Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 19 février 2013 à 14h30
Débat sur la politique étrangère

Laurent Fabius, ministre :

Le développement durable est un autre sujet sur lequel vous auriez pu vous attarder davantage. Tout à l'heure, l'un d'entre vous a récapitulé les grands défis qui sont devant nous. Pour ma part, j’en vois six, qui concernent non seulement la France, mais l'ensemble du monde nouveau : le défi économique, le défi démographique, le défi du rayonnement culturel et éducatif, le défi sécuritaire, le défi démocratique et le défi écologique.

Le développement durable n'est pas simplement un slogan, c'est un objectif, une ambition, une nécessité. Vous le savez, la France va prendre une grande initiative : elle est candidate pour accueillir la grande conférence sur le climat de 2015. L’enjeu est considérable, puisque les conférences précédentes se sont soldées par des échecs. Là aussi, il faudra que la France et l'Europe avancent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également peu abordé la question de la francophonie et du rayonnement culturel et éducatif. Cela étant, je sais que nous partageons le même sentiment : on ne peut séparer cette question de celle du dynamisme économique et de la puissance d'influence de la France ; elles sont liées.

Enfin, il a été très peu question d’Europe. Or, beaucoup de nos choix, en matière de politique étrangère, sont liés à ceux que fera ou ne fera pas l'Europe. Nous aurons d’autres débats sur ce sujet. Je dirai simplement aujourd’hui que la politique du Gouvernement et du Président de la République entend promouvoir résolument une Europe réorientée et différenciée, dont les pays de la zone euro forment le cœur battant et qui puisse aller plus loin, sur la base du volontariat, dans les domaines de la défense ou de l'énergie, par exemple.

Je répondrai maintenant aux questions soulevées par les différents intervenants.

Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez insisté sur l'aspect économique. Je suis tout à fait d'accord avec vous. La puissance de la France tient certes à de nombreux facteurs, mais elle sera en péril si notre pays continue à s’affaiblir sur le plan économique. Si notre compétitivité et d'autres éléments déterminants de notre économie s’érodent encore à l’avenir, un jour viendra où, pour employer un épouvantable jargon sociologique, beaucoup pourront nous demander « d’où nous parlons ». Je n’identifie pas tout à fait le poids et le rôle, mais, sans poids, il n'y a pas de rôle ! C’est l'une des grandes questions qui se posent à la fois à l'Europe et à la France.

M. le président Carrère a, comme à l’habitude, soulevé des questions très pertinentes. Je répondrai plus particulièrement aux propos qu’il a tenus sur la défense. Bien sûr, nous connaissons les contraintes budgétaires et les difficultés de toutes sortes auxquelles la France doit faire face. Ces difficultés tiennent non pas à l’Europe, comme on l’entend souvent dire – celle-ci ne fait que les formaliser –, mais au fait que, malheureusement, la France est extrêmement endettée et que la question de son indépendance est posée : il faut réagir, et puisque l'on ne peut pas le faire en augmentant indéfiniment les impôts, nous devons investir résolument dans tous les domaines et réaliser des économies de fonctionnement. Il le faut pour assurer notre indépendance nationale et l’avenir de nos enfants.

En matière de défense, l’opération au Mali montre que nous avons des choix à faire ; elle révèle à la fois nos forces et nos faiblesses.

Si nous pouvons intervenir dans l’Adrar des Ifoghas, c’est parce que les Américains mettent à notre disposition un drone sophistiqué, dont nous ne possédons pas l’équivalent.

Si nous avons pu acheminer sur le terrain, souvent en un temps record, des troupes françaises et africaines en nombre suffisant et leurs matériels, c’est parce que des avions de transport, ainsi que des avions ravitailleurs, ont été mis à notre disposition.

Dans le même temps, si nous avons pu agir de manière aussi efficace, c’est parce que nous avions des troupes pré-positionnées, en Afrique notamment.

En tout état de cause, étant donné les contraintes budgétaires qui s’imposent à nous, tout ne peut pas être prioritaire. Vous aurez ce débat, dont le président Carrère a exposé les termes de façon très pertinente.

Madame Demessine, vous vous êtes interrogée sur la situation au Mali, en vous déclarant favorable à la transformation de la base juridique actuelle de notre intervention en opération de maintien de la paix. C’est précisément ce que nous souhaitons faire.

Je relève toutefois un point de désaccord entre nous. Vous avez indiqué, à propos de notre intervention au Mali, que nous agissions pour protéger nos intérêts économiques dans ce pays. Or, si nous avons des intérêts économiques au Niger, pays qui est l’une de nos principales sources d’approvisionnement en uranium, nous n’en avons pas au Mali. Je voulais le signaler, pour répondre à une antienne souvent reprise.

Mme Goulet, comme d’ailleurs M. Lorgeoux, est intervenue sur la question turque et sur le soutien à l’Azerbaïdjan. Je lui confirme que la France, qui co-préside le groupe de Minsk, maintient une position forte, conforme aux principes de Madrid. Nos relations avec ce pays très important qu’est la Turquie se sont beaucoup améliorées ces derniers mois, même s’il subsiste encore quelques points de discussion. J’ai récemment annoncé à mon homologue turc, M. Davutoglu, que, sans préjuger de l’avenir, qui comme chacun sait n’appartient qu’à Dieu – quand on y croit !

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