Madame la présidente, chers collègues, la Délégation nous a donné pour mission de mener une réflexion sur les outils de la politique d'aménagement du territoire : sujet vaste et complexe, aux enjeux multiples, et qui couvre en fait la quasi-totalité de nos politiques publiques : transports, logement, santé, éducation, activités économiques, loisirs... Autant de sujets qui ont déjà suscité de nombreux travaux, au sein ou à l'extérieur de notre Délégation. Je citerai, par exemple, les rapports que prépare M. Hervé sur la SNCF, celui de MM. Mézard et Pointereau sur les infrastructures de transport, ou encore le rapport que vient de remettre M. Maurey sur les déserts médicaux au nom de la commission du développement durable, après celui qu'avait réalisé Mme Bruguière pour notre Délégation...
Dans ce cadre, nous avons été raisonnables, en essayant de restreindre le champ de notre analyse au développement économique. Nous avons constaté à cette occasion combien les approches du développement économique, d'une part, et de l'aménagement du territoire, d'autre part, pouvaient être cloisonnées, alors même que le développement économique est un élément de l'aménagement du territoire et vice-versa. Comment encourager l'implantation d'entreprises sans prévoir les infrastructures (de transport, de communication...) adéquates ? Comment développer un territoire sans activités économiques ?
L'aménagement du territoire est l'une des conditions du développement économique. Aussi avons-nous souhaité dresser un rapide bilan des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire, les SRADDT. J'y reviendrai plus précisément dans un instant.
En ce qui concerne le développement économique en tant que tel, les débats qui ont accompagné l'adoption de la loi créant la banque publique d'investissement ont mis en relief les doutes relatifs à l'efficacité de l'action économique des collectivités territoriales.
Nous avons souhaité nous emparer de ce sujet pour dresser un rapide bilan des politiques territoriales menées dans ce domaine, avant la tenue des débats sur la loi de décentralisation. L'actualité de ce sujet nous a été confirmée, il y a quelques jours, par la publication d'un rapport de la Cour des comptes sur les dispositifs de soutien à la création des entreprises. Nos constats se recoupent largement.
Je vais maintenant aborder plus précisément les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Ces schémas, instaurés par la loi Pasqua d'aménagement et de développement du territoire de 1995, fixent les orientations stratégiques, à moyen terme, du développement durable du territoire. Ce sont les conseils régionaux qui les élaborent, après avis du CESER et des conseils généraux, tandis que les agglomérations, pays, et certaines communes sont associés à la démarche. Comme l'avait esquissé notre collègue Georges Labazée dans son rapport sur les contrats de projets Etat-régions, la portée de ces documents est aujourd'hui assez limitée. Ils représentent pourtant de fortes potentialités, puisqu'ils favorisent une vision stratégique globale, intégrée et prospective du territoire. Globale, parce que chaque schéma doit prendre en compte l'ensemble du périmètre considéré, y compris les territoires les plus en retrait. Intégrée, parce que chaque schéma doit permettre de sortir d'une approche sectorielle des politiques publiques, « en silo », et tenir compte de leurs interdépendances dans un objectif de cohérence. Enfin, inutile de revenir sur l'intérêt d'une approche prospective et non seulement réactive des politiques publiques...
Dans les faits, la mise en oeuvre de ces schémas a été très variable selon les territoires : tous n'en sont pas dotés et, lorsqu'un schéma a été adopté, il n'a pas nécessairement été révisé dans une période récente. En outre, ils ont parfois manqué de traduction opérationnelle. Il s'agit en effet de documents de prospective et non de programmation : il revient donc aux collectivités de s'en saisir et de faire le choix d'y articuler leurs politiques. Par ailleurs, leurs objectifs sont rarement déclinés de façon détaillée dans les territoires et cette absence d'ancrage nuit à leur appropriation par les différents acteurs concernés : aujourd'hui, les SRADDT apparaissent pour nombre d'élus comme un document élaboré par des techniciens, et pour des techniciens...
Cette situation n'est pas satisfaisante : l'organisation de l'espace, la répartition des hommes, des infrastructures, des activités au niveau régional ne sauraient être la résultante de politiques menées individuellement par les différents acteurs qui y sont présents, sans concertation ni coordination.
Un consensus se dégage donc sur la nécessité de donner une nouvelle impulsion aux SRADDT. La question qui se pose est la suivante : comment ? Nous connaissons les positions de l'ARF sur ce point. Les régions voudraient que ce document devienne prescriptif et s'impose aux documents de planification que sont les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Dans cette optique, elles préconisent une association plus large des autres niveaux de collectivités.
Cette participation des autres collectivités nous semble effectivement essentielle mais, disons-le clairement, nous n'irions pas jusqu'à octroyer un caractère prescriptif aux schémas. Au-delà de la question d'ordre constitutionnel soulevée par ce type de proposition, la crainte d'une « recentralisation » au niveau régional, qui réduirait les marges de manoeuvres des autres collectivités, autant que la prise en compte des spécificités de leurs territoires, est réelle. Bien évidemment, la nécessité de définir une stratégie au niveau régional n'est pas remise en cause mais la crainte d'une perte d'ancrage territorial des politiques menées explique une bonne part de ces réserves. Se pose également la question des moyens de financement des différents dispositifs. Le principe du « qui paie commande » a été évoqué à différentes reprises.
Nous estimons qu'une participation effective des autres niveaux de collectivités à l'élaboration et au suivi de ces schémas permettrait déjà de renforcer leur portée. Les conférences territoriales pourraient être le lieu d'un tel débat. Ensuite, chaque conseil général mais aussi chaque conseil d'EPCI à fiscalité propre pourrait émettre un avis sur le projet de schéma. La présentation de ce projet devant les assemblées locales devrait favoriser leur appropriation par l'ensemble des élus des collectivités concernées, au-delà des membres de la conférence territoriale. Il faudra par ailleurs veiller à ce que les communautés de communes et les communes rurales soient représentées au sein de ces dernières.
Le schéma pourrait ensuite être modifié au sein de la conférence territoriale, pour tenir compte de ces avis. En cas d'absence de majorité, il reviendrait à la région d'adopter, en dernier recours, le schéma.
La traduction opérationnelle des SRADDT dans les espaces infrarégionaux gagnerait aussi à être renforcée, notamment par la conclusion de partenariats entre la région et les autres collectivités.
Enfin, une articulation de ces schémas avec les autres politiques publiques, qu'elles soient nationales ou territoriales, doit être recherchée de façon constante.
Voici les grandes lignes des enseignements que nous avons tirés de nos travaux s'agissant des SRADDT. Je laisse la parole à mon collègue Stéphane Mazars pour aborder la question du développement économique en tant que tel.