Une lueur s’est allumée ; il ne faut pas la laisser s’éteindre. Notre histoire commune, aussi tragique soit-elle, peut nous inspirer un printemps franco-algérien, sur le modèle de ce qu’ont su faire la France et l’Allemagne pour surmonter leur funeste relation passée. Comprendre les différences culturelles, les surpasser, s’ouvrir, se rencontrer, travailler ensemble : quelle belle perspective pour nos deux pays !
L’accueil réservé à notre président par la population algéroise, voilà quelques semaines, est également le signe d’un certain réchauffement de nos relations.
Monsieur le ministre, connaissant les défis que vous souhaitez voir notre diplomatie relever en matière économique, d’équilibres démographiques, de sécurité ou de démocratie, je souhaiterais savoir comment vous considérez aujourd’hui les rapports franco-algériens. Quel regard vos homologues algériens portent-ils sur eux ? Comment nos deux pays peuvent-ils tourner une page douloureuse de leur histoire, tout en évitant l’ingérence, et aborder une nouvelle phase de leurs relations, dans l’intérêt partagé de leurs deux peuples ? §