Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 19 février 2013 à 14h30
Débat sur la politique étrangère

Laurent Fabius, ministre :

Ces initiatives ne produiront peut-être pas toutes des résultats, mais la situation de notre économie nous impose d’orienter davantage notre appareil diplomatique vers l’économie.

Dans cette perspective, il nous faut aussi ajuster notre réseau diplomatique en fonction des réalités du XXIe siècle, en renforçant sa présence en Chine, en Inde, en Indonésie, là où se bâtit le futur. Les contraintes budgétaires ne nous permettant pas de créer de nombreux emplois, cela doit peut-être nous conduire à être un peu moins présents dans des postes réputés prestigieux, mais où nous n’avons pas besoin d’être représentés par des centaines de personnes. Il importe de s’adapter dans la concertation au monde de demain, au monde nouveau. La Chine compte 1, 3 milliard d’habitants, la population de l’Inde dépassera bientôt ce chiffre. Dans vingt ans, 143 villes chinoises regrouperont plus de 1 million d’habitants : nous avons à promouvoir notre savoir-faire en matière d’urbanisation.

En ce qui concerne le Mali, il faut prendre en compte trois volets inséparables : la sécurité, la dimension politique et le développement. Si nous ne travaillons pas de concert sur ces trois volets, nous n’arriverons à aucun résultat.

S’agissant de l’aspect sécuritaire, nous avons, avec les Maliens et les autres troupes africaines, reconquis des villes, souvent dans des conditions extrêmement périlleuses. Au fur et à mesure que progresse la sécurisation de ces villes, les Français doivent être remplacés par des Maliens et des Africains : nous n’avons pas vocation à rester éternellement au Mali. Après avoir fait ce que nous avons à faire, selon des objectifs précis, nous réduirons notre présence, comme je l’ai encore expliqué cet après-midi au Premier ministre du Mali, M. Cissoko. Bien évidemment, nous n’allons pas laisser tomber nos amis Maliens, dont on a vu l’accueil qu’ils ont réservé à François Hollande, mais il doit être bien clair que, une fois le Mali rétabli dans son intégrité, nous n’assurerons pas une présence permanente.

Il appartiendra à l’armée malienne, dont la formation sera assurée, y compris sur le plan moral afin de prévenir les exactions, par 500 personnes mises à disposition par l’Europe, de prendre le relais avec les troupes africaines, celles-ci étant d’ores et déjà plus nombreuses sur le terrain que les nôtres.

La recherche des groupes terroristes et de leurs chefs fait bien sûr partie de ce volet sécuritaire : nous faisons le maximum, dans la discrétion, pour essayer de récupérer les otages français détenus dans cette région. Ces opérations, très difficiles, font appel à des techniques bien spécifiques, sur lesquelles je ne m’étendrai pas.

Madame Demessine, nous avons l’intention de transformer la base juridique de notre intervention au Mali, comme vous le souhaitez. Actuellement, cette intervention se fonde sur la résolution 2085 des Nations unies, prise au mois de décembre dernier et présentant certaines limites, s’agissant, par exemple, du champ d’action géographique de la MISMA. En plein accord avec les autorités maliennes – le président Dioncounda Traoré a d’ailleurs écrit à M. Ban Ki-moon en ce sens –, nous demandons une transformation de la base juridique de notre intervention en une opération de maintien de la paix, ce qui donnera un cadre durable à notre action, sécurisera juridiquement les choses et, ce qui n’est pas négligeable, permettra la prise en charge par l’Organisation des Nations unies du financement, jusqu’à présent largement assumé par la France et un certain nombre de pays voisins. Cette nouvelle base juridique, sans bouleverser les modalités de commandement, permettra de poursuivre les opérations de maintien de la paix au Mali, la France continuant bien sûr à remplir son rôle.

Cette démarche est sur le point d’être engagée. Nous ne prévoyons pas de grandes difficultés, car les autres pays membres du Conseil de sécurité approuvent cette orientation, mais il s’agira d’un changement important. Comme le rappelait tout à l'heure l’un d’entre vous, nous sommes allés au Mali dans un but précis, selon un délai précis. Nous avons tiré la leçon des interventions en Somalie ou en Afghanistan. C’est pourquoi le Président de la République, Jean-Yves Le Drian et moi-même avons pu dire, ce qui a un peu surpris, que si tout se passe comme prévu, nous devrions pouvoir commencer à réduire la présence de nos forces à partir du mois de mars. Il n’est pas du tout question de partir du jour au lendemain, nous allons faire notre travail jusqu’au bout, mais il ne faut pas donner le sentiment que notre présence est appelée à devenir permanente.

L’aspect politique est fondamental. Bien sûr, il faut rétablir la sécurité et l’intégrité du territoire malien, mais le dialogue est nécessaire. À cet égard, je vous informe que M. Sissoko m’a confirmé l’installation avant la fin du mois de la commission du dialogue.

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