Magistrate du siège dans l'ordre judiciaire depuis 1979, j'ai commencé ma carrière comme avocate, collaboratrice d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation. J'ai exercé toutes les fonctions du siège à l'exception de celles de juge d'instruction. J'ai été en particulier juge des enfants et juge d'application des peines, à une époque où ces fonctions étaient moins valorisées qu'aujourd'hui. Ce sont des fonctions du temps long : on y suit l'évolution des personnes et l'on comprend les conséquences des décisions que nous rendons. J'ai été conseiller à la Cour d'appel, puis présidente de chambre à la Cour d'appel de Paris, où j'ai traité le contentieux commercial tout en étant chargée de la coordination des juges d'application des peines. J'ai été présidente du tribunal de Melun pendant plusieurs années, et suis actuellement présidente de la Cour d'appel de Rouen. Dans ces fonctions de chef de juridiction, il faut veiller à ce que la justice soit correctement rendue sur le territoire, mais on dirige des juges indépendants, ce qui rend l'exercice complexe, surtout dans une période de contrainte budgétaire.
J'ai exercé des fonctions administratives : j'ai été responsable du bureau de la direction de l'administration pénitentiaire qui a mis en oeuvre le travail d'intérêt général, qui venait d'être voté à l'unanimité par le Parlement, et qui s'est efforcé d'ouvrir l'administration pénitentiaire aux associations et services publics susceptibles de faciliter la réinsertion des détenus. J'ai été brièvement conseiller technique à la délégation interministérielle à la sécurité routière, où il fallait gérer des logiques contradictoires (prévention, santé publique, logiques industrielles, opinion publique...), ce qui m'a appris combien les politiques publiques étaient nécessaires à l'application effective de la loi. De 1988 à 1990 j'ai suivi les questions de protection judiciaire de la jeunesse, les questions relatives aux étrangers et à la politique de la ville au cabinet du ministre. De 1998 à 2002 j'ai présidé la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, où j'ai essayé de mettre à disposition de tous les éléments du débat, et en particulier des données scientifiques validées, y compris sur les substances licites comme l'alcool et le tabac. Je me suis aussi intéressé à la recherche : la mission sur la recherche au ministère de la justice dont j'ai été chargée en 1991 a abouti à la création du groupement d'intérêt public « droit et justice ». J'ai présidé pendant plusieurs années la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale. J'y ai appris combien il est difficile pour certaines personnes d'accéder au droit : c'est la problématique du non recours.
Je ne suis pas une spécialiste du droit constitutionnel, mais si je suis nommée membre du Conseil je ferai tout pour acquérir les compétences nécessaires. La réforme de 2008 m'a toutefois conduite à intégrer le droit constitutionnel dans mes pratiques, puisque j'ai transmis plusieurs QPC à la Cour de Cassation. Je me suis réjouie du contrôle a posteriori de la loi ainsi instauré, qui nous fait prendre conscience de la manière dont une loi s'applique. Et je me réjouis de l'opportunité de rejoindre cette cour, non pas suprême mais constitutionnelle.