Intervention de Nicole Maestracci

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 février 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Nicole Maestracci candidate proposée par M. Le Président de la république à la nomination au conseil constitutionnel

Nicole Maestracci :

Je ne pourrai peut-être pas répondre à tous, car certaines questions sont susceptibles d'être examinées par le Conseil constitutionnel, et d'autres sont très techniques. C'est vrai que le contrôle a priori est plus étendu que le contrôle a posteriori, dans lequel le Conseil se borne à répondre à la question posée. Le Conseil y examine l'ensemble du texte afin de prévenir autant que possible les questions ultérieures. Il me semble toutefois qu'il fait un usage prudent et respectueux de cette faculté : il a rappelé à maintes reprises que ce contrôle différait en nature du travail parlementaire, et qu'il ne prétendait pas vérifier si les moyens mis en oeuvre par le Parlement étaient adaptés à l'objectif visé.

Notre constitution ne prévoit aucune condition pour être membre du Conseil constitutionnel. La QPC donne au Conseil constitutionnel un rôle de juridiction : est-il anormal qu'une juridiction soit composée de magistrats ? Leur présence est bienvenue étant donné l'évolution du rôle du Conseil. Les méthodes de travail y sont proches de celles du Conseil d'État, mais le juge judiciaire peut y apporter son expérience et son sens du pragmatisme. Il ne m'appartient certes pas d'apprécier les modalités de nomination des membres du Conseil constitutionnel prévues par la Constitution, mais il ne me semble pas anormal qu'à mesure que l'institution évolue vers une cour constitutionnelle, elle comporte des magistrats ayant exercé des fonctions de juge. Même si le législateur a multiplié les juridictions à juge unique, les juges judiciaires ont l'expérience du délibéré.

L'organisation de la carte judiciaire peut faire l'objet de prises de positions du Conseil constitutionnel. Comment concilier proximité judiciaire et sécurité juridique ? Nous n'avons pas encore trouvé la meilleure réponse. Je ne puis me prononcer sur la question de la dépénalisation. Les juridictions ne peuvent pas tout faire : tout n'entre pas dans le périmètre de la justice pénale, il y a d'autres modes de régulation sociale. Lorsque le chèque sans provision a été dépénalisé, l'interdiction qui le frappait n'a pas été affaiblie.

L'application de la loi est aussi importante que la loi elle-même. La loi doit être lisible, et ses conditions d'applications doivent être réunies grâce à des politiques publiques adéquates. Le juge constitutionnel a insisté plusieurs fois sur l'exigence de clarté et d'accessibilité de la loi, et nos concitoyens s'en soucient également davantage. La responsabilité est partagée entre le Parlement, les magistrats - et le Conseil constitutionnel.

Sur les quelque 1 500 QPC transmises au Conseil d'État et à la Cour de Cassation, trois cent environ ont été renvoyées au Conseil constitutionnel. La régulation par la Cour de Cassation semble avoir été plus ferme que celle du Conseil d'État : elle a voulu mettre cette procédure en concurrence avec le contrôle de conventionalité, et elle a contesté la possibilité pour le Conseil constitutionnel de contrôler son interprétation de la loi. Ces difficultés semblent dépassées. On a beaucoup parlé de dialogue des juges, il semble avoir eu lieu : la régulation fonctionne bien.

Les priorités sont fixées par le Gouvernement et le législateur, le rôle du Conseil constitutionnel est de contrôler la constitutionalité de la loi. Évidemment, il s'agit d'une interprétation, qui doit tenir compte du contexte.

Faut-il prévoir d'auditionner les rapporteurs ? Question intéressante, à laquelle je ne peux répondre ici. Le Conseil constitutionnel a souvent entendu d'autres acteurs : il n'est pas dans une tour d'ivoire. Est-il un outil de rationalisation du travail parlementaire, comme la Constitution le prévoit ? En censurant les cavaliers, il exerce un contrôle déterminant mais prudent.

Un texte comme la loi DALO entraîne en effet des changements de comportement des acteurs. Je me souviens des débats : c'était la première fois qu'une loi était dite opposable, ce qui semblait alors un pléonasme. Elle a obligé les acteurs locaux à avoir un dialogue sur l'attribution des logements, sur l'accessibilité... C'est un effet positif. Mais une loi ne pallie pas un manque de logement, comme il y en a en région parisienne, où son application a été limitée.

La concurrence qui s'est installée entre les juridictions a abouti rapidement à une situation inconfortable. C'est ce qui conduit certains spécialistes à souhaiter que le Conseil constitutionnel aille plus loin dans le contrôle de conventionalité des textes. Sur ce point, je me garderai de me prononcer !

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