Intervention de Marc Norguez

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 février 2013 : 3ème réunion
Distribution de la presse — Audition de Mm. Marc Norguez secrétaire général et laurent joseph délégué syndical de presstalis au syndicat général du livre et de la communication écrite sglce-cgt

Marc Norguez, secrétaire général du Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT) :

Nous nous félicitons de ces auditions. La presse est un sujet suffisamment grave et important pour que les politiques s'en mêlent, d'autant que la distribution de la presse ou le sort réservé à ses salariés n'ont pas toujours bénéficié de pareille attention.

Depuis juillet 2012, notre organisation syndicale, la CGT, est majoritaire au sein de Presstalis : ni hégémonique, ni monopolistique, elle a simplement remporté les élections, grâce notamment à son travail auprès des salariés. Cela dit, il existe d'autres organisations syndicales qui mériteraient tout autant d'être entendues.

Nous sommes opposés au plan de restructuration qui prévoit le licenciement d'un salarié sur deux de 2012 à 2015, soit 1 250 emplois sur le total de 2 400 emplois, filiales comprises, de Presstalis. La brutalité de ce plan suscite l'interrogation et l'opposition des salariés. Certes, les ventes au numéro connaissent une érosion : d'après la direction, elles devraient chuter de 5 % d'ici à 2015, et atteindraient au maximum, selon le nombre d'années prises en compte, 15 à 20 % : mais nous sommes loin d'une diminution de 50 %, celle qui est prévue pour les effectifs. De même, la charge de travail ne va pas diminuer dans de telles proportions.

Ce qui est surprenant, c'est que ce plan social s'appuie sur un accord entre l'Etat, les éditeurs et Presstalis, dont nous ne connaissons même pas la date exacte de signature : pour nous, il s'agit d'un accord secret. Il a permis d'éviter le dépôt de bilan à l'automne 2012, notamment grâce à l'aide de l'État. Il comprenait en outre une participation de la messagerie concurrente, les Messageries lyonnaises de presse (MLP), au fonctionnement et à l'équilibre de la filière, et surtout, le plan social. Or, à aucun moment nous n'avons été avertis ou consultés. Il y a de quoi s'interroger...

Dans la mesure où le travail ne disparaît pas, nous avons l'impression de vivre une délocalisation sur place : des contrats à durée indéterminée de Presstalis, employés dans la filiale de la SAD (Société d'agence et de diffusion), les agences de diffusion de province, ou même dans la filiale Soprocom (Société pour la promotion et la communication), dans les dépôts de l'ensemble du territoire, vont disparaître, au profit de contrats intérimaires pour le compte de compagnies de transport : Géodis pour Presstalis ou DHL pour les MLP. Un système régulé, organisé, où les salariés sont correctement rémunérés, grâce à des années d'activités sociales et syndicales, n'aurait plus droit de cité, et devrait être remplacé par des salariés deux fois moins rémunérés travaillant dans des conditions dégradées.

Presstalis est la colonne vertébrale de la distribution de la presse ; la concurrence avec les MLP est une fausse concurrence. L'essentiel du réseau, tout notre savoir-faire, celui de la maison Hachette, serait abandonné et confié à des sous-traitants qui gèreraient entre eux la distribution de la presse. Ce n'est pas une bonne idée. Presstalis, qui a succédé aux Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), est en effet l'entreprise qui garantit à tous les titres, quels que soient leurs orientations, leurs propriétaires ou leur budget, et à partir du moment où leurs contenus sont légaux, d'être distribués dans les mêmes conditions, sur nos 30 000 points de vente. Abandonner ce système, c'est accepter que la presse soit considérée comme une marchandise comme les autres. Certains s'entendront et concluront des contrats ; d'autres seront laissés de côté.

Autre sujet de préoccupation, plus polémique : la loi Bichet a été modifiée en juillet 2011, au moment où le groupe Hachette-Lagardère a décidé d'abandonner son rôle d'opérateur. Pendant des décennies, de 1947 à 2011, le groupe Hachette a joué le rôle de « tampon » entre les éditeurs, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. A partir de 2011, les éditeurs sont devenus maître du système de distribution. On a vu le résultat : en dix-huit mois, le marché de la messagerie a été mis en pièces. Nous n'avons pas pour vocation de défendre le groupe Hachette, mais à son départ, les comptes étaient équilibrés. Dix-huit mois plus tard, fin septembre-début octobre 2011, l'entreprise était ruinée, au bord du dépôt de bilan, et le nouveau Gouvernement a dû agir dans l'urgence. Une mission de service public ne doit pas être laissée aux mains d'intérêts privés ! La presse a besoin d'être aidée, le groupe d'études sur les aides à la presse qui vient d'être créé fera un bilan à ce sujet. Il ne s'agit pas d'aider la presse en permanence, mais de l'aider à franchir un cap difficile pour que Presstalis ne soit pas acculé au dépôt de bilan.

Nous demandons que l'ensemble des acteurs attachés au système actuel de diffusion de la presse soient réunis pour trouver des solutions pérennes et permettre à la vente au numéro de garder son rôle essentiel. A la différence du portage et de l'abonnement, qui sont acquis, c'est en effet au kiosque que se gagne le lecteur.

Évidemment, les arrêts de travail sont préjudiciables, tant pour la démocratie que pour les travailleurs en grève, qui, j'insiste, ne sont pas rémunérés, mais nous sommes contraints d'agir ainsi pour que le débat prenne de la hauteur.

Nous avons rencontré hier les kiosquiers parisiens lors de leur journée d'action ; nous comprenons leurs problèmes.

Ce que nous souhaitons, c'est l'arrêt du plan Presstalis et l'ouverture rapide, sous l'autorité des pouvoirs publics, de négociations portant sur les économies, les réformes et l'amélioration du système, pour que l'entreprise poursuive sa mission. L'État a son mot à dire, même si les aides à la presse font l'objet d'un débat, notamment suite à leur évaluation à 1,2 milliard d'euros par la Cour des comptes. Les syndicats d'éditeurs contestent ce chiffre : il n'en demeure pas moins que l'aide de l'État est importante.

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