Ce projet de loi entend tirer les leçons de cinq années de crise financières en corrigeant les carences des dispositifs de régulation et de supervision. Il comporte un large éventail de mesures pour préserver le système financier et faciliter le financement de l'économie. Il inclut la création d'une autorité macroprudentielle et d'une autorité de résolution ; il comporte aussi un volet sur la structure des banques, dont vous avez déjà débattu. L'objectif du volet résolution est de renforcer la stabilité financière et protéger les ressources publiques en réduisant la probabilité pour l'État de devoir se porter au secours d'une banque défaillante. Ce régime de résolution est une innovation importante, destinée à éliminer le risque issu du principe too big to fail, « trop gros pour disparaître », qui oblige les pouvoirs publics à secourir des établissements dont le défaut créerait un risque systémique. Et ce, quels que soient leurs errements. Depuis 2009, la réflexion a été intense, au niveau international, sur ce sujet.
Ce texte met en place un nouveau cadre de gestion et de prévention des crises et crée une autorité de résolution française. L'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) devient l'Autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR) avec un nouveau collège, doté de pouvoirs étendus en amont comme pendant les crises, et dont la composition est resserrée pour lui permettre d'agir rapidement et de manière confidentielle pour sauver un établissement bancaire.
Son pouvoir de résolution se décompose en une capacité d'action « à froid » et des pouvoirs « à chaud ». A froid, l'ACPR suivra la préparation des plans de rétablissement et des plans de résolution de crise, désormais obligatoires. Ces living wills, ces testaments bancaires consistent à demander aux banques, de manière permanente, de préparer à l'avance les actions à mener en cas de crise, pour ne plus avoir à agir dans la précipitation. Cette innovation importante s'articule avec le volet structure : les obstacles à la résolution d'une crise seront identifiés et levés, et l'ACPR pourra exiger des modifications telles que la filialisation de certaines activités. Elle pourra également demander des modifications de structure financière, faculté qui, dans le cas du Crédit Immobilier de France (CIF), par exemple, aurait évité à l'établissement de s'enfoncer dans la crise...
A chaud, face à une défaillance, l'ACPR disposera du pouvoir de réorganiser l'établissement, de procéder à des cessions d'actifs, ou à l'imputation des pertes sur les actionnaires ou certains créanciers... Sera en l'occurrence concernée la dette junior, ou subordonnée, constituée de titres intermédiaires entre des titres de capital et des titres de dettes, qui sont remboursés seulement après le désintéressement des principaux créanciers. Ainsi les créanciers privés seront mis à contribution, et non la puissance publique. Ce régime est dérogatoire au droit commun de la faillite, inadapté au cas des établissements de crédit.
L'ACPR sera dotée de moyens renforcés : 90 recrutements sont prévus. En outre, le texte met en place un fonds de résolution. Concrètement, le Fonds de garantie des dépôts deviendra le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) alimenté par des cotisations prélevées sur le secteur financier. L'ACPR pourra mettre également à contribution le secteur financier en cas de défaillance d'une banque. Dans certaines limites bien sûr, pour éviter la contagion aux autres établissements.
Grâce à ce régime complet de résolution, les pouvoirs publics seront mieux en mesure de prévenir et résoudre les crises, sans pour autant intervenir financièrement en première ligne, car il n'appartient pas au contribuable de payer en premier ressort les conséquences d'un défaut bancaire.
Pourquoi dès maintenant des dispositions nationales, alors que l'on attend une directive européenne ? Cette initiative française s'appuie sur les « principes généraux pour la résolution des établissements bancaires » adoptés par le G20 en 2011. Signe de l'actualité de ces thématiques, le ministre des finances et le gouverneur de la Banque de France se sont rendus vendredi à Moscou pour évoquer ces questions lors de la réunion des ministres des finances et gouverneurs de banques centrales. Nous nous inscrivons dans ce cadre international, certes en avance, sans pour autant anticiper sur les points encore pendants de la directive européenne en cours de discussion. Ainsi le projet de loi ne prévoit pas l'imputation des pertes sur l'ensemble des créanciers, mais seulement sur les créanciers juniors, faute de consensus sur ce dossier sensible - ces mesures ne devant d'ailleurs pas s'appliquer avant 2018 dans la rédaction actuelle du texte européen.
De telles dispositions auraient été utiles dans certains dossiers nationaux - j'ai mentionné le CIF - pour intervenir plus en amont. D'autres mesures réglementaires ou législatives devront être prises lors de la transposition de la directive en cours de discussion, mais l'architecture générale du dispositif, inspirée par le droit international, ne devrait pas être remise en cause.
Par la suite il faudra renforcer les ressources du FGDR, actuellement doté de 2 milliards d'euros, pour les porter en 2020 à 10 milliards d'euros, de manière progressive, grâce à des contributions du secteur bancaire.
Enfin ce texte s'inscrit dans le cadre de l'Union bancaire, puisque l'Union européenne entend se doter d'une autorité européenne de résolution et d'un mécanisme européen de financement. La Commission européenne présentera ses propositions à l'été. La France soutient un dispositif ambitieux de prévention et de gestion des crises au niveau européen, une meilleure coordination, et un mécanisme de financement assurant un minimum de mutualisation des ressources. Cela viendra compléter la supervision unique décidée au Conseil Ecofin de décembre dernier, qui est une vraie révolution ! Comme dans le texte français, le renforcement de la résolution et va de pair avec le renforcement de la supervision. Le Gouvernement a le souci d'anticiper sur des réformes en cours en Europe, qui peuvent prendre du temps. Mais il n'y a pas de contradiction, puisque ce qui est fait en France l'est en cohérence avec les projets européens.