Monsieur Gélard, comme tout enseignant de droit public, j'ai dispensé des cours de droit administratif, de droit constitutionnel et de doit communautaire ; actuellement à l'Institut d'études politiques j'enseigne essentiellement le droit européen. Je retrouverai avec bonheur le droit constitutionnel !
Le Conseil constitutionnel a considérablement évolué. Il avait été créé au début de la Ve République pour limiter les pouvoirs du Parlement. Depuis la perspective a changé. Il ne constitue pas une cour suprême mais une cour constitutionnelle : la procédure et la QPC, introduite en 2008, en témoignent. Sa juridictionnalisation était nécessaire. Il devient un juge de protection des droits et libertés fondamentales plus qu'un juge de la procédure, soumis à l'exigence de concilier les droits et les libertés avec l'intérêt général. A cette fin il doit s'appuyer sur les travaux des parlementaires qui éclairent la volonté de la représentation nationale.
Cette évolution vers une cour constitutionnelle protège le rôle du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Une spécialisation se dessine entre cours suprêmes, en même temps qu'une association par le biais de la QPC et de la procédure de renvoi. Mais les juges des cours suprêmes sont des juges négatifs de la constitutionnalité, alors que le Conseil constitutionnel affirme son rôle de juge positif. La complémentarité est nette : pour apprécier la constitutionnalité d'un texte transmis dans le cadre d'une QPC, le juge s'appuiera en effet sur la jurisprudence des autres cours.
Madame Tasca, le juge Pescatore disait que le droit européen était un droit de l'intégration. Une des tâches du Conseil constitutionnel sera de progresser en ce sens. Certes la Constitution reste au sommet de l'ordre juridique français. Mais le Conseil constitutionnel contrôle désormais la conformité des lois de transposition de directives à ces directives, sous réserve du respect des traditions constitutionnelles de la France. Il adopte une attitude de plus en plus intégratrice de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne. Le dialogue des juges est une réalité.
Monsieur Richard, je crois à la capacité d'interprétation du Conseil constitutionnel. Le droit vaut par l'interprétation des juges. En l'occurrence, elle est fondée sur la conciliation des principes fondamentaux.
Ma vie politique antérieure ? Je serai soumise à une obligation de réserve et d'impartialité, dans le double sens défini par la CEDH d'impartialité subjective, plus délicate, et objective. Je veillerai à respecter ces obligations.
Je n'avais pas songé à l'articulation de la Charte de l'environnement et du Préambule de 1946, sauf à propos de l'éducation : l'alinéa 13 du Préambule pose le principe d'un enseignement public, laïque, gratuit et obligatoire, tandis que la Charte de l'environnement évoque l'éducation à l'environnement. Le Conseil constitutionnel a déjà intégré la Charte dans le bloc de constitutionnalité. Mais il est plus difficile d'en mesurer les applications pratiques.
Monsieur Cointat, dans les années à venir, il me semble que le Conseil constitutionnel devra approfondir la piste du dialogue des juges, en respectant le partage des attributions entre un juge de constitutionnalité et des juges de conventionalité et du fond.
Concernant la présence des anciens Présidents de la République, je ne saurais répondre à la place du constituant. Il s'avère qu'ils siègent peu, pour différentes raisons. La très grande majorité des décisions du Conseil sont rendues en leur absence. La juridictionnalisation de la procédure pourrait conduire le constituant à réfléchir à cette appartenance de droit.
La QPC constitue une innovation majeure et un succès quantitatif : 5000 demandes, 1500 transmises, 250 décisions rendues dont 54% de conformité. C'est aussi un succès qualitatif car le contrôle s'oriente sur les droits fondamentaux.
Quant au mode désignation des membres du Conseil constitutionnel, j'espère que j'en serai satisfaite après le vote...