Intervention de Anthony Mazzenga

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 13 février 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Laurence Hézard directeur général de grdf sur « les perspectives économiques et technologiques de la filière biométhane 2030 »

Anthony Mazzenga, chef du pôle stratégie GrDF :

Non, leurs caractéristiques étant identiques, il n'est pas possible de les distinguer. Toutefois, la loi Grenelle II a prévu un système de traçabilité afin de garantir que les consommateurs sont bien alimentés en biocarburant.

Le site de Morsbach, prochainement opérationnel dans l'Est de la France, constitue un autre exemple d'application du biométhane, en tant que biocarburant. Le Sydeme, syndicat intercommunal de gestion des déchets ménagers, a mis en place un tri à la source. Le biogaz produit dans un méthaniseur est en partie utilisé en cogénération pour produire de l'électricité et de la chaleur. Le reste sera épuré puis injecté dans le réseau. Le Sydeme a, par ailleurs, ouvert la première station-service publique de distribution de biométhane.

Le biométhane sert de carburant lorsqu'il prend la forme du gaz naturel pour véhicules (GNV). Ce dernier, devenu le premier carburant alternatif dans le monde, alimente un parc de treize millions de véhicules, en croissance forte (+18 % par an). Il présente en effet des caractéristiques favorables en termes de pollution : pas d'émission de particules, très faible émission de NOx ou d'autres polluants considérés potentiellement cancérigènes. En France (parc GNV actuel de 10 000 véhicules légers, 750 bennes à ordure, 2 200 bus et camions), un certain nombre d'entreprises l'ont choisi, dont GrDF, et 50 % des villes de plus de 200 000 habitants se sont dotées de flottes de bus alimentées en GNV.

Couplé à la technologie mature du GNV, le biométhane permet de disposer d'un carburant renouvelable, produit localement, avec de très faibles émissions de gaz à effet de serre, inférieures pour le CO2 de 75 % à 80 % à celles des carburants pétroliers. Les tarifs d'achat mis en place fin 2011 ont permis l'émergence d'environ 300 projets, un délai de 4 ans étant nécessaire pour trouver les financements, obtenir l'agrément ICPE et installer les systèmes. À l'horizon 2018, la production pourrait atteindre l'équivalent de 2,5 TWh. À terme, le potentiel français est estimé à 210 TWh, dont la plus grande part proviendrait de déchets agricoles non valorisés à ce jour, à mettre en regard des 520 TWh de gaz consommés aujourd'hui en France.

Une nouvelle ressource pourrait provenir de la valorisation de la biomasse ligneuse qui contient une part importante de fibres, difficiles à dégrader dans un méthaniseur. De nouvelles installations industrielles, les gazéifieurs, permettent, en la portant à des températures de l'ordre de 700°C, de transformer cette biomasse en gaz de synthèse. Ce dernier peut, après purification, être injecté dans le réseau de gaz naturel.

Un site expérimental est d'ores et déjà opérationnel en Autriche, à Güsing, avec un rendement de conversion de 56 %, soit près du double de celui des biocarburants de deuxième génération. En France, dans le cadre du projet GAYA de GDF SUEZ, soutenu par l'ADEME, une installation pilote, en cours de construction à Saint-Fons (Grand Lyon), sera opérationnelle fin 2013. En Suède, deux projets, plus avancés, atteindront 20 MW, une capacité proche de celle d'installations industrielles. Cette ressource, constituée à partir des résidus forestiers et agricoles secs, présente, selon une étude commune à plusieurs ministères, un potentiel de 100 TWh à l'horizon 2020 et 140 TWh à l'horizon 2050, auquel pourrait s'ajouter celui, de l'ordre de 40 TWh en 2020 et 140 TWh en 2050, des cultures énergétiques sur les terres non arables.

La technologie des micro-algues ouvre une autre voie pour la production du biométhane. Elle consiste à créer artificiellement la biomasse dans des bassins fermés ou des photo-bioréacteurs. Leur croissance nécessite du soleil, de l'eau et du CO2, disponible en quantité sur certains sites industriels, ainsi que des phosphates et nitrates, présents en faible quantité à la sortie des stations d'épuration. Les micro-algues assurent, à cet égard, une fonction de bioremédiation, contribuant ainsi à éliminer des polluants. Ces micro-algues sont aujourd'hui utilisées à petite échelle pour produire des nutriments ou des produits pharmaceutiques, par exemple des Oméga-3.

Les micro-algues produisent une biomasse de qualité, aisément méthanisable. Mais leur production en quantité industrielle relève encore de la recherche et développement, dans laquelle sont impliqués des acteurs du monde des hydrocarbures, de l'aéronautique ou encore des services à l'environnement. Les laboratoires et entreprises françaises travaillant dans ce domaine prévoient d'aboutir à l'industrialisation d'ici 2020-2030.

Le potentiel de production de biométhane à partir des micro-algues restera concentré dans quelques secteurs susceptibles de valoriser leurs coproduits ou la bioremédiation, comme la chimie, la pétrochimie, l'alimentation animale ou les services à l'environnement. Nécessitant des surfaces importantes, sa production serait limitée à 1 TWh à l'horizon 2020 mais pourrait aller jusqu'à 9 TWh en exploitant des surfaces complémentaires sans valeur, comme les déserts, voire plus de 20 TWh en 2050.

Une autre voie résulte de la capacité à produire, à partir d'électricité excédentaire, de l'hydrogène dont une partie peut être mélangée au gaz naturel, à hauteur de 6 % maximum. Pour aller au-delà, certains imaginent de mettre en oeuvre la méthanation, inventée en 1921 par le chimiste français Paul Sabatier, permettant de recombiner l'hydrogène avec du CO2 pour obtenir du méthane de synthèse. Cependant, la France ne disposera pas d'excédents de capacité de production électrique à valoriser avant 2030.

Ces différentes voies cumulées pourraient aboutir d'ici 2050 à une production de l'ordre de 400 à 550 TWh, comparable à la consommation actuelle de 520 TWh. Le scénario présenté par l'ADEME prévoit, pour sa part, avec une certaine prudence, 17 % de « gaz vert » dans le réseau en 2030 et 27 % en 2050. Des transporteurs belges, danois et hollandais ont, pour leur part, annoncé leur intention d'utiliser, d'ici 2050, uniquement du biométhane comme carburant.

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